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Fabien Centonze : « Je dois tout à Safet Sušić »

Propos recueillis par Mathieu Rollinger
Fabien Centonze : « Je dois tout à Safet Sušić »

Indéboulonnable dans le couloir droit du FC Metz, Fabien Centonze fait ses comptes : la découverte de la Ligue 1, sa condition de latéral offensif dans une équipe qui cherche d'abord à ne pas s'exposer et ses ambitions à un poste qu'il s'est vu attribuer sur le tas.

Vendredi, le FC Metz reçoit l’Olympique lyonnais, qui n’est pas dans les meilleures prédispositions. Comment se présente ce match ?Certes Lyon n’est pas dans une super dynamique, mais ça reste un des plus gros clubs en France. Ça va être compliqué, mais on va garder nos principes, être solidaires et compacts, mais aussi continuer ce qu’on fait depuis le début de l’année 2020, c’est-à-dire tenter, prendre des risques. Ça nous a bien réussi ces derniers temps, mis à part la défaite à Bordeaux (2-1), où on a été plombés par ce carton rouge de Vincent Pajot en tout début de match. Contre Lyon, on sait qu’on a les capacités d’obtenir un résultat. L’objectif est de faire un match complet, sans s’endormir pendant 10 ou 15 minutes.

Tu as senti un déclic dans cette équipe, qui a pris 11 points sur 18 depuis 2020 ?Je l’ai senti sur le match de Strasbourg (1-0), où on a réussi à tenir le score. Et puis juste après, il y a eu celui à Reims (0-1) qui reste une référence pour nous, où on s’arrache pendant 90 minutes pour tenir les trois points. Avant, on se faisait souvent rattraper au score, on jouait vers l’arrière, avec pas mal d’erreurs techniques, des passes pas claires. Je trouve qu’on a réussi à gommer ces choses-là et qu’on s’est libérés. Il faut aussi souligner les arrivées de Dylan Bronn et de Vincent Pajot, qui nous font énormément de bien.

Tu es né dans l’Isère, à Voiron. Gamin, est-ce que tu supportais Lyon ? Je ne suis pas du tout supporter de l’OL, même si j’habitais à côté.

J’adorais le PSG, à l’époque où il se sauvait à la dernière journée. Ça m’arrivait de pleurer quand Paris perdait.

Petit, j’étais à fond pour Grenoble. Avec mes parents, on était abonnés et on allait voir tous les matchs. Mais j’adorais aussi le PSG, à l’époque où il se sauvait à la dernière journée. Ça m’arrivait de pleurer quand Paris perdait. J’étais vraiment à fond dedans. Aujourd’hui, je suis les résultats avec un peu plus de distance. Ça me fait encore chier quand ils perdent, mais il n’y a pas mort d’homme.

Quand tu es arrivé à Metz cet été, tu disais que c’était « la meilleure solution » pour ta carrière. Quelques mois plus tard, quel est ton premier bilan ? Je ne regrette absolument pas mon choix. Je n’avais fait que de la Ligue 2 auparavant, et Metz m’a offert l’opportunité de découvrir le niveau supérieur. Avant de venir, j’ai eu les coachs plusieurs fois au téléphone, que ça soit Vincent Hognon ou Fred Antonetti. Ils m’ont expliqué le projet, et ça m’a emballé. On m’a garanti que j’allais avoir ma chance avec du temps de jeu. Ce qui est le cas puisque j’ai joué tous les matchs jusqu’ici (il est le seul joueur de Metz à avoir joué l’intégralité des 27 matchs de la saison, dont 25 en Ligue 1, N.D.L.R.) et je sens que je suis en pleine progression.

Fred Antonetti s’est éloigné des terrains depuis plus d’un an, mais reste dans l’encadrement technique. Quel est son rôle aujourd’hui concrètement, auprès de vous, les joueurs ? Malgré la distance, on sent vraiment sa présence. D’après ce que j’ai compris, l’équipe est restée fidèle aux principes de jeu qu’il avait mis en place la saison dernière. Moi, il ne m’a jamais directement dirigé, je l’ai juste croisé une demi-heure la saison dernière avec Lens, parce que j’ai pris un carton rouge à Saint-Symphorien au match aller. Mais on sent que c’est quelqu’un qui s’investit et qui est à fond dedans, même si c’est le coach qui sert d’intermédiaire.


