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Ezio Vendrame : mort d’un jouisseur

Par Lucas Duvernet-Coppola
Ezio Vendrame : mort d’un jouisseur

Des pitreries, des nuits blanches et des femmes, surtout des femmes. Voici pourquoi l’Italien n’est pas devenu l’un des joueurs majeurs des années 1970. Avant de s'éteindre, samedi dernier, des suites d'un cancer, à l'âge de 72 ans, Ezio Vendrame avait pris le temps de consommer la vie par les deux bouts.

Un jour de printemps 1976, à deux journées de la fin du championnat de troisième division italienne, Padoue, emmené par son capitaine Ezio Vendrame, reçoit la Cremonese. Les locaux n’ont plus rien à gagner ni à perdre d’un championnat qu’ils finiront quoi qu’il arrive au milieu de tableau. La Cremonese, elle, a besoin d’un point pour se sauver. Un accord est trouvé en coulisses entre les dirigeants des deux équipes : il n’y aura pas de vainqueur. Le match a la fadeur des rencontres arrangées. Le public se rend compte de la supercherie et se met à siffler les 22 acteurs. Insupportable pour Vendrame, qui décide d’« offrir une émotion aux supporters » : « J’ai récupéré le ballon dans la surface de réparation adverse, je me suis retourné et je me suis dirigé vers nos buts. J’ai traversé tout le terrain balle au pied, en dribblant mes coéquipiers. Lorsque je suis arrivé devant notre goal, il s’est jeté, mais j’avais déjà stoppé la balle. J’ai souri, et j’ai recommencé l’action depuis notre défense. À ce moment, j’ai entendu un grand vacarme dans le stade : l’émotion était sauve. » À la fin du match, Vendrame apprend qu’un supporter est mort d’un infarctus devant ses pitreries. Sa réaction : « Il y a une raison pour qu’un malade du cœur vienne me voir jouer. J’en déduis que ce monsieur avait décidé de se suicider. »

« Pas facile de satisfaire tant de vagins »

Sévère, mais juste. Car Vendrame jouait surtout pour les spectateurs en quête d’aventure. Un jour, il marque directement sur coup de pied de coin, après s’être mouché dans le drapeau du poteau de corner et avoir annoncé aux spectateurs derrière lui qu’il allait marquer. Un autre, il met un petit pont à l’idole Gianni Rivera à San Siro. En réalité, tout est presque trop facile pour celui qui fut recruté après « un test d’une vingtaine de minutes, deux dribbles, deux petits ponts et un but » par l’Udinese à treize ans, alors qu’il était en vacances dans le Frioul avec les autres pensionnaires de l’orphelinat où ses parents, trop occupés à lutter contre le sort que la vie leur avait réservé, l’avaient placé à ses sept ans. Tellement facile qu’à l’aube de la saison 1974, l’Inter, voyant en lui le nouveau Mario Kempes, pensa un moment à le recruter. Hélas, entre les très grands joueurs et Ezio Vendrame, il y avait une grosse différence : le mode de vie. Et c’est ainsi que Vendrame passa l’essentiel de sa carrière entre les équipes mineures et les divisions inférieures. « Si seulement les matchs ne se jouaient pas le dimanche, j’aurais peut-être été l’un des meilleurs, déclara-t-il un jour, à la fin de son barouf. Mais comment aurais-je pu être footballeur alors que dans la nuit de samedi, lorsque mes coéquipiers dormaient encore, j’étais en train d’errer dans les rues avec une clope au bec à la recherche d’un café et de chiottes où vomir ma bile ? À chaque coup d’envoi, j’étais déjà détruit, j’avais déjà joué, j’avais déjà fini. » Giampiero Boniperti, dont le palmarès en tant que joueur puis président de la Juventus laisse à penser qu’il s’y connaît un peu en football, ne dit pas autre chose : « Si Vendrame avait eu une autre tête, il aurait joué avec la Nazionale. »

Mais Vendrame avait surtout la tête ailleurs. L’ancien ailier gauche Renato Faloppa, qui a partagé la chambre du personnage lors des mises au vert à Vicenza, se souvient que dans leur repaire, « il y avait toujours beaucoup de monde. On buvait des bières, on fumait des clopes… » Souvent, une guitare encombre le lit. Sinon, c’est qu’une femme est déjà sous les draps. La grande affaire de la vie d’Ezio Vendrame reste en effet le sexe. Après avoir expérimenté précocement la masturbation à l’orphelinat, le hippie se découvre très vite une inclination pour l’amour physique. « J’aurais craché du sang et donné un rein pour une belle fille. Mais c’était une époque généreuse, et tous ces sacrifices étaient inutiles », écrira l’ancien fantasque dans son autobiographie.

