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- Pays-Bas-France (0-0)
Tactique : pourquoi il ne faut pas s’inquiéter pour les Bleus
Si les regards se sont surtout arrêtés sur son manque de réalisme, l’équipe de France a livré, vendredi soir, face aux Pays-Bas (0-0), un deuxième match consistant dans cet Euro, et ce, avec un plan différent de celui affiché contre l’Autriche. Une stratégie adaptable et plutôt convaincante.
Après plus de dix ans passés en short dans l’établissement tricolore, Antoine Griezmann est, à 33 ans, devenu un pilier de comptoir. Un type qu’il est donc bon d’écouter de temps à autre pour prendre le pouls d’un tournoi et sentir l’atmosphère d’une équipe. Convoqué face aux micros avant de défier les Pays-Bas vendredi dernier, à Leipzig, voilà alors ce que disait le numéro 7 des Bleus : « Le premier match face à l’Autriche a été très dur physiquement, mais au moins, comme ça, on est dans la compétition, prêt à aller de l’avant. […] Maintenant, face aux Pays-Bas, sans Kylian (Mbappé, forfait à la suite de sa fracture du nez subie face à l’Autriche), toute l’équipe devra s’adapter. Qu’il y ait l’un des meilleurs joueurs du monde ou non dans ton équipe, ça change énormément de choses. Dans le foot, il faut toujours s’adapter, à chaque match. C’est ce que j’aime et c’est ce qui doit faire notre force : réussir à trouver les points faibles de chaque adversaire tout en restant très costaud. »
Confirmation, d’abord : pour son deuxième match dans cet Euro 2024, l’équipe de France est bien restée l’équipe de France, soit une équipe unie, solidaire, calme et autoritaire, capable de résister à tous les vents et d’éteindre le moindre départ d’incendie. Le bilan chiffré est net. Là où les Bleus avaient concédé six tirs face à l’Autriche, ils ont cette fois laissé les Pays-Bas armer à huit reprises. Depuis le début de la compétition, seule l’Allemagne a ainsi concédé moins de tirs par match en moyenne (6) que la bande de Didier Deschamps, qui a bouclé sa seconde sortie dans le tournoi par un nul sans but (0-0). Pourtant, cette deuxième rencontre n’a pas tout à fait été, dans le contenu, comparable à la première.
La machine qui dissuade
Sans Mbappé, le sélectionneur a changé de recette et a décidé d’insérer dans son onze un milieu défensif supplémentaire (Tchouaméni), de faire renfiler à Rabiot un rôle hybride et de recentrer Thuram. En phase défensive, le bateau bleu a alors navigué en 4-4-2 ou 4-2-3-1 en fonction de la hauteur du bloc. Deux éléments ont alors été à surveiller plus que les autres du côté des Pays-Bas : les décrochages de Xavi Simons, qui s’est souvent baladé dans le dos de Tchouaméni, lorsque ce dernier sortait cadrer Schouten, et les démarrages des deux bolides du flanc droit oranje (Dumfries et Frimpong), qui ont forcé Adrien Rabiot à rester prudent. Pas de panique : si Frimpong a fait trembler Maignan après une minute de jeu, on ne l’a ensuite quasiment plus revu et l’équipe de France n’aura été percée qu’à de très rares reprises (après 16 minutes de jeu, à la suite d’une rare passe trouvée par Verbruggen entre Griezmann et Thuram en direction d’un Reijnders qui a ensuite pu toucher Gakpo ; vingt minutes plus tard, après un ballon récupéré par Simons dans les pieds de Dembélé ; et, à vingt minutes de la fin, au bout d’un autre cadrage approximatif, qui a débouché sur le but refusé aux Pays-Bas).
L’expliquer revient dans un premier temps à répéter ce qui avait été noté face à l’Autriche, mais il faut ici ajouter le fait que les Bleus ont beaucoup plus eu le ballon que d’habitude (63% du temps) et qu’ils ont eu le loisir de choisir le rythme de leur match, multipliant alors les passes tout en prenant – et c’est de loin le plus important – le soin de (trop, oui, le jeu aurait dû être beaucoup plus direct sur certaines situations) se structurer face aux éventuelles pertes de balle. Aurélien Tchouaméni, qui a souvent décroché à la gauche de Saliba pour offrir une supériorité numérique à la relance, a dans ce cadre été essentiel pour stopper les transitions offensives bataves, bien aidé, bien sûr, par le duo Rabiot-Kanté.
Preuve par l’exemple autour de la demi-heure de jeu : on voit bien, sur cette séquence, le positionnement de Tchouaméni en phase de construction face au 4-4-2 néerlandais.
Adrien Rabiot va alors perdre un ballon à la suite d’un bon repli de Depay…
… laissant les Pays-Bas démarrer une transition…
… mais à aucun moment le bloc français n’est pris à défaut.
Un carré sans tueurs
Dans cette soirée, un autre point a cependant crispé la France du foot : le manque de réalisme des Bleus, qui ont frappé 15 fois au but, n’a cadré que trois fois, et ce, pour zéro but marqué. Ce fait intrigue, mais il faut être, ici, très, très clair : il serait bien plus inquiétant si ce groupe ne se procurait pas du tout d’occasions, ce qui n’est évidemment pas le cas. Depuis le début de l’Euro, on peut même noter que l’équipe de France a quasiment tiré autant de fois au but par match que l’Espagne (14,5 fois pour les Bleus, 15,5 fois pour la Roja) et qu’elle a généré autant de xG en deux matchs que l’Allemagne (3,4xG). Mais où est le souci ? Dans le dernier geste, la justesse, la précision, rien de plus. Les hommes de Didier Deschamps ont même été presque rassurants offensivement face aux Pays-Bas après un premier match, qui avait, pour le coup, été très pauvre.
