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Fabien Mercadal : « Quand on perd, j’ai honte »

Propos recueillis par Maxime Brigand
14 minutes
Fabien Mercadal : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Quand on perd, j&rsquo;ai honte<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Dix-huitième de Ligue 1 avant de recevoir le PSG samedi, le Stade Malherbe de Caen vit une nouvelle bataille pour le maintien agitée. Au cœur de cette lutte, Fabien Mercadal, 46 ans, qui traverse sa première saison en Ligue 1 et qui vient de voir arriver Rolland Courbis pour le soutenir dans ce combat. Entretien avec un coach qui ne rigole pas avec le mot passion.

Comment on se sent à quelques heures d’affronter le PSG ?Pour l’instant, vu qu’on a joué mercredi (Caen a été battu à Lyon en quarts de finale de la Coupe de France, N.D.L.R.), on est surtout dans la récupération. On ne peut pas dire qu’on arrive dans la peau du favori, c’est le moins que l’on puisse dire. Je sais que si on en est là aujourd’hui au classement, c’est parce que le groupe a des défauts, mais ce groupe garde beaucoup d’envie, de désir.

Pour un tel match, qu’est-ce qu’on regarde en premier quand on est dans votre situation : la performance ou les points ?On vient de jouer Lyon, là on affronte le PSG… C’est les meilleurs, on le sait, donc l’idée, pour nous, est de s’étalonner. Bon, si en s’étalonnant, on a la possibilité de gratter un point, on ne s’en privera pas, mais on va surtout utiliser ce match pour préparer le sprint qui nous attend derrière.

Courbis ? Au départ, c’est une idée du président. Moi, face à ça, j’avais deux réactions possibles : soit je m’opposais et je pensais à ma petite personne avec un ego mal placé ; soit je voyais l’arrivée de Rolland comme une chance. Parce que c’est quelqu’un d’expérimenté, qui a un bagout, qui peut redonner confiance à des joueurs qui avaient perdu confiance avec les résultats négatifs… On travaille avec un respect mutuel, c’est comme ça que je le ressens.

Lors de votre arrivée sur le banc du Stade Malherbe, en juin dernier, vous n’aviez pas caché votre hâte de découvrir la Ligue 1 tout en évoquant une petite inquiétude. Que gardez-vous de ces premiers mois dans l’élite ?Beaucoup de plaisir, déjà. Sincèrement, je suis heureux de préparer ces matchs, de travailler avec des joueurs de Ligue 1 qui doivent affronter le week-end d’autres joueurs de Ligue 1, c’est un honneur. Maintenant, sur le plan purement sportif, on avait un peu anticipé les choses, on se doutait que ça ne serait pas simple et qu’on se retrouverait probablement dans cette situation. Il y a eu beaucoup de changements au club durant l’été, je suis arrivé au début de ce qu’on appelle la saison de transition. Alors, être en difficulté, j’y étais préparé, mais on se bat pour exister dans cette division.

Pourquoi Caen ?J’avais des possibilités en Ligue 2, j’avais surtout aussi la possibilité de rester dans mon club, au Paris FC, parce que j’y étais bien, mais j’ai eu cette proposition. C’est un club de Ligue 1, ça n’arrive pas tous les jours, et j’ai eu la chance de rencontrer un président (Gilles Sergent, N.D.L.R.) qui avait envie de faire confiance à un entraîneur qui vient des divisions inférieures. Honnêtement, je ne pouvais pas refuser. Il n’y a eu aucun mensonge : je savais où je mettais les pieds, je savais que le club vivait quelques changements, qu’il y aurait quelques changements dans l’effectif, que Caen sortait d’une saison difficile (Caen a terminé seizième de Ligue 1, N.D.L.R.)… C’était un défi, mais un beau défi : maintenir le club, puis construire dessus ensuite.

En arrivant, vous aviez évoqué l’impossibilité de vous engager à avoir des résultats, mais vous aviez surtout promis que vous travailleriez « jour et nuit » . Pour ça, il fallait aussi vous entourer. Comment on construit son premier staff en débarquant en Ligue 1 ? C’est une histoire d’hommes, avant tout. Je connaissais déjà très bien Christophe Manouvrier, le préparateur physique. On est ensuite allés chercher Hervé Sekli pour les gardiens, parce qu’on a des connaissances communes et parce que j’avais la conviction que c’était quelqu’un de fiable. Ensuite, il me fallait un adjoint expérimenté à ce niveau, d’où la présence de Michel Audrain. Quand tu es à ce niveau, tu as besoin d’un staff soudé, qui partage une approche technique commune et qui est capable de se protéger quand ça secoue.

