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Eusébio, un « king » au panthéon

Par William Pereira
Eusébio, un «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>king<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>» au panthéon

Les parlementaires portugais ont décidé d'accorder les honneurs du panthéon à Eusébio à l'issue d'un vote quasi unanime. Le Ballon d'or 1965 y rejoint, entre autres, Amalia Rodrigues, l'autre icône des heures sombres du Portugal. Et c'est bien mérité.

Le vote est unanime. Cette fois-ci, il n’y a pas eu débat. Les grands groupes parlementaires portugais se sont unis pour dire « oui » à l’entrée d’Eusébio au panthéon national. Un fait inédit pour un « simple » homme dont le travail était de courir derrière un ballon et d’enquiller les buts. Le fait est que le King n’était pas juste un footballeur. Il n’était pas seulement le meilleur joueur de l’histoire de Benfica ou de la sélection portugaise. Il était le Portugal et appartenait aux Portugais. La panthère a su conquérir le cœur d’une grande majorité des supporters rivaux du SLB au fil des années dans un pays où le « clubisme » a toujours été plus fort que l’unité nationale. Et ça, c’est fort. Très fort.

Le « King » ambassadeur

Était-ce suffisamment fort pour mériter un repos éternel auprès de figures importantes comme l’écrivain João de Deus, l’opposant à l’Estado Novo Humberto Delgado ou sa contemporaine Amalia Rodrigues ? L’ancien habitué du restaurant « Tia Matilde » au sein d’un des quartiers les moins reluisants de Lisbonne vous aurait sans doute répondu que non, modeste qu’il était. S’il eut été français, la réponse aurait sans doute été aussi négative, et la supposée inculture footballistique gauloise n’y aurait été pour rien. Eusébio français n’aurait été qu’un footballeur extraordinaire, l’un des meilleurs de son histoire, mais pas plus, parce qu’il aurait appartenu à un pays démocratique encore jeune et fougueux, capable de faire tomber le héros De Gaulle dans la rue et les urnes, là où le Portugal de Salazar s’isolait dans sa saudade, cette nostalgie morbide d’une époque révolue et que le peuple espérait revoir un jour sans se faire trop d’illusions – la « saudade » est une notion quasi intraduisible.

Eusébio était le rayon de lumière dans les ténèbres de la dictature. Oui, il ne faisait que courir derrière un ballon, mais il le faisait suffisamment bien pour battre le grand Real Madrid à lui seul en finale de la Ligue des champions et mener son pays sur le podium de la Coupe du monde 1966. Mieux, il a terminé meilleur buteur de la compétition et permis à son équipe d’être désignée comme la plus méritante par bien des experts cette année-là. Grâce à ça, le Portugal avait d’un coup le droit de ré-exister. Grâce à leur King, les Portugais pouvaient être fiers de leur pays.

Portugais avant et malgré tout

« Orgulho » . Orgueil, mais dans le bon sens du terme, en lusitanien. Fierté donc. C’est bien le principal sentiment qu’inspirait Eusébio à ses contemporains. À ses coéquipiers qui ont eu le privilège d’évoluer à ses côtés, de connaître l’homme et à ses compatriotes qu’il mettait en lumière par l’intermédiaire de ses exploits. Des faits d’armes qui ont permis à Eusébio, le Portugais, d’accéder à la noblesse du ballon rond. Ses amis s’appelaient Di Stéfano, Pelé, George Best ou encore Bobby Charlton. Quel honneur c’était pour un si petit pays d’avoir comme ambassadeur l’ami de ces haut placés de la hiérarchie footballistique mondiale. Quelle joie d’avoir pour étendard un homme sympathique et sans ennemis.

Mais si la grandeur d’Eusébio devait être résumée par un seul aspect de sa personnalité, ce serait sans doute son amour pour le Portugal, « son pays » , comme il le disait. Son biographe João Malheiro aime raconter qu’il « aimait par-dessus tout le Portugal et surtout Lisbonne. À chaque fois que nous rentrions d’un endroit donné en avion et que l’on commençait à apercevoir Lisbonne, il me disait : « João, on arrive enfin dans ma ville ». » La panthère noire adorait un pays dans lequel les noirs étaient sous-considérés pendant sa tendre enfance. Dans le territoire ultramarin de Mozambique, le centre de la capitale, Lourenço-Marques (aujourd’hui Maputo), était réservé à l’élite blanche, tandis que lui vivait à la périphérie de la ville. Il a joué pour le Sporting Lourenço Marques, un club qu’il jugeait raciste et qui ne voulait de lui que pour ses qualités de joueur. Bien que méprisé et insulté par le Portugal élitiste et intolérant de son début de vie, il a fait le choix de l’amour plutôt que celui de la haine et la rancœur. Ça valait bien une petite place au panthéon national.

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Par William Pereira

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