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Euro U17 : les dernières heures au château
Ils ne sont pas encore des stars, mais ne devraient pas tarder à le devenir, ils ont commencé l'aventure à 16, mais ne sont aujourd'hui plus que deux, la France et l'Allemagne, mais à la fin il n'en restera qu'un. Oui, parfois le football et une certaine idée de la télé-réalité se rejoignent. Surtout quand c'est l'UEFA qui reçoit.
Des publicités Marlboro et des nids-de-poule tous les 200 mètres, des hommes très très musclés ou très très gros et des T-shirts à l’effigie de Vladimir Poutine, bienvenue à Pomorie, Bulgarie. À 400 kilomètres de la généreuse Sofia et seulement deux heures de route de la Turquie, cette bourgade de même pas 15 000 habitants n’a pas grand-chose à voir avec le gigantisme de ses grandes sœurs de la mer Égée. Sauf si l’on se donne la peine de rejoindre le Sunset Resort Hôtel à l’entrée de la ville. Sorte de phare dans la nuit bulgare, le Sunset brille quand tout le monde dort et s’offre du sable fin quand les locaux se contentent de galets mal taillés. C’est là, reclus dans les quelque 3000 chambres (!) de cet hôtel cinq étoiles que les 16 équipes engagées dans ce 14e championnat d’Europe des moins de 17 ans ont vécu pendant trois semaines leurs premières expériences d’apprentis millionnaires. Joyeusement bordélique au début, l’ambiance est petit à petit retombée au fur et à mesure des départs précoces, avant de s’éteindre totalement, puis de reconnaître un second souffle grâce à l’arrivée des premiers touristes. Retour sur trois semaines de vie de château.
Nos chers voisins
Le but avoué par Michel Platini dans les petits prospectus distribués un peu partout en début de tournoi était de faire de ces trois semaines de compétition, un « échange de culture » . D’où le mirobolant hôtel 5 étoiles comptant 9 restaurants, 13 bars, 4 piscines extérieures, une intérieure et une plage privée de près d’un kilomètre de long donnant sur la mer Noire. Bref, des installations que seule la fédé allemande aurait pu un jour imaginer mettre sur pied. Seize équipes logées au même endroit, l’idée était bonne, fallait-il encore que les joueurs acceptent de jouer le jeu. Honnête, un membre de l’équipe slovène nous avouera ne « pas être là pour se faire des amis, mais bien pour jouer au foot » . Si les Slovènes n’ont pas beaucoup joué, ils peuvent en tout cas se rassurer, ils ne sont pas les seuls à avoir fait l’impasse sur la lecture imposée par Platoche. Peu d’échange, pas même l’un ou l’autre shake entre coéquipiers en club, les couloirs sont le plus souvent vides et les piscines désertes. Partenaires à Tottenham, Ismail Azzaoui (Belgique) et Marcus Edwards (Angleterre) ont préféré les échanges via Snapchat que d’entrer en contact pour de vrai. La faute à l’emploi du temps pour Ismail, une vraie volonté de fuir pour l’Écossais Liam Burt : « C’est un peu chacun dans son monde, tout le monde s’évite et moi, je n’ai pas trop l’intention de parler avec eux. » Eux, ce sont les autres. En gros, et en règle générale.
Orange mécanique
Il y a des décisions qu’on regrette, des choix qu’on préférerait n’avoir jamais faits. Parce que la solitude est parfois pesante et qu’une décision prise à la va-vite peut transformer une dernière semaine de vacances en longue agonie. C’est ce qu’ont peut-être dû se dire Français et Allemands à force de mettre leurs petits copains dehors. Parmi les plus enjoués, il y avait les Tchèques, les Bulgares et surtout les Hollandais, mais tous se sont envolés dès le premier tour. Un vrai crève-cœur pour l’ambiance. On ne pourra plus compter sur la Tchéquie pour faire semblant de squatter le billard dans l’espoir de choper du WiFi, sur la Bulgarie pour claquer ses leva au bowling (seule activité payante de l’hôtel), mais le plus dur restera la perte de la Hollande.
Une équipe de plagistes qui sait allier l’agréable à la détente, le tout sans perdre un seul de ses trois matchs de poule, mais en s’éclipsant quand même dès le premier tour. Bruyants, mais sympas, les Hollandais étaient rarement les premiers couchés. Une tactique payante pour mettre l’ambiance, mais qui, sportivement, ne pardonne pas, à en croire Norbert Deviaene, 72 ans, et membre au regard avisé de la délégation belge : « Il suffit de regarder ce qu’il s’est passé au premier tour. Vous avez les Allemands, très sérieux, et puis les Pays-Bas qu’on voyait tout le temps sur la plage. Résultat, la Hollande est à la maison. » Et l’Allemagne en finale, CQFD. La réputation de la formation hollandaise en prend peut-être un coup, mais pour leur défense, les Pays-Bas se sont quand même coltiné l’Angleterre, l’Italie et l’Irlande dans ce qui ressemblait furieusement au groupe de la mort.
Super Nany
Le temps passe et les départs s’accélèrent. Ce mercredi matin, une fois les accessits distribués et les demi-finales disputées, ce ne sont pas moins de six équipes qui ont déserté le Sunset. Un gros coup dur compensé par l’arrivée des premiers touristes. Parmi ceux-ci, deux récentes retraitées françaises un peu déçues d’avoir assisté à l’exode de la jeunesse : « C’est vrai qu’ils avaient l’air un peu gamins, mais au moins ils mettaient un peu de vie parce que là, c’est désert. Il paraît que nous ne sommes que 30 dans l’hôtel… Déjà que les bars ne sont pas tous ouverts… » Contraintes et forcées, nos deux mamys vont donc se reposer. De fait, il est peu probable de les voir se lier d’amitié avec les Bleus. La communication autour de l’équipe de France, recluse dans sa tour d’ivoire, semble plus fermée que jamais. Plus dispo, la Mannschaft s’est, elle, interdit de prendre le soleil. Absents de la salle de jeu, invisibles sur la plage, les Allemands ont préféré monopoliser le canapé du hall d’entrée. Même pas le plus confortable. Entre des Bleus asociaux et des Allemands un peu paumés, il va pourtant falloir faire un choix. La réponse tombera ce vendredi soir sur les coups de 20 heures. Juste avant le prime de Koh-Lanta.
Par Martin Grimberghs, au Sunset Resort de Pomorie