Vous avez surtout un staff pour lequel le foot est « une question de vie et de mort » selon vos propos.

Peut-être qu’on se tue trop parfois, ce qui explique qu’on manque parfois un peu de fraîcheur, mais personne ne peut nous reprocher de tricher.

C’est une façon de parler, c’est sûrement un peu fort, mais c’est un staff qui travaille beaucoup. On sait qu’on a besoin de bien bosser pour être armés parce qu’on part de loin. Peut-être qu’on se tue trop parfois, ce qui explique qu’on manque parfois un peu de fraîcheur, mais personne ne peut nous reprocher de tricher. On est incapables de faire autrement.

Rolland Courbis est arrivé il y a quelques jours pour vous assister. C’est quoi l’idée de ce duo ?Au départ, c’est une idée du président. Moi, face à ça, j’avais deux réactions possibles : soit je m’opposais et je pensais à ma petite personne avec un ego mal placé ; soit je voyais l’arrivée de Rolland comme une chance. Parce que c’est quelqu’un d’expérimenté, qui a un bagout, qui peut redonner confiance à des joueurs qui avaient perdu confiance avec les résultats négatifs… On travaille avec un respect mutuel, c’est comme ça que je le ressens et personnellement, je prends beaucoup de plaisir à ses côtés.

On a surtout le sentiment qu’il n’a pas hésité à regarder ce groupe dans les yeux : il a rapidement expliqué que certains joueurs jouaient en dessous de leurs possibilités. Quand tu n’as pas de bons résultats, tu commences à écouter un peu ce qui se dit à l’extérieur et de la part de certains, il y a un peu de haine dans les propos. Ce n’est pas quelque chose qui ne concerne que nous, mais les joueurs écoutent ça aussi… Alors, forcément, Rolland est arrivé dans ce contexte et ce qu’il a dit au groupe a été très important, car tout à coup, certains ont été validés. Il n’a pas dit que tout ce qu’on faisait était super, sinon on n’en serait pas là aujourd’hui, mais il a fait comprendre qu’il existait des possibilités de s’en sortir, que tout n’était pas noir… Forcément, ça fait du bien, ça a un poids.

C’était important pour vous aussi d’être validé ? Vous avez douté de ce que vous étiez en train de mettre en place ?Douter, je ne sais pas si c’est le bon terme, mais, en tout cas, on s’est beaucoup remis en question. L’effectif a été un peu construit à la hâte, ça c’est vrai, on n’a pas forcément les bonnes complémentarités aujourd’hui, on n’a pas vraiment réussi à faire un coup cet hiver… Donc la solution, c’était Rolland Courbis. On a pas mal cherché, on cherche encore, on se creuse la tête chaque matin, on discute en permanence.

En Ligue 2, vous jouiez le haut de tableau, vous aviez la possibilité d’imposer vos idées. Aujourd’hui, vous êtes à la tête d’un club qui se bat pour le maintien, donc qui se retrouve dans une situation d’urgence où il est beaucoup plus compliqué d’imposer son style, sa patte… Vous avez même avoué être passé en mode « combat » . C’est difficile de renier ses ambitions en matière de jeu ? C’est difficile, oui, évidemment… Mais je l’ai fait de manière logique. Quand tu débutes ta saison, tu tentes des choses, tu essaies, mais à un moment donné, tu es obligé de réajuster. Encore une fois, on sait qu’on a des manques dans certains domaines. La grosse erreur, pour un entraîneur, c’est de s’entêter dans son coin et de ne pas avoir d’ouverture d’esprit. C’est là que l’arrivée de Rolland est précieuse et le prouve : il ne vient pas là en donneur de leçons, il vient pour échanger et réfléchir avec nous.

Parce qu’un entraîneur est toujours rattrapé par les pieds de ses joueurs, aussi. Oui, et jamais je ne m’en prendrai à mes joueurs. Le groupe a des particularités techniques et des manques techniques parce qu’on n’a pas pu anticiper le recrutement. Aujourd’hui, il n’est pas complémentaire dans certaines zones, on le sait. On a aussi un manque en matière de leaders, donc on doit trouver une compensation. Rolland Courbis est, en quelque sorte, ce leader qu’on n’a pas pu recruter cet hiver. Ce n’est pas que ça, mais c’est aussi ça.

