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Retrouver l’esprit des Bleus de 1984
Il y a 40 ans pile, l’équipe de France de Super Platini (9 buts) et du carré magique remportait l’Euro, son premier titre international. Aujourd’hui, l’équipe de France de DD est à la peine dans cet Euro en Allemagne. Euro 1984 et Euro 2024 : une bonne occasion de relativiser les difficultés actuelles et de s’inspirer des Bleus d’Hidalgo.
En 1984, dans un tournoi à 8 équipes seulement, la France était qualifiée d’office comme nation hôte et a donc eu l’avantage de jouer à domicile. Et puis, coup de pot, le plateau n’était pas si relevé avec les absences de poids lourds comme l’Angleterre, l’URSS, les Pays-Bas, l’Italie championne du monde 1982 ou la Pologne, troisième de ce même Mundial.
Euro 1984 : Platoche mais pas fastoche
La compétition en elle-même, côté français, fut tout sauf une partie de plaisir… À part la masterclass absolue contre la Belgique (5-0), les Bleus ont pas mal galéré en poule contre le Danemark (1-0, but tardif et chanceux sur une frappe déviée de Platoche) et contre la Yougoslavie (3-2, les Français étaient menés 1-0 à la mi-temps). En demies, la victoire finale 3-2 ne fut acquise qu’à la toute fin d’une prolongation angoissante contre des Portugais épatants qui menaient 2-1 et qui ont raté deux fois le KO du 3-1. Enfin, au terme d’une finale crispante, face à une Espagne par moments nettement dominatrice, la victoire 2-0 s’est dessinée sur la célèbre toile d’Arconada… Moralité : malgré les images d’Épinal triomphantes de 1984, gagner l’Euro n’est jamais facile, même avec un carré magique éblouissant. Idem pour les Bleus magnifiques de 2000 qui sont allés chercher le trophée Delaunay avec les dents !
Aujourd’hui, en Allemagne, nos attaquants galèrent face au but ? Mais leurs aînés de 1984 avaient peiné aussi : Rocheteau, Lacombe et Six ont mis zéro but. Sauf Bellone en finale et son but du 2-0 à la 90e, quand les Espagnols avaient abdiqué. En 1984, ce sont les milieux et les défenseurs qui avaient marqué : Platini, Fernandez, Giresse et Domergue ! Retrouver l’esprit de 1984, c’est assumer le même statut actuel de cofavori du tournoi. En 1984, la France l’était avec la RFA. En 2024, même avant un huitième costaud face aux Belges, elle le demeure encore, à égalité avec l’Allemagne, l’Espagne, voire le Portugal ou l’Angleterre. Et globalement, comme en 1984, la France assume ce rôle en prenant malgré des flottements tactiques l’initiative du jeu : les occases sont là, c’est la finition qui pèche. Les adorateurs du football champagne qui ont peu goûté le 0-0 de Leipzig face aux Oranje devraient (re)visionner la finale France-Espagne de 1984 où le jeu de position, souvent figé et brutal, l’avait emporté sur le football de mouvement… En finissant deuxième de sa poule, la France aurait basculé dans la partie de tableau difficile, dit-on. Parce que jouer l’Autriche, l’Angleterre, l’Italie ou à nouveau les Pays-Bas aurait été fastoche ? En 1984, en 2000 ou en 2024, le challenge reste le même : pour être champion d’Europe, il faut battre tout le monde.
Associer et comparer 1984 et 2024, c’est faire focus immédiat sur Platini et Mbappé, tous les deux numéros 10 emblématiques. Comme Michel en 84, Kylian est aujourd’hui le leader d’attaque, même diminué. Les adversaires le craignent au même titre qu’ils craignent la France. Elle dispose encore grâce à lui d’un petit avantage psychologique. D’accord, le Bondynois n’est pas Platini : il ne plantera pas 9 buts, mais il y aura bien un plan anti-Mbappé à chaque match. Et puis dans cet Euro allemand, où en sont les individualités offensives très attendues de la Mannschaft, des Three Lions, de la Roja ou de la Seleção ? Avec trois buts, le Géorgien du FC Metz Georges Mikautadze est meilleur buteur de la phase de poules…
Kanté, Tigana : même combat
Défensivement, la France tient la route, et Maignan est impeccable. Reste à déclencher, devant, la petite étincelle que Griezmann ne parvient, hélas, pas à rallumer. Et si Kanté imitait Tigana ? Même si Giresse avait brillé en 1984, Tigana avait été tout aussi déterminant, voire décisif lors de la demie contre le Portugal en servant Platoche pour le 3-2. Alors pourquoi pas N’Golo, même poids plume aux origines maliennes lui aussi ? En Allemagne, on retrouve parfois le Kanté de Leicester et des premières saisons à Chelsea, quand il se projetait assez haut devant, tentait sa chance en tirant au but et en donnant des passes décisives. Facteur X des Bleus, N’Golo pourrait aider à « dékanter » les matchs fermés en assumant par moments de jouer en vrai n°10, d’autant plus imprévisible que les adversaires des Bleus ne l’identifient pas immédiatement comme « arme offensive ». Que N’Golo se lâche, comme Tigana à Marseille !
<iframe loading="lazy" title="Equipe de France, Euro 1984 : Ep.4, France-Portugal (3-2) vu par J-F Domergue, interview I FFF 2014" width="500" height="281" src="https://www.youtube.com/embed/7kgQd4tSPqk?feature=oembed" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share" referrerpolicy="strict-origin-when-cross-origin" allowfullscreen></iframe>
Au Vélodrome, par son raid lumineux, Jeannot-de-Bamako avait aussi répondu de la meilleure des façons, sur le terrain, à la percée du Front national aux élections européennes de juin 1984 (10,95%). En marge de leurs prises de position légitimes en rapport avec les récentes européennes, les Bleus de 2024 devraient eux aussi d’abord gagner sur le pré la difficile triangulaire (huitièmes, quarts et demies) qui les attend pour parvenir en finale… le 14 juillet, Fête nationale ! D’autant plus qu’ils peuvent compter sur le soutien du public. En 1984, l’Euro étant à domicile, la bande d’Hidalgo avait été chaudement poussée par ses fans, notamment à Saint-Étienne et à Marseille. En 2024, on a vu un inédit mur bleu à Dortmund ! Y a plus qu’à… Il manque enfin aussi aux Bleus de 2024 la petite part de réussite qui avait escorté l’équipe de France championne en 1984. On peut bien sûr blâmer la maladresse des offensifs de Deschamps, mais le sort n’a pas aidé Mbappé (blessure) ou Maignan (péno louche de Lewandowski). Et si Koen Casteels pouvait éviter d’imiter Łukasz Skorupski, en état de grâce à Dortmund, afin de ne pas inverser le seum. Une petite Arconada, ce serait marrant, non ?
Par Chérif Ghemmour