D’ailleurs, le carton dont tu parles a presque été un tournant dans la saison du FC Metz (2-0, lors de la 6e journée), car il a permis à Metz de prendre ses distances en tête du championnat. Est-ce qu’on t’en a reparlé à ton arrivée ici ? Oui. Moi, j’étais persuadé qu’il n’y avait pas faute, pour commencer, alors que Opa (Nguette) assure le contraire. On ne tirera jamais cette affaire au clair, mais je m’en fous, c’est du passé. C’était juste dommage, parce que les deux équipes étaient invaincues et c’était vraiment une confrontation importante pour lancer la saison. La décision était litigieuse et plombe notre match, ça m’a foutu les boules.

Aujourd’hui, tu as la sensation d’avoir franchi un cap ?J’ai eu un peu de mal au début, j’étais un peu sur la réserve. En Ligue 2, sans la dénigrer, il y a des matchs un peu brouillons. Mais en Ligue 1, si tu te relâches quelques secondes, c’est fini. Les mecs en face n’ont pas besoin de 50 occasions pour la mettre au fond.

Quel joueur t’a vraiment impressionné ?(Il réfléchit.) Je ne vais pas citer les grands joueurs des grandes équipes, parce que j’ai l’impression que contre nous, ils y vont tranquille. Si je devais mentionner un joueur qui m’a mis en difficulté, je dirais Moussa Doumbia de Reims.

Tu as délivré ta première passe décisive lors de la 18e journée. Quand on est un latéral aussi porté vers l’avant que toi, on pense aux statistiques ? Non, pas spécialement. J’évolue dans une équipe qui défend plus qu’elle n’attaque. On puise déjà pas mal d’énergie pour défendre. Mais quand tu as l’opportunité de te retrouver dans les 30 derniers mètres et de participer à une action décisive, ça donne de la confiance et tu comprends que faire les efforts offensifs vaut le coup.

Un joueur qui m’a mis en difficulté ? Je dirais Moussa Doumbia de Reims. Les grands joueurs des grandes équipes, contre nous, ils y vont tranquille.

Avoir un attaquant comme Habib Diallo, qui marque la moitié des buts de son équipe (12 buts sur 24), ça raconte quoi d’une équipe ?Pour être honnête, je suis très content pour Habib. Mais qu’il marque tous les buts de l’équipe ou pas, tant qu’on ramène des points, je m’en fous. S’il en marque 40 cette saison et que les autres restent bloqués à deux buts, si à la fin on est maintenus, je suis content.

Tu es le seul vrai latéral droit à Metz. Ce n’est pas étrange de ne pas être mis en concurrence ?Ça fait déjà deux ans, puisqu’à Lens, c’était aussi le cas. On m’a déjà dit que j’avais tendance à me reposer sur mes acquis quand je fais un mauvais match. Mais c’est archi faux parce que je ne triche jamais, je me donne toujours à 100%, avec ou sans concurrence. Après, ici, d’autres joueurs peuvent dépanner à ce poste. Comme il y a trois arrières gauches dans l’effectif avec Matthieu Udol, Thomas Delaine et Manu Cabit avant son accident, je sais que Thomas peut jouer à droite. Il a les deux pieds et l’a déjà fait pendant la prépa.

Tu as été formé en tant qu’attaquant puis ailier à Évian Thonon Gaillard. Quels souvenirs gardes-tu de ce club ?Évian est un club qui avait tout pour s’installer au plus haut niveau. Quand je suis arrivé au club en 2012, on n’avait pas d’installations correctes. Une semaine on dormait à droite, l’autre à gauche. On pouvait faire 20 minutes de route pour s’entraîner. C’était galère. Puis ils ont construit un nouveau centre de formation, se sont équipés d’un terrain synthétique. Des structures impeccables. Malheureusement, la descente de Ligue 1 en Ligue 2 a fait beaucoup de mal, il y a eu des problèmes en interne avec le coach Dupraz que je n’ai pas vraiment suivis. Et quand il est parti, plusieurs joueurs l’ont suivi et ça a foutu un peu la pagaille. On a cherché à se stabiliser pour faire remonter le club, mais c’était compliqué. (En 2016, l’ETG a fini 18e de L2 et donc relégué en National, N.D.L.R.)

