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Eusébio, Sinisa, Vincenzo, Simone : grazie !
Ils sont entraîneurs, ils sont jeunes, et ils ont enfin osé faire ce dont les tifosi rêvaient : lancer des jeunes Italiens. Alors, merci à eux.
Le 4 janvier 1998, Parme affronte la Lazio au stadio Tardini. Dans les buts, un jeune gardien, Gianluigi Buffon, qui va bientôt fêter ses vingt ans. Le portier sort un énorme match et permet à son équipe de s’en sortir miraculeusement avec un match nul, 1-1. Quatre jours plus tard, à 200 kilomètres de là, dans la ville de Lecco, le petit Manuel Locatelli voit le jour. Dix-huit ans plus tard, faille spatio-temporelle. Locatelli est désormais un jeune homme, porte le maillot de l’AC Milan, et Gianluigi Buffon, âgé de trente-huit ans, est toujours dans les bois. La première rencontre sur un terrain de football entre les deux hommes se solde par une frappe monumentale du gamin dans la lucarne de l’ancien. Un but qui fait chavirer San Siro qui, d’un coup, se remet à rêver d’un futur meilleur. À défaut d’être brillantissime, le Milan de Vincenzo Montella offre une lueur : il mise sur des jeunes joueurs italiens. Et ce serait presque en train de devenir une tendance en Serie A.
Belotti-Baselli, doublette frisson
Il n’y a évidemment pas que Montella. L’avènement de Gigio Donnarumma, dix-sept ans, dans les cages de l’AC Milan, on le doit entièrement à Siniša Mihajlović, le coach des Rossoneri la saison dernière. Retour de bâton : en début de saison 2016-17, Donnarumma arrête un penalty à la dernière seconde face au Torino de Mihajlović, qui s’est fendu à la fin de la rencontre d’un ironique « Si j’avais su qu’il allait me faire ça, je ne l’aurais pas fait débuter en Serie A. » Aujourd’hui à Turin, Sinisa continue de faire jouer des jeunes Italiens : Barreca, défenseur, a vingt et un ans, Baselli vingt-quatre, et Belotti, la nouvelle coqueluche granata, vingt-deux. Pour rappel, Belotti-Baselli, c’est huit buts en neuf matchs cette saison en Serie A, soit un de moins que la doublette Higuaín-Dybala. À cela près que Belotti-Baselli ont coûté 13,5 millions d’euros, contre 130 pour la paire Higuaín-Dybala. Et c’est aussi à Miha que l’on doit l’explosion de Romagnoli.
À Rome, Simone Inzaghi, lui aussi, a décidé de miser sur la jeunesse. Ancien coach de la Primavera de la Lazio, il a ramené avec lui en équipe première ses anciens protégés. Résultat, depuis le début de la saison, il a fait débuter en Serie A Cristiano Lombardi, vingt et un ans, et Alessandro Murgia, vingt ans. Le premier avait marqué lors de la première journée face à l’Atalanta, le second a marqué ce dimanche sur la pelouse du Torino. Lombardi-Murgia : 109 minutes de Serie A dans les pattes à eux deux, deux pions. Joli ratio. Une Lazio où Danilo Cataladi, vingt-deux ans et ancien capitaine de la Primavera, est désormais titulaire en l’absence prolongée de Biglia.
Aller faire ses armes en Serie C ? Non merci
À cette liste de jeunes entraîneurs qui osent lancer des jeunes joueurs, on pourrait ajouter Eusebio Di Francesco. Le coach de Sassuolo a pour principe d’utiliser le plus d’Italiens possibles dans son équipe, et plus ils sont jeunes, mieux c’est. Luca Pellegrini, vingt ans, compte déjà 25 matchs de Serie A avec Sassuolo grâce à Di Francesco, quand le prometteur Stefano Sensi, vingt et un ans, a fait ses grands débuts il y a quelques semaines, avec son premier but il y a huit jours, contre Crotone. On en oublierait presque Domenico Berardi, qui facture déjà quarante buts dans l’élite italienne alors qu’il n’a que vingt-deux ans. Chez les autres, on pourrait également nommer Gian Piero Gasperini, coach de l’Atalanta (meilleur centre de formation en Italie), qui a déjà donné du temps de jeu à Matta Caldara (vingt-deux ans), Roberto Gagliardini (vingt-deux), Alberto Grassi (vingt et un) et évidemment sa « star » formée à l’AC Milan, Andrea Petagna et ses vingt et un ans, même s’il a l’air d’en avoir trente-deux.
Alors que l’on parle depuis des années et des années d’un football italien en manque de renouvellement générationnel, en manque de jeunes, cette nouvelle vague d’entraîneurs donne une vraie opportunité à des jeunes plutôt que de les envoyer dans les méandres de la Serie C pour qu’ils aillent « faire leurs armes » . Oui messieurs, il faut faire jouer les jeunes, il faut leur donner du temps de jeu et de la confiance, et c’est ainsi et seulement ainsi qu’une nouvelle génération pourra enfin prendre le pouvoir. Alors, merci à Sinisa, merci à Vincenzo, merci à Simone, merci à Eusébio et merci aux prochains qui s’y mettront aussi : ce que vous faites actuellement est un putain de message positif pour l’avenir du football italien. Les effets ne seront pas immédiats, une équipe composée en majeure partie de jeunes joueurs italiens ne gagnera pas demain la Ligue des champions, mais dans quelques années, peut-être. Et l’on saura alors qui remercier. Et puis, ce serait beau qu’en 2036, un jeune Italien né en 2016 claque une énorme frappe dans la lucarne de Gigio Donnarumma. Avec Buffon sur le banc.
Par Éric Maggiori