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Existe-t-il des similitudes entre Bayern-Sainté 76 et Bayern-PSG 2020 ?
Dimanche soir, le Bayern affronte le PSG en finale de la Ligue des champions. Ce n’est pas la première fois que le club bavarois retrouve une formation française à ce niveau de la compétition. En 1977, les Teutons avaient brisé les rêves des Stéphanois. Un traumatisme nourri de poteaux carrés et de malédiction européenne, qui reste encore inscrit dans la mémoire, non seulement des Verts et de leur supporters, mais de toute la France. Un marqueur national presque. Toutefois, depuis ce maudit soir du 12 mai 1976 en Écosse, beaucoup de choses ont changé, à commencer par le foot et son rôle dans nos sociétés.
1976. L’épopée des Verts. Toute la France se met en rang derrière l’ASSE. L’émission Les routiers sont sympas sur RTL, symbole d’une France populo, un peu beauf, qui s’assume face à des élites, intellectuelle ou politique, qui préfère la petite reine au ballon rond, sonne la levée en masse du peuple. C’est certainement la première grande rencontre de l’Hexagone avec l’enthousiasme, populaire, démocratique, autour du foot. Le Stade de Reims était arrivé trop tôt, peu ou pas de télé à l’époque pour un sport d’abord d’ouvriers, de mineurs et de petites gens. Pas de quoi hisser le drapeau tricolore.
Donc 1976. Vingt ans que nos footeux baissent les yeux partout, aussi bien en Coupe du monde que dans les compétitions européennes. Soudainement, enfin, on peut relever la tête. Saint-Étienne représente et venge alors toute la nation. Ce club d’une ville laborieuse portée par un capitalisme très cocardier à la mode paternaliste donne à toute une génération son équipe mythique, préparant le terrain des Bleus de 1982. Avec, évidemment, puisque nous sommes en France, un drame, une injustice, pour sceller le destin commun. Une dernière dimension autorise cette communion qui ignore les querelles de clochers, la culture supporters reste très peu développée chez nous, les ultras inexistants. Enfin, l’arrêt Bosman est encore loin. Chez les Verts, deux étrangers : le gardien yougoslave Ćurković, et l’Argentin Osvaldo Piazza. Du côté allemand, un Danois : Johnny Hansen. Ce sont donc bien deux cultures du foot, deux pays qui s’affrontent sur le terrain neutre de Glasgow.
Sainté la française
Le choc et la mémoire en seront d’autant plus douloureux que finalement en restera un goût d’injustice, qui, nous l’avons dit, vivra sa réplique à Séville six ans plus tard, avec certains acteurs en commun. L’ogre allemand, avec toutes les représentations qui s’y attachent par chez nous, jouira d’une chance ignoble de son côté, celle des puissants, et l’on déteste ces derniers en une République égalitariste. Les « poteaux carrés » , dans le langage courant du footeux de base chez nous. Pour nos amis d’outre-Rhin, c’est la troisième Coupe d’Europe successive, tout comme 1982 ne sera qu’une demi-finale de plus. Tout le monde semble oublier à quel point la formation de Rummenigge, Beckenbauer ou Gerd Müller était énorme, au-dessus. Que nos joueurs français étaient bien des David qui ne surent user de leur fronde. Mais nous aimons les beaux perdants, ils écrivent notre patrimoine. Les Verts ont incarné le meilleur de notre foot. Comme les ultras stéphanois l’inscriront, un peu facilement certes, sur une banderole à destination de leurs adversaires Gones : « Il y a 30 ans, vos pères chantaient Allez les Verts. »
La fierté nationale s’est largement déplacée
Ce PSG-Bayern ne ressemble en rien à ce moment d’un autre temps et d’un autre foot. D’abord, les deux formations se regardent dans les yeux. Si le Bayern possède une galerie des trophées qui fait rêver du côté du Parc des Princes, les forces en présence, en revanche, se valent cette fois. De notre côté, la fierté nationale s’est largement déplacée, avec ses paradoxes, sur la sélection et ses succès (sans oublier les polémiques). On ne vit plus l’orgueil patriotique par procuration, d’autant que le palmarès de nos capés ne se discute plus. En outre, la métamorphose économique de notre Ligue 1, les effectifs désormais largement ouverts aux joueurs extra-nationaux, voire extra-communautaires, se sont accompagnés de l’émergence d’une véritable famille de supporters et d’ultras autour des clubs.
Certaines fautes de goût ne se commettent plus. Personne ne s’attendrait plus à voir les Marseillais (le voudraient-ils ?) sur les Champs après une finale, même perdue, comme ce fut le cas pour les petits gars d’Herbin. Le PSG remportera peut-être ce dimanche sa première Ligue des champions. Ce ne sera que pour lui et ceux qui, depuis 10, 20, 30, 40 ou 50 ans, l’aiment et le soutiennent, parfois dans la douleur des traumatismes passés et les doutes éthiques face à QSI. Kylian Mbappé n’est un héros national que lorsqu’il ne porte que du bleu.
Par Nicolas Kssis Martov