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Existe-t-il un problème portugais au Real Madrid ?

Par Javier Prieto-Santos
Existe-t-il un problème portugais au Real Madrid ?

Selon Pepe, les footballeurs portugais du Real Madrid seraient dans le collimateur des Espagnols. Une idée folle mais qui pose question. Plein de questions. Décryptage d’une chasse aux sorcières pas comme les autres. Entre cousins ibères.

Pepe est un exalté, un homme à l’esprit de bande, capable d’épouser une cause jusqu’à l’extrême. « J’appartiens à un groupe que je dois défendre. Le Real Madrid et la sélection portugaise sont comme des familles que je dois protéger contre ceux qui souhaiteraient lui porter préjudice » , prêchait-il en 2011 dans une interview au quotidien As. À l’image des convertis soucieux de se faire accepter, Pepe le naturalisé portugais a en a toujours fait des tonnes. Et ça marche. Alors que les naturalisations des Brésiliens Deco ou Liedson avaient fait couler beaucoup d’encre au Portugal, personne n’avait rien trouvé à redire sur l’arrivée du défenseur central dans le groupe des Navegadores dirigé alors par Felipe Scolari. Évidemment, quand Pepe reçoit peu avant Noël dernier, le prix Arthur Agostinho le sacrant comme le sportif portugais de l’année, il est tout ému. Dans l’interview (au quotidien Record) qui suit la remise du prix, le défenseur décide naturellement de se la jouer bon patriote en s’enflammant contre le voisin ibère. « En Espagne, Cristiano Ronaldo devrait être traité différemment par la presse et par certains supporters, le problème, c’est que pour atteindre Mourinho, il faut attaquer les autres Portugais de l’équipe. Tout ce que nous faisons sur et en dehors du terrain est interprété de manière différente et quand le Barça s’en mêle, c’est encore pire. C’est une équipe qui a une structure capable d’amplifier tout ce qui arrive. Les Portugais se sentent persécutés en Espagne. Nous sommes des étrangers notamment vis-à-vis des médias. Entre un Portugais et un Espagnol, leur choix est vite fait. » En évoquant une théorie du complot, Pepe s’est offert la dernière polémique de l’année 2012. Question : faut-il véritablement prendre en compte ses accusations contre les Espagnols ?

Cette sortie a évidemment provoqué des réactions dans les deux pays. Secretario et Vitor Bahia, deux anciens pensionnaires de Liga, ont notamment avoué « comprendre » où voulait en venir leur compatriote. Pepe a beau être un exalté, il est surtout un communiquant plus fin qu’il n’y paraît. En allumant un incendie, il a surtout permis d’en éteindre un autre. Quelques jours avant son interview, le Real vient de perdre pratiquement la Liga en chutant contre Málaga. Pour le dernier match de 2012, Mourinho avait alors jugé bon de laisser l’idole San Iker sur le banc de touche. Résultat : les Madrilènes sont battus pour la première fois depuis trente ans par les Andalous et se retrouvent largués par leurs deux ennemis historiques au classement, l’Atlético et surtout le Barça. La Liga est morte et enterrée, la presse madrilène fusille alors le Portugais en chef. Au lendemain de la défaite, Marca titre « Mou hace el ridiculo » (Mou fait le ridicule) en référence au statut de remplaçant de Casillas, perçu comme le dernier bras de fer en date imposé au club par le Special One. En évoquant la « persécution » des Portugais de Liga, Pepe s’est tout simplement sacrifier pour éviter à son ami et entraîneur de se faire lyncher par les médias locaux. Le défenseur a toujours été un bon soldat voué à la cause du Special One… Dans le vestiaire merengue, il semblerait qu’ils soient de moins en moins nombreux dans ce cas-là. Casillas et Sergio Ramos, entre autres, n’ont ainsi jamais caché leurs différents avec le Special One. Malgré sa fidélité au Mou, Pepe a su ménager la chèvre et le chou en déclarant que son destin au Real Madrid n’était pas lié à celui de son entraîneur et de Cristiano Ronaldo. Un moyen pour lui de jurer allégeance au Real Madrid mais aussi de balayer l’existence de clans à l’intérieur même du vestiaire merengue. Des clans, pourtant, il en existe réellement et ça ne date pas d’hier…

Comme le Barça des Néerlandais

Deux groupes se dégageraient du vestiaire merengue : celui des lusophones et celui des autres. À l’époque des (pré) Galacticos, Raúl et Hierro, les deux capitaines de l’équipe, faisaient déjà la grimace à Ronaldo et Anelka pour ne citer qu’eux. Ce n’est donc pas une question de Portugais. Ou plutôt si, depuis que Jorge Mendes a transformé le club en véritable show-room personnel. L’agent et ami personnel des Mourinho, Ronaldo, Coentrão, Carvalho ou encore Pepe a fait du Real Madrid une véritable colonie portugaise. Problème, le Real, club universel par excellence, se veut avant tout le fleuron du football espagnol, un savant mélange entre « zidanes et pavones » comme l’appelait de ses vœux le président Perez lors de son premier mandat. C’est bien sûr plus compliqué que cela. Depuis son arrivée, le Mou ne compte pratiquement pas sur les joueurs de la Fabrica, chose que les socios et la presse ont toujours eu du mal à encaisser. Pour beaucoup, le club aurait même dilapidé de véritables fortunes dans des joueurs ne les justifiant pas. Coentrão, cinquième joueur le plus cher de l’histoire du club, fait partie de ceux qui sont notamment visés pour leur rapport qualité/prix plus que douteux. Jusqu’à présent, la mainmise portugaise n’avait jamais posé problème, mais ça, c’était avant que le Barça ne prenne le large au classement. Comme les Néerlandais du Barça, les Brésiliens du Depor (version Irureta) ou les Argentins de Valence, les « Tos » du Real représentent à leur tour les boucs-émissaires parfaits en temps de crise. Un mécanisme dégueulasse mais tristement classique en Liga. Et ailleurs.