C’est Safet Sušić qui t’a fait débuter avec les pros et qui t’a replacé en latéral. Tu te souviens de ce moment ?Je dois tout à Safet Sušić. Je faisais partie des U19 qui complétaient le groupe. Et quand il est arrivé, il a renvoyé une grande partie de ces jeunes dans leur catégorie d’origine et n’en a gardé que 5 ou 6, dont moi. Je m’entraînais en tant que milieu excentré, alors que les arrières droits étaient Alioun Fall et Kassim Abdallah. À cette époque, ils étaient blessés ou suspendus. Le coach était emmerdé et à deux jours du match, il me dit : « Tiens-toi prêt, parce que c’est toi qui vas jouer à Nîmes. » Je n’avais jamais fait un seul entraînement à ce poste. Mais j’étais content, surpris, stressé, angoissé, je suis passé par toutes les émotions. Finalement, ça s’est bien passé (0-0). Un autre moment qui m’a marqué avec le coach Sušić : deux journées plus tard contre Ajaccio, je fais une boulette au bout de deux minutes et on prend un but. À la pause, il vient me voir et me dit : « Tu sais Fabien, tu peux faire 45 fois la même erreur, tu joueras. Alors libère-toi ! » Au retour des vestiaires, j’ai égalisé. Il a cru en moi et a vu des capacités que je n’aurais jamais imaginées.

Ce repositionnement est finalement devenu une opportunité pour toi. Quand tu signes à Clermont Foot en 2016, on te considère comme un milieu, mais c’est toi qui demandes à Corinne Diacre de jouer un cran plus bas.Oui, clairement. Au fil des mois, j’ai compris que je faisais mes meilleurs matchs en tant que latéral. Donc je me suis dit au bout d’un moment que je devais me fixer à un poste et me perfectionner. Corinne Diacre a accepté, et j’ai pu progresser.

D’ailleurs, ça se passait comment avec Corinne Diacre ? Elle est pas mal critiquée en ce moment par les joueuses de l’équipe de France…Je ne l’ai côtoyée qu’une année. C’était une relation basique joueur-coach, sans souci particulier. Je n’ai pas grand-chose à dire.

À Lens, tu t’es épanoui avec Philippe Montanier, mais il disait que tu étais « trop réservé » , se battait avec toi pour que tu « communiques davantage sur le terrain » .

Le coach Montanier se tirait des balles avec moi. Il pouvait faire des entraînements exprès pour moi, où je devais diriger la défense, sinon on ne changeait pas d’exercice.

Tu t’es amélioré ? C’est vrai que sur un terrain, je parle très peu. C’est dans ce sens-là. Sur le terrain, je n’y pense pas forcément, je ne suis pas le genre de gars qui va hurler sur les autres. Mais je ne pense pas que « réservé » soit le terme approprié. Dans le fond, le coach a raison : je peux régler beaucoup de problèmes avec la parole, notamment avec le milieu excentré qui joue dans mon couloir. Le coach Montanier se tirait des balles avec moi. Il pouvait faire des entraînements exprès pour moi, où je devais diriger la défense, sinon on ne changeait pas d’exercice. Cette année, je ne dis pas que je le fais bien, mais je le fais un peu plus.

Tu as 24 ans, ça fait cinq ans que tu es professionnel et tu as changé d’entraîneur presque chaque année. Ce n’est pas compliqué, en matière de progression, de ne pas pouvoir trouver son rythme de croisière avec un coach ?Ça fait partie du métier. On sait que des coachs, on va en voir. Moi, ce que je veux, c’est progresser et m’installer au plus haut niveau. Jusqu’ici, tout ce que j’ai fait va dans ce sens. Si j’ai encore 10 ans à jouer avec 10 coachs différents, si ça me permet d’aller plus haut, je le fais sans problème. Je veux être épanoui sur le terrain, prendre du plaisir, jouer sans regarder vers l’arrière en me disant : « Là, on risque de descendre. » Mon rêve, c’est jouer dans un grand club et faire la Ligue des champions.

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