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Fabien Lemoine, cheveux blancs et sang vert
Avec le local Loïc Perrin, Fabien Lemoine est devenu l'un des cadres de l'AS Saint-Étienne. Breton de naissance et de formation, l'ancien Rennais s'épanouit dans un club qu'il supportait bien avant ses premiers cheveux blancs. C'est-à-dire très jeune.
Quand vos premiers cheveux blancs s’invitent dès vos années collège, vous risquez de passer pour plus vieux que votre âge. Fabien Lemoine assume à 27 ans sa crinière de renard argenté qui lui vaut d’être surnommé depuis ses années rennaises « Papy » . Le milieu de terrain est facile à cataloguer comme un joueur à l’ancienne. Un type austère en apparence, qui accumule les kilomètres sur un terrain et revendiquait dans L’Équipe en 2013 être « un joueur lambda, extérieur au monde people, et sur lequel il n’y a rien à dire » . La pudeur d’un taiseux qui rêvait enfant d’enfourcher un tracteur et de devenir agriculteur.
À Saint-Étienne, Fabien Lemoine n’a rien d’un joueur lambda. Le Breton incarne une certaine idée du football dans le Forez : du travail, de la sueur et de l’abnégation comme aux plus belles heures des maillots Manufrance, des débordements d’Osvaldo Piazza et des coups de tête des frères Revelli. Trop jeune pour avoir connu l’époque où le cœur du football français battait à Geoffroy-Guichard, Lemoine a pourtant été piqué du virus vert tout jeune. Peut-être parce qu’il a grandi à Saint-Étienne-en-Coglès… en Ille-et-Vilaine. À une époque où les posters de l’OM recouvrent les chambres d’enfants, le petit Fabien revendique son amour pour Saint-Étienne, ce qui à l’époque est plutôt l’apanage des plus de 40 ans quand on vient du département de la Loire et de ses environs. Même au centre de formation de Rennes, l’adolescent promène son maillot d’Aloísio dans les couloirs de la Piverdière. « Si tu veux aller à Saint-Étienne, vas-y ! » , lui lance un jour Patrick Rampillon.
Il manque de signer à Évian et se rétracte
Fabien Lemoine va mettre quelques années avant de donner raison au directeur du centre de formation rennais. À l’image d’un Étienne Didot qu’il avait poussé vers Toulouse, il se serait bien vu « signer pour 15 ans » avec son club formateur. La vie avait d’autres projets pour lui. Le 14 août 2010, il reçoit de plein fouet le genou du Nancéien Reynald Lemaître. Le Rennais souffre le martyr et croit sa carrière terminée quand on lui annonce qu’il faut retirer son rein droit. Quatre mois plus tard et des kilomètres de vélo avalés pour garder la condition, Lemoine redevient un joueur de foot. Mais Frédéric Antonetti estime qu’il tarde trop à retrouver l’intégralité de ses moyens. L’entraîneur lui reproche aussi de tirer la tronche sur le banc et lui indique la porte de sortie. En août 2011, Lemoine tient le style pour signer à Évian Thonon Gaillard quand il se rétracte au dernier moment. Son agent lui apprend que Saint-Étienne s’intéresse à lui. Un peu honteux, il pose un lapin à l’ETG et file rejoindre son club de cœur, celui qu’il allait voir plus jeune à Laval en D2.
Depuis, les deux parties ne regrettent pas ce mariage conclu à la dernière minute. Devenu un homme un base du système de Christophe Galthier, Lemoine est toujours capable d’avaler les kilomètres (jusqu’à 13 par matchs). Il récupère, harcèle, oriente et parfois nettoie une lucarne comme samedi dernier à Lorient. « Il a un profil de joueur espagnol avec une grosse qualité technique, toujours en mouvement et clairvoyant dans les passes. Son petit gabarit ne l’empêche pas de se mettre dans des duels incroyables » , vante un Galtier qui n’ignore peut-être pas que son milieu de terrain était parfois comparé à Andrés Iniesta lors de ses années rennaises. Une histoire de pigmentation de peau peut-être et d’influence dans leur équipe respective. Même s’il dit travailler pour « la collectivité » , Fabien Lemoine est devenu le patron de l’entrejeu stéphanois. Un patron qui ne doit pas regretter d’avoir remiser ses rêves de tracteur.
Par Alexandre Pedro