On sait que l’aspect psychologique est clé dans le football moderne. Après la défaite à domicile contre Nantes (0-1), Frédéric Guilbert a eu ces mots : « Au moins que l’on montre quelque chose, que l’on soit des guerriers… » Comment on retourne tout ça ? Maintenant, on a la chance d’avoir un booster, mais, pour moi, la préparation mentale, c’est quelque chose qui se travaille sur le long terme. Tu n’achètes pas une mentalité, il faut structurer cela et très tôt. Le club était dans une restructuration, et tu ne peux pas tout faire d’un coup. Si j’ai la chance de continuer à Caen, j’espère pouvoir le mettre en place, et en Ligue 1 si possible. Dans ce cadre, Rolland peut se permettre d’intervenir aujourd’hui, car il sait ce que c’est que de se battre pour un maintien : il a gagné, il a perdu, mais il a tout vécu. Donc on est à son écoute et on bosse, car on sent qu’il y a beaucoup d’amour pour ce club.

Qu’avez-vous appris de nouveau sur le métier durant cette période ?Il y a l’aspect football pur, mais il y a surtout l’aspect humain. Aujourd’hui, on est dans une situation tellement compliquée que tu ne peux pas te tromper sur les hommes. Un groupe, ce n’est pas simple, car tu as une multitude de personnalités, mais aussi de situations : il faut aussi bien arriver à motiver des joueurs qui sont en prêt et qui savent très bien qu’ils vont repartir, des joueurs qui sont en fin de contrat, des garçons qui sont peu utilisés… C’est une gestion complexe, mais tu apprends, c’est nouveau, mais par le passé, j’ai connu des mois où des joueurs n’étaient pas payés, où il fallait faire la nounou…

Il y a des histoires qui sont écrites, il faut produire de l’information et même si les histoires sont fausses, peu importe, il faut vendre. Prenons l’exemple de Fayçal Fajr. Vous pouvez l’appeler, je peux vous dire que j’ai une proximité avec lui sur le plan humain et footballistique. Je l’apprécie beaucoup, il a déjà dit qu’il était revenu au club pour moi, et j’adore coacher ce garçon qui, au-delà d’être un super footballeur, est un mec en or. Et là, un matin, j’ai appris qu’on avait des soucis. Derrière, tu es obligé de te remettre dans ta bulle face à autant de bêtises.

Ici, c’est autre chose. L’autre aspect que j’ai découvert, c’est le changement de pression médiatique car en Ligue 1, tu découvres de nouveaux acteurs qui ont construit leur univers sur des choses acides. C’est une donnée importante, on sait que les journaux doivent vendre, qu’il faut écrire et écrire… Mais derrière, tu as des familles et il faut le gérer. Dans les divisions inférieures, tu es moins exposé et il y a certainement plus de bienveillance.

Vous avez un rôle de protection de votre groupe par rapport aux médias ? Récemment, Fayçal Fajr a dû s’expliquer, car certains journaux expliquaient qu’il vous avait lâché par exemple, ce qui semblait difficile à croire vu ses performances…Oui, et c’est vraiment compliqué parfois… Il y a des histoires qui sont écrites, il faut produire de l’information et même si les histoires sont fausses, peu importe, il faut vendre. Prenons l’exemple de Fayçal Fajr. Vous pouvez l’appeler, je peux vous dire que j’ai une proximité avec lui sur le plan humain et footballistique. Je l’apprécie beaucoup, il a déjà dit qu’il était revenu au club pour moi, et j’adore coacher ce garçon qui, au-delà d’être un super footballeur, est un mec en or. Et là, un matin, j’ai appris qu’on avait des soucis. Derrière, tu es obligé de te remettre dans ta bulle face à autant de bêtises.

Mais quand vous expliquez après Nantes éprouver « un sentiment de honte » , qu’est-ce qui se passe dans cette bulle ? Je suis entier, donc je suis capable d’exploser quand on prend un but, comme de vomir une défaite. Je vis ce métier avec passion, je sais que ça peut déranger, mais je m’en fiche complètement. Je suis comme ça, je ne vais pas changer maintenant. Donc quand on perd, j’ai honte, je prends tout pour moi et j’entre dans une forme de micro-dépression. Le lendemain, tu te relèves et tu repars, mais je n’arrive pas à jouer un rôle. Le problème, quand tu as cette nature, c’est que quand tu gagnes, tu es dans l’euphorie, tu peux te permettre d’aller en ville, de parler avec les gens, mais sinon, tu as honte. Après une défaite, j’ai honte de me présenter aux administratifs, même si je sais qu’ils ne nous en veulent pas.