Les lundis étaient des jours de repos pour les footballeurs, mais pas pour moi : c’était mon jour le plus chargé. Ma maison ressemblait à un cabinet de gynécologie.

Avant de détailler un peu ses semaines : « Les lundis étaient des jours de repos pour les footballeurs, mais pas pour moi : c’était mon jour le plus chargé. Ma maison ressemblait à un cabinet de gynécologie. La première visite commençait à 9h du matin, avec Giuliana. À 11h, c’était au tour de madame Carla. À 14h, de mon amie Lella. À 18h, de cette cochonne de Fernanda et enfin, à 22h, c’était la nouveauté de la semaine. Il n’était pas facile de satisfaire tant de vagins. » À l’occasion d’un tournoi d’avant-saison joué en Angleterre, Vendrame profite de son temps libre pour aller acheter des sex toys. Plus tard, en 1976, alors que le libertin porte le maillot du Napoli et qu’il est à l’aéroport avec ses coéquipiers pour aller jouer à Cagliari, le joueur voit son entraîneur parler avec une femme magnifique. Arrivé en Sardaigne, Vendrame aperçoit la fille dans l’hôtel des joueurs, et l’accoste. Énervé par ce comportement, le coach décide de mettre son joueur sur le banc. Mauvaise décision : « Puisque je ne pouvais pas descendre sur le terrain, je suis monté jouer mon match en tribune. Après un rapide échauffement avec la fille, je l’ai emmenée dans les toilettes du stade, et je l’ai baisée. »

« Celui qui ne se branle pas est malade »

L’histoire d’Ezio Vendrame pourrait être celle d’un gâchis. En réalité, c’est celle d’un type qui se satisfait de ne « jamais avoir donné à d’autres la télécommande de [s]a vie ». D’autant qu’Ezio Vendrame n’aimait pas assez le football, cette « petite chose de la vie », pour s’y consacrer pleinement. En 1971, alors qu’il joue à Vicenza depuis seulement trois mois, le joueur est invité avec Giussy Farina, le président du club, à une réunion d’un groupe de supporters. Le dîner à peine fini, des tifosi lui demandent de faire un discours. « Il ne savait pas quoi dire, mais je lui ai mis le micro dans les mains, se souvient Farina. Il a d’abord remercié tout le monde pour l’affection, avant de dire : « Vous êtes fous, je sais seulement tirer dans un ballon. Je ne suis pas un chirurgien qui sauve des vies, ni un ouvrier qui doit se bouger le cul pour arriver à la fin du mois. J’ai de la chance, et c’est pour cela que je ne vous comprends pas. Trouvez autre chose à faire le dimanche ! Allez voir un beau film, lisez un livre, restez chez vous et baisez ! Nous ne pouvons pas vivre seulement de football. » » Une fois les crampons raccrochés, l’ancien Casanova amateur de marijuana s’est transformé en poète rural, peintre bucolique, et modèle pour ses amis photographes – il posait nu, évidemment. Certains jours, Vendrame se pliait aussi à entraîner une équipe de gamins de sa région, dans le Frioul. À ses ouailles, l’ancien professionnel expliquait que « se branler à quatorze, quinze ans est une chose normale, et c’est encore mieux si on trouve une fille pour collaborer. Celui qui ne se branle pas est malade, il est donc juste qu’il ne joue pas. »

Article tiré du So Foot n°94 (2012)

Dans cet article :
Højbjerg, la pièce maîtresse
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Par Lucas Duvernet-Coppola

Tous propos recueillis par LDC, sauf ceux d’Ezio Vendrame tirés de son livre Se mi mandi in tribuna, godo, publié chez Edizioni Biblioteca dell’immagine (2003)

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