En prenant les pleins pouvoirs, Mourinho s’est aussi exposé comme jamais auparavant. Dans l’un de ses derniers éditos dans AS, Alfredo Relano, l’un des observateurs les plus éclairés de la presse espagnole, faisait remarquer que Mourinho n’avait pas encore compris « la grandeur du Real Madrid » . C’est sans doute le cas. Une chose est sure : Le Real n’a pas compris celle de Mourinho, qui se plaint de défendre seul, à tort ou à raison, une institution constamment sous les feux des projecteurs. Ce n’est pas vraiment le professionnel ou le passeport portugais du Mou qui pose souci, mais plutôt ses méthodes expéditives. Depuis qu’il coache en Liga, le natif de Sétubal s’est distingué par plusieurs épisodes douteux : le doigt dans l’œil de Vilanova, son clash avec le défunt Preciado et ses attaques intempestives contre l’arbitrage et le Barça. La guerre des nerfs qu’il apprécie tant mener semble aujourd’hui le desservir. Attachés à leur histoire et soucieux de l’image véhiculée par leur club, beaucoup de ‘madridistas’ s’interrogent sur les méthodes de Mourinho. La fin en vaut-elle les moyens ? Les titres, aussi importants soient-ils, valent-ils la peine de mettre en péril la réputation du club à travers le monde ? La question divise. Une chose est sûre, Mourinho a fait basculer le football espagnol dans le manichéisme le plus total. Les idéologies véhiculées par le Barça et le Real se sont toujours affrontées, mais son arrivée a redonné un nouveau souffle à cette guerre des titans avec d’un côté, les « gentils » du Barça et de l’autre les « méchants » merengues. Pour l’heure, il semble que les « gentils » , Messi, Guardiola et Vilanova aient gagné la bataille de l’image face aux vilains Mourinho, Ronaldo ou Pepe. Il faut dire que la politique de com’ blaugrana a été plutôt facilitée par les dérapages de Pepe, auteur du scalp de la colonne vertébrale de Casquero et de plusieurs bras d’honneur malvenus lors des Clásicos.

Mourinho l’hérétique

Mourinho est aussi et surtout le premier à avoir remis en question l’unique chose qui marche actuellement en Espagne : le football. Le Portugais n’aime pas la possession de balle à outrance ni les dispositifs tactiques sans neuf et ne s’était pas gêné pour le dire à Del Bosque lors du dernier Euro. Surtout, Mourinho n’a jamais reconnu les succès de la Roja dont le jeu est directement inspiré de celui du Barça. Le fait qu’il s’attaque également aux idoles Casillas ou Ramos et qu’il ne soit charmé ni par le jeu d’Iniesta ni par celui de Xavi est aussi couillu que jouissif. Mieux, Mourinho a fait du Real Madrid une véritable exception culturelle au pays du tiki-taka. Gagner une Liga, avec le club espagnol le plus titré, sans pratiquer le toque est peut-être même la plus belle de ses victoires. Et si finalement, le malaise provenait de là ?

Espagnols et Portugais partagent une histoire et une culture semblables. Et pourtant, les deux voisins ibères ont toujours entretenu des relations troubles. « Il y a un malentendu historique lié à la proximité géographique entre ces deux pays, qui au fond sont amis. Le désir de différenciation des Portugais est mal perçu par les Espagnols et à l’inverse, la volonté de rapprochement des Espagnols est perçue comme une tentative d’invasion de la part de leurs voisins » théorise Angel Rodriguez, professeur au département de sciences politiques et de relations internationales de l’Université de Madrid. On retrouve cette relation « je t’aime, moi non plus » , dans le cursus espagnol de Mourinho. Sa volonté de se différencier des standards espagnols érigés en référence footballistique mondiale a un peu de ça. Dans son interview polémique, Pepe envoie également une boîte aux Espagnols en assurant qu’ils ont du mal à encaisser l’idée qu’aucun de leurs joueurs ne puisse véritablement lutter pour le Ballon d’or. Ce que ne dit pas le défenseur, c’est que c’est justement l’un de ces Ballons d’Or, Luís Figo, qui a longtemps égratigné la réputation du footballeur portugais aux yeux du grand public espagnol. L’ancienne idole du Camp Nou passée au Real pour mieux gagner sa vie (et plus de titres) avait à l’époque hérité de plusieurs noms d’oiseau et notamment de celui de mercenaire. Le temps a désormais fait son travail, mais le problème demeure. La qualité de Luís Figo, tout comme celle de Ronaldo aujourd’hui, n’a jamais été remise en question au royaume de la Liga. Leurs maladresses par contre leur ont couté cher. Ronaldo s’en est récemment rendu compte lorsqu’il a publiquement exprimé son spleen à la presse. L’Espagne a beau avoir une culture foot, c’est un pays en crise qui accepte de moins en moins les caprices de ses footballeurs. Qu’ils soient talentueux comme Ronaldo ou fous comme Pepe.

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