La plus grosse déception, finalement, c’est quoi ? On dit souvent qu’en passant en avion au-dessus d’un stade, il est possible de reconnaître une équipe immédiatement, notamment son style de jeu. Aujourd’hui, on voit des circuits à Caen, quelques intentions, mais pas un style défini.

C’est mon mal-être du moment, mais il faut du temps pour atteindre le style, il faut que tu aies choisi le maximum des hommes en place… Aujourd’hui, ce n’est pas le cas, c’est compliqué, mais ça ne se fait pas du jour au lendemain, il faut du temps, de la patience.

Et c’est le plus dur. C’est mon mal-être du moment, mais il faut du temps pour atteindre le style, il faut que tu aies choisi le maximum des hommes en place… Aujourd’hui, ce n’est pas le cas, c’est compliqué, mais ça ne se fait pas du jour au lendemain, il faut du temps, de la patience. Actuellement, je prends du plaisir en regardant ce que fait Lille par exemple : ils ont galéré l’année dernière, mais Galtier a réussi à mettre en place quelque chose de fort, de solide, mais aussi de très facilement identifiable. Je rêve que ça nous arrive. C’est aussi le cas de Strasbourg, qui a connu l’enfer l’an passé et qui vit de bons moments aujourd’hui.

On a quand même le sentiment qu’on souhaite vous laisser du temps ici. Le président n’a pas souhaité se séparer de vous cet hiver, vous avez eu la possibilité de travailler sur la post-formation, vous avez développé des relations avec l’équipe réserve… Le président a prouvé qu’il me faisait confiance : il aurait pu me virer. Il a fait un autre choix, je suis persuadé qu’il croit en nos méthodes, qu’il a conscience que cette mission n’est pas simple à mener, donc il est plus dans l’idée de nous aider. Après, il ne faut pas perdre de vue que l’important dans cette histoire, c’est le Stade Malherbe, pas l’entraîneur du Stade Malherbe. Je ne serai peut-être qu’un petit maillon qui aura travaillé durant cette année compliquée et qui laissera la place à quelqu’un de plus frais dans quelques mois, mais je ne le sens pas comme ça.

Il y a un jour où vous avez cru perdre votre poste ?Jamais. Je n’ai jamais senti ça de la part du président, du comité directeur ou de quelqu’un… Il y a toujours eu un soutien et ce n’est pas de la langue de bois. Et j’essaie de le présenter aussi comme ça à mes joueurs : on est en vie. Après Toulouse, j’ai encore tenu ce discours à mes joueurs, même si ce match semble être un défi de plus sur notre route : on fait un bon match, j’aurais aimé le gagner, même pour Rolland, mais on se fait de nouveau égaliser dans les dernières minutes, on nous remet la tête sous l’eau, mais on n’abandonne pas. On n’abandonnera pas.

Pendant l’hiver, vous avez quand même dit à un moment donné ne pas y arriver. C’est étrange quand on vous connaît.J’avais l’impression de ne pas arriver à faire progresser mes joueurs, oui. C’est difficile à admettre et je n’arrive pas à mentir. Je me demandais tout haut si j’étais capable, vraiment, de faire grandir ce groupe. Souvent, tu vois tes circuits, un morceau de ta patte, mais là, c’était plus compliqué encore, même si je pense qu’on a quelques satisfactions entre la saison du jeune Yoël Armougom, celle de Brice Samba… Tu dois prendre des individualités, les faire mûrir et il n’y a que comme ça que tu fais grandir ton équipe dans son ensemble. Sans les résultats, c’est dur. Mais on garde confiance et j’ai la conviction qu’on peut se sauver avec ce groupe. On sent qu’on n’est pas loin, que quelque chose est là.

Et que les supporters tiennent ?Je n’ai pas ressenti d’hostilité parce que je pense qu’autour de nous, tout le monde a conscience que la saison est difficile et qu’on a construit ce groupe comme on pouvait. Les gens sont plus dans l’idée de nous filer un coup de main, même si ça leur arrive de siffler. Et je comprends les sifflets : ceux qui viennent au stade payent pour un spectacle, ils applaudissent quand on marque, ils peuvent se plaindre quand ils ne se sentent pas représentés. Car on est là-dedans. À Caen, si vous taclez, que vous vous battez, que vous suez pour ce maillot, les gens vous porteront. Quand on est sifflés, c’est qu’on n’a pas mis ces ingrédients et il faut accepter la sanction.

Dans cet article :
Alexandre Mendy ne veut plus offrir son maillot aux supporters
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