On peut même penser que Ronald Koeman est aujourd’hui soulagé tant, et cela faisait plutôt longtemps, les Bleus ont montré de bonnes intentions avec ballon, plusieurs joueurs (Thuram, Rabiot, Kanté, Griezmann, Dembélé) multipliant les pistes entre les lignes et les courses, afin de rendre dingue un bloc adverse qui n’a, parfois, pas su où donner de la tête. Oui, même sans Mbappé. Tout n’a pas été positif, loin de là, mais difficile de dire que tout a été stérile, aussi. Il faut souligner que les offensifs tricolores, très libres dans l’animation de Deschamps, ont su parfaitement se coordonner sur un paquet de situations tout en montrant de la variété dans un 4-2-2-2 dense et bien ficelé. Voilà ce que lui en a dit pour justifier ces choix du soir : « N’Golo (Kanté) a une capacité, qu’il avait peut-être un peu moins avant, à se projeter. Ça nous permet d’avoir de la variété et de ne pas toujours être lisibles pour nos adversaires, de pouvoir se créer des situations tout en ayant une bonne solidité. »
L’organisation générale, avec ballon, des Bleus face aux Pays-Bas : un 4-2-2-2.
En insérant Tchouaméni, capable de percer un bloc par la passe (3e, 33e), devant sa défense, Deschamps a donc d’abord libéré N’Golo Kanté, qui a encore eu beaucoup d’activité sans ballon, mais a surtout été dans toutes les occasions françaises du soir, tout comme Rabiot, dont les projections ont également été précieuses malgré les défauts de son profil autour d’un Thuram qui a marqué des points dans son dos au jeu. On a aussi vu Jules Koundé grimper beaucoup plus que face à l’Autriche quand Kanté venait jouer un cran plus bas et Ousmane Dembélé un peu plus à l’intérieur. Un mouvement tricolore, sans doute le plus abouti depuis le début de la compétition, a compilé tous les mécanismes du soir dans une séquence de possession démarrée par un bon ballon gratté par Rabiot et qui s’est étirée sur près de deux minutes.
Quelques secondes après la récupération de Rabiot, les Bleus s’organisent : on voit tout de suite le losange du soir se dessiner, avec Theo Hernandez et Ousmane Dembélé qui fixent de chaque côté la défense adverse et Marcus Thuram dans l’axe.
Mais cette structure n’est pas figée : on voit après quelques mouvements, Tchouaméni venir former la défense à trois, Koundé sauter et fixer Gakpo à l’intérieur, Hernandez faire de même avec Dumfries, Rabiot prendre le large, Kanté jouer dans un couloir intérieur au niveau de Griezmann…
Puis, les pions continuent de bouger, Hernandez est désormais dans la structure de relance avec Upamecano et Saliba…
… où il peut trouver Kanté à l’intérieur du bloc oranje…
… Kanté va alors démarrer avec Thuram et Rabiot, puis sera soutenu par Hernandez…
… avant que le jeu ne bascule côté droit avec Tchouaméni qui va trouver Dembélé à l’intérieur alors que Rabiot s’est réaxé…
… l’organisation défensive néerlandaise va alors voler en éclats en trois passes via du jeu combiné axial…
… mais Kanté, qui aurait pu frapper, va trouver Griezmann trop juste pour finir.
Symbole des bons mouvements du soir, avec une grosse utilisation du troisième homme, cette séquence montre aussi l’écueil de la nuit : certains des joueurs (Rabiot, Dembélé, Kanté) qui ont dû boucler des situations offensives n’ont jamais été des tueurs de surface ; Thuram (2 buts en 22 sélections !) n’a pas su prendre le relais de Mbappé dans la finition ; et Griezmann pêche pour le moment dans cet Euro, notamment dans sa capacité à passer les vitesses, même s’il a été, vendredi soir, plus près de la surface. Le retour de Kylian Mbappé devrait régler ce souci et on se dit même que dans cette animation, le nouvel attaquant du Real Madrid pourrait s’éclater. Il ne faut, pour le moment, pas crier au loup, ajouter aux bons points la très bonne performance de Saliba, continuer de surveiller les doutes entourant Upamecano et regarder l’essentiel. Il n’y a pas qu’un seul foot qui gagne, l’Espagne et l’Allemagne offrant autre chose avec des profils totalement différents que cette France, mais l’histoire a déjà prouvé que tant que ces Bleus ne lâchent que des miettes, ils trouvent, en général, toujours une astuce pour ouvrir les portes. Ces mecs font, de toute évidence, jusqu’ici plus peur à des proies qu’ils dénaturent qu’autre chose, sauf sur phases arrêtées, où le chantier est grand. Place désormais à la Pologne, avant le grand saut vers le monde où il ne sera plus question de réglages. Une seule règle, là-bas : l’efficacité dans les deux surfaces. Au travail.
@so_foot Mike Maignan a encore une fois été impressionnant face aux Néerlandais ! #footballtiktok #sportstiktok #euro2024 #giroud #maignan #equipedefrance #france #paysbas #fyp #foryou #pourtoi #sofoot #milan #milanac #acmilan #seriea
Par Maxime Brigand