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Fabregas à la maison
«{Arsenal annonce aujourd'hui qu'il est parvenu à un accord de principe avec Barcelone pour que Cesc Fabregas aille en Espagne}». Enfin ! Après plusieurs années d'exil à Arsenal et des tractations très compliquées, Cesc Fabregas revient à Barcelone huit ans après avoir rejoint l'Angleterre, pour 40 millions d'euros (bonus compris). Mais déjà on se demande : le Barça a-t-il vraiment bien fait de reprendre son ancien fils prodigue ?
Au fond, c’est une histoire qui ressemble à celle magnifiée par un film aussi beau que méconnu : “Coming home”. “Le retour” en français. L’histoire d’un type qui part faire la guerre du Vietnam et de sa femme qui, pendant son absence, s’engage comme volontaire dans un hôpital et y tombe amoureuse d’un ancien camarade de lycée. Et évidemment, chacun de comprendre l’enjeu : comment gérer le fameux retour de l’être si longtemps aimé alors qu’une autre vie, un autre bonheur, a commencé à se construire. Oui, d’une certaine manière, le grand retour de Cesc Fabregas au FC Barcelone s’inscrit dans ce genre de problématique. C’est vrai que le joueur comme le club ont longtemps guetté cette opportunité. Mais il est vrai aussi que pendant l’absence de son enfant prodigue, le Barça a continué sa vie et mieux même : il l’a exaltée.
Il ne faut pas se le cacher, un drôle de sentiment escorte le transfert du meneur d’Arsenal. Ce départ apparaissait comme une évidence les deux saisons précédentes ; aujourd’hui, il ressemble à quelque chose de forcé. Un peu comme une obligation par rapport à une promesse tacite faite chacun dans son coin depuis bien longtemps. A l’image du retour de ce mari désiré des années durant par son épouse mais qui, au moment où la chose prend forme, est passée à autre chose. Bad timing… ?
Une impression d’inachevé
En même temps, pour tous ceux qui ont observé Cesc Fabregas la saison dernière, il y avait clairement un ressort de cassé. Quatre années durant, de 2006 à 2010, l’Espagnol a dispensé vingt passes décisives par saison en moyenne. Plus fort encore, en 2009-2010, le Catalan avait agrémenté ses offrandes de vingt-quatre pions, toutes compétitions confondues. Des stats ahurissantes pour un meneur, même si Cesc a toujours davantage ressemblé à un milieu à la Frank Lampard qu’à un véritable chef d’orchestre à la Xavi. Soit un joueur qui n’a pas une emprise diabolique sur le jeu mais qui possède une grosse activité et surtout un flair incroyable dans le dernier geste, à savoir la passe qui tue ou carrément le but. C’est sans doute pour cela que Fabregas a toujours laissé une impression bizarre d’inachevé. En résumé, chacun s’inclinait devant la force statistique implacable mais beaucoup restaient sur leur faim sur le plan qualitatif. « Il a un coup d’œil et une justesse technique sidérante, rappelait récemment Gilles Grimandi. Mais c’est vrai qu’il n’a pas une énorme puissance, qu’il ne va pas très vite, qu’il n’a pas un dribble fabuleux ni une frappe monstrueuse » .
Du coup, on ne sait pas s’il faut pondérer les performances de l’Espagnol ou, au contraire, les transcender au regard de ses moyens qui ne sont pas aussi spectaculaires que d’autres. Mais on l’a dit, l’an dernier, Cesc a semblé hors du coup, malgré des chiffres flatteurs (encore seize assists pour onze buts, TCC) qui tendent à prouver que parfois les stats ne disent qu’une vérité parcellaire. Nerveux, désabusé par l’incapacité d’Arsenal à jouer dans la cour des plus grands, et à la limite de la faute professionnelle lors du huitième de finale face au Barça. Comme si inconsciemment, il n’avait pu se débarrasser de la tunique blaugrana enfilée sur son dos par ses partenaires de la sélection lors de la parade du titre de champion du monde. Après le Mondial, d’une certaine façon, inconsciemment sans doute, jamais Fabregas n’est revenu à Londres…
Trop fort pour être remplaçant
Voilà donc l’enfant de la Masia de retour chez ses cousins, presque ses frères. Et nous d’oser la question en apparence incongrue : pour quoi faire au juste ? Car il faut bien dire les choses comme elles sont, Cesc n’a pas sa place dans le onze en l’état actuel des choses. Dans le trident du milieu ? Busquets est inamovible en 6, Xavi sans égal à la manœuvre et Iniesta plus perforant. Quant à jouer plus haut, il ne faut même pas y songer, Messi évoluant en électron libre (en laissant les couloirs à Villa et Pedro) et Fabregas étant incapable de jouer ailleurs que dans l’axe. D’ailleurs, au sein de la Roja, jamais Fabregas n’a pu faire sauter la hiérarchie. Et le Barça, c’est la Roja plus Messi… Bien entendu, on pourrait imaginer que le désormais ex-Londonien intègre le trio de l’entrejeu avec un Iniesta évoluant un cran plus haut mais cela voudrait dire faire sauter un Pedro qui apporte tellement de percussion et de vitesse. Certains ont une explication toute trouvée : Fabregas est là pour préparer la succession de Xavi.
Et à cet argument, il y a plusieurs objections. Primo, il ne faut pas se raconter de fable, n’est pas Xavi qui veut et on doute que Fabregas puisse seulement approcher le maestro dans sa maîtrise de la direction du jeu barcelonais. Deuxièmement, le successeur de Xavi est sans doute déjà là car on imagine bien le jeune surdoué Thiago Alcantara endosser un jour ce rôle. Enfin tertio, ceux qui ont décelé le moindre début de déclin chez Xavi sont extralucides et cela appelle une question essentielle : que faire de Fabregas tant que Xavi est performant ? Car si l’on a démontré qu’il n’avait pas sa place dans le onze, Cesc a un statut bien trop important pour faire banquette, au contraire d’un Keita qui sait pertinemment que, malgré son apport jamais démenti, son destin n’est pas d’être starter au Barça. Au vrai, le cas Fabregas ressemble à un casse-tête, à un caillou dans la godasse bleue et grenat. A bien y regarder, ce transfert porte davantage de raisons politiques que sportives car après tout, le retour de Fabregas est une vieille lune de Laporta que Sandro Rosell s’est senti obligé d’aller décrocher. Reste à savoir désormais si dans le ciel barcelonais, il n’y a pas désormais une étoile de trop.
Par Dave Appadoo
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