- Euro 2024
- Angleterre
Mais bordel, c’est quoi ce bordel avec des Anglais ?
Quelques heures après le coup de sifflet final d’Angleterre-Slovénie, plusieurs dizaines de fans des Three Lions ont convergé vers le Pascha, la plus grande maison close d’Europe, qui se trouve à Cologne. On a vu, on sait qui c’est, mais ils ne diront rien.
Il est plus de minuit lorsqu’un taxi van déboule dans la rue Hornstraße de Cologne, à environ dix minutes en voiture de la gare centrale de cette ville d’un million d’habitants. Un groupe de cinq fans anglais en sort un poil éméché. Ils arrivent tous du stade de Cologne où, environ une heure plus tôt, ils étaient plusieurs dizaines de milliers à contempler le nouvel accroc de leur sélection face à la Slovénie, 57e au classement FIFA. Tandis que deux d’entre eux parlementent avec le chauffeur qui veut leur faire payer en cash, une pratique courante en Allemagne, les trois autres assistent à une scène tout droit sortie de Very Bad Trip : un Anglais gît là, dans une mare de sang, juste devant eux. Personne ne sait vraiment qui il est, comment il s’est retrouvé dans cet état, et surtout pourquoi aucun autre être humain présent dans les environs ne lui est venu en aide jusque-là. Alors après avoir taxé quelques feuilles de sopalin dans une épicerie adjacente afin de nettoyer la face de ce pauvre homme, le petit groupe se décide enfin à appeler les secours. « Mais au fait, c’est quoi le numéro des pompiers, ici ? » pose en guise de colle un grand brun qui n’obtiendra pas de réponse dans l’immédiat. C’est le taxi qui se chargera d’appeler le 112 et d’inviter les secours à venir devant le Pascha, un immense immeuble de huit étages rose, donc impossible à louper, qui a la réputation d’être surtout le plus grand bordel du Vieux Continent.
Espions chinois, passes à dix et Trippier
C’est peu dire que les histoires qui touchent de près ou de loin cette grande maison close de 120 chambres – pour grosso modo autant de prostituées – sont légion. Meurtres, drogues, polémiques en tous genres, le Pascha en a vu passer des vertes et des pas mûres depuis sa première ouverture en 1972, 30 ans avant la légalisation de la prostitution outre-Rhin, où près de 40 000 prostituées travaillent aujourd’hui de façon déclarée. La dernière histoire rocambolesque en date était relayée par le Sun, au mois de mai, et indiquait que toutes les chambres de l’établissement avaient été réservées par les fans des Three Lions en marge de ce fameux match face à la bande de Josip Iličić. Une variable purement économique en serait la première des causes avec la flambée des prix des hôtels pour l’Euro, mais ce qui inquiétait fortement le tabloïd, c’était les révélations de la presse allemande sur la propriétaire des lieux depuis 2021 : une femme chinoise répondant au nom de Jing Hu qui hébergerait des espions chinois au dernier étage de sa demeure et qui serait surtout le visage d’un gang de contrebandiers germano-chinois. Une histoire à dormir debout dont n’a absolument pas eu vent Dan*, un jeune trentenaire aux cheveux bouclés présent devant l’entrée, qui s’éclipse rapidement en niant avoir pris une chambre ici pour passer la nuit.
Pour tenter de percer ce mystère, direction la discothèque du rez-de-chaussée. Il faut débourser la modique somme de 20 euros pour pénétrer à l’intérieur de l’établissement, puis passer devant une tenancière pas très commode surveillée de près par une montagne de muscles. Dedans, une cinquantaine de fans anglais sont déjà installés sur des banquettes ou des chaises face à une scène munie d’une barre de pole dance. Le DJ a bien compris quel public il avait en face de lui et balance Three Lions (Football’s Coming Home), pendant que quelques clients commandent au bar des Despe à 6 euros alors que d’autres sont déjà occupés avec des travailleuses du sexe. C’est le cas de Tom*, maillot de Trippier sur les épaules, qui a filé un billet à l’une d’elles pour se retrouver allongé sur la scène tout en se faisant twerker le visage devant ses potes hilares pendant deux minutes.
Une certaine idée du divertissement que sont visiblement venus chercher Harry* et Henry*, assis à une table non loin de là et sonnés, eux, par la performance de leur équipe nationale : « C’est incompréhensible ce que fait Southgate… On a les meilleurs joueurs du monde et on joue comme des merdes ! C’est pour ça que l’on est là maintenant, pour retrouver du plaisir ! » Aucun d’entre eux n’assure avoir élu domicile ici pour la nuit, confiant surtout « n’être que de passage pour le kif », et ce n’est visiblement pas ce soir que les autres occupants se livreront à de grandes confessions nocturnes. En quittant les lieux, les réponses manquent au sujet de ce fameux Airbnb anglais géant ainsi que sur la présence de ces fameux espions. La seule qui a le mérite d’exister, c’est que les Three Lions ont désormais la réputation d’une équipe qui joue au foot comme des peine-à-jouir. Leurs supporters, eux, n’ont visiblement aucun problème avec ça.
Par Andrea Chazy, à Cologne