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Fabinho s’en va comme un prince
Le milieu de terrain de l'ASM s'est engagé avec Liverpool pour les cinq prochaines saisons. Arrivé sur le Rocher à l'été 2013 dans l'anonymat le plus complet, il en repart comme l'un des joueurs majeurs de l'ère Rybolovlev.
« Vendu, déjà ? On ne m’a parlé de rien et je suis déjà vendu ?(…)Jorge Mendes ? Qui est ce Jorge Mendes dont tu me parles ? » En octobre 2016, Fabinho relatait pour L’Équipe ce drôle de transfert qui l’a amené de Fluminense à Rio Ave en 2012, deux clubs dont il n’a jamais porté les couleurs. D’un tour de passe-passe à la Jorge Mendes, il avait rejoint dans la foulée la Castilla du Real Madrid. José Mourinho s’évertuait alors à remettre sur le bon chemin un club qui n’avait plus les épaules assez larges pour marcher sur l’Europe. Nul doute que Jorge avait suggéré à José de garder un œil sur ce jeune latéral droit.
La légende dit que Mourinho appréciait Fabinho. Il l’avait fait monter dans le groupe professionnel à quelques reprises, lui avait même donné ses premières minutes au très haut niveau. Six années plus tard, le Real est redevenu immense, et Fabinho est devenu l’un des meilleurs milieux du continent dans un club dont il n’avait peut-être jamais entendu parler avant d’y signer. Mais les larmes étaient bien réelles le 12 mai dernier dans le parking du stade Louis-II. Quelques dizaines de minutes auparavant, Fabinho était encore habité de son incroyable sang-froid au moment de transformer, face à Ruffier, le penalty qui enverrait son futur ex-club en Ligue des champions. C’était le bout du temps additionnel, c’était aussi le bout de son histoire à l’ASM. Tous s’en doutaient, tous l’ont compris en voyant ses yeux embués entre deux autographes. Alors, ils ont chanté à la gloire de cet inconnu arrivé au milieu de Falcao, Moutinho, James Rodríguez, Abidal ou Carvalho.
LE joueur de l’ère Rybolovlev ?
Promis depuis plusieurs mois à l’Atlético de Madrid, l’homme de base de Leonardo Jardim va finalement découvrir la Premier League et Liverpool, qui a déboursé une somme avoisinant les cinquante millions d’euros pour l’arracher à la concurrence. Un twist final qui sonne cela dit comme un choix, pour une fois. Il ne l’a pas toujours eu. Convaincu par Tite que son avenir en sélection passait par un transfert au PSG, il avait rongé son frein l’été dernier, lui, le fidèle, qui a vu tant de voyageurs en transit depuis son arrivée en Principauté. Un an plus tôt, il aurait également pu partir au clash, ses dirigeants refusant qu’il s’envole pour les Jeux olympiques de Rio, dont il rêvait légitimement. Mais il s’était tu, répondant présent lors de barrages qui allaient mettre Monaco sur la voie d’une saison incroyable. Il en a évidemment été l’un des hommes forts.
À vrai dire, il est même l’homme fort du Monaco de l’ère Rybolovlev. Certes, il n’a pas connu toutes les étapes menant de l’enfer de la Ligue 2 au paradis de la Ligue des champions. Ça lui aurait conféré une aura supplémentaire. Mais il a grandi d’un seul et même mouvement avec cette nouvelle ASM, passant de l’intrus dont on n’attendait rien à celui dont personne ne pouvait contester la présence. Il a parfois failli, mais il n’a jamais foulé la pelouse par défaut. Et le prometteur latéral droit un brin tête en l’air est devenu ce milieu si intelligent. Un rôle qu’il a accepté sans rechigner alors qu’il le considérait comme un frein pour sa carrière. Même cette saison où, voyant la Coupe du monde lui échapper, il aurait pu se laisser couler comme d’autres, il a su relever la tête pour demeurer la pierre angulaire de l’équipe monégasque.
L’homme qui ne valait pas dix centimes
« Tant sur le plan footballistique qu’humain, Fabinho est quelqu’un de fantastique. Il peut jouer numéro 2, numéro 6 ou numéro 8 au plus haut niveau. » Les compliments de Jürgen Klopp à l’égard de son nouveau joueur sont de circonstance. Ils n’en sont pas moins vrais. Solide au duel, bon récupérateur, excellent dans la lecture du jeu, capable de transpercer les lignes en quelques foulées élégantes, d’ouvrir une défense par une passe longue et même de planter une poignée de jolis buts, le Brésilien a le profil du milieu de terrain total prisé outre-Manche. Si l’on mesure à quel point il est difficile de s’imposer dans un mastodonte de Premier League en observant certains de ses anciens coéquipiers, c’est un joueur de 24 ans déjà accompli qui s’en va les rejoindre. Il a pris le temps, celui qui solidifie les bases pour l’ailleurs et laisse des empreintes indélébiles sur place.
Avec lui et Naby Keita, le finaliste de la Ligue des champions s’est offert un sacré lot de consolation. L’AS Monaco devra s’en offrir un également pour oublier qu’elle vient de perdre l’un des meilleurs milieux de terrain de son histoire. Fabinho, lui, se doit désormais d’écrire un nouveau chapitre de sa carrière, sans minorer celui qui vient de se refermer. Ce n’est pas son genre : « À mon dernier match au stade Louis-II, il s’est passé quelque chose que je n’attendais pas. C’était vraiment très spécial. Je veux me rappeler de ça pendant toute ma vie » , a-t-il confié ce lundi à RMC. Il y a cinq ans, les bruits murmuraient que Fabinho avait été recruté pour faire plaisir à Mendes. D’abord prêté par Rio Ave, il avait ensuite été transféré deux ans plus tard pour dix centimes, deux semaines après l’interdiction de la TPO. De drôles de chiffres. Mais que valent-ils face à une belle histoire ?
Par Chris Diamantaire