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Les forts de France

Par Clément Gavard, à Hambourg
5 minutes

Les Bleus retrouvent le Portugal, un vieil ami, en quarts de finale de l’Euro, ce vendredi soir à Hambourg (21h), pour tenter de rallier le dernier carré d’un tournoi majeur pour la quatrième fois sur les cinq dernières compétitions. Depuis 2014 et son élimination contre l’Allemagne, la France s’est forgé la réputation d’une équipe très dure à sortir. À juste titre.

Les forts de France

Entre un Euro quelconque, sans panache, sans saveur, sans buteur dans le jeu, et une aventure inoubliable s’imposant comme une histoire que l’on racontera aux plus jeunes dans 20 ans, il n’y a parfois pas grand-chose. Un Portugal-France, par exemple. Les Bleus sont sur ce fil, au moment d’aborder leur quart de finale, ce vendredi soir au Volksparkstadion de Hambourg. Ils peuvent basculer dans le vide ou donner un autre relief à leur tournoi, en ralliant le dernier carré d’un championnat d’Europe pour la septième fois depuis 1960. « Ce sera un gros match demain, promettait Didier Deschamps à la veille du combat. Historiquement, ça a toujours été des scores serrés entre nous, mais quand on arrive à ce niveau de compétition, il est rare de voir de gros décalages. »

Un ogre à faire tomber

L’histoire des rencontres entre Français et Portugais s’est construite sur l’indécision et la cruauté. En 1984 comme en 2000, les Bleus s’étaient qualifiés pour la finale de l’Euro après la prolongation, grâce à un but de Michel Platini (3-2, 119e minute) et celui en or de Zinédine Zidane (2-1, 117e minute). Le hasard du calendrier renvoie aussi au passé entre ces deux nations devenues incontournables dans le foot de sélections au XXIe siècle : il y a 18 ans jour pour jour, le 5 juillet 2006, Zizou transformait un penalty litigieux à Munich, à un peu plus de 700 kilomètres de là, pour envoyer les Bleus à Berlin. Les Lusitaniens avaient alors attendu 2016 pour prendre leur revanche, chez leur bourreau, lors d’une finale perdue « qui n’est pas un mauvais souvenir » pour Guy Stéphan. Pour la simple et bonne raison qu’elle a contribué aux succès suivants et, peut-être, à transformer l’équipe de France en ce monstre froid qu’elle représente sur la planète foot.

Vous savez, c’est l’un des meilleurs adversaires sur la planète.

Ralf Rangnick après Autriche-France

Ce sont les autres qui parlent le mieux des Bleus, qui fascinent autant qu’ils n’effraient. Ronald Koeman n’avait pas caché qu’il aurait préféré ne pas croiser leur chemin dès la phase de poules au moment du tirage. Résultat : la machine confectionnée par Deschamps avait éteint les Oranje pour un 0-0. Quatre jours plus tôt, Ralf Rangnick, dont l’Autriche avait été battue froidement (0-1), avait voulu « remettre l’église au centre du village » : « Vous savez, c’est l’un des meilleurs adversaires sur la planète, les Français ont fait une performance extraordinaire ». Domenico Tedesco, lui, n’a pas oublié d’employer le mot « cruel » pour parler de la défaite de sa Belgique en huitièmes de finale. La France a beau tâtonner sans briller depuis le début du tournoi, elle oblige, par habitude, son adversaire à s’adapter. « C’est un rapport de force, posait la Dèche. Cette équipe du Portugal préfère attaquer que défendre. Mais la Belgique aussi, et elle s’est montrée relativement prudente. Est-ce que les Portugais auront cette attitude ? On cherchera à avoir le plus de maîtrise possible. »

Un peu, impressionnants, à la folie

Les confrères et consœurs croisés en Allemagne ces dernières semaines ont tous le même avis sur l’équipe de France : elle n’a pas un jeu très enthousiasmant, mais elle gagne. Toujours, ou presque. Elle perd peu, en tout cas, dans les matchs qui comptent. Elle n’a même plus été sortie d’une compétition majeure (Coupe du monde et Euro) dans le temps réglementaire depuis 2014 et sa défaite contre la Mannschaft, future championne du monde, en quarts de finale (0-1, but de Mats Hummels). Pour lui montrer la porte, il faut trouver la clé en prolongation (Eder en 2016) ou patienter jusqu’à la séance de tirs au but (la Suisse en 2021 et l’Argentine en 2022). L’échec tient à si peu de choses, et il est si rare que les critiques sur le jeu des Bleus n’empêchent pas Deschamps de « très bien vivre sereinement, tranquillement. […] Ce n’est pas toujours le foot de gagner 5-4. »

Il serait étonnant de voir ce quart de finale, qui arrivera après un apéro entre l’Allemagne et l’Espagne très alléchant, se transformer en grand spectacle, entre un Portugal qui n’a pas trouvé le chemin des filets contre la Géorgie (avec une équipe remaniée) et face à la Slovénie, et une France qui ne sait plus comment marquer (et parfois cadrer) sans un coup de main adverse ou un penalty depuis cinq matchs. Les offensifs ne marquent pas, mais ils sont dans le moule collectif et font les efforts défensifs. « Je n’ai pas à les persuader de les faire, souriait Deschamps. Ils le font et c’est indispensable dans de telles compétitions. » Le sélectionneur pourrait opter pour la même formule qu’en début de semaine, un 4-3-3 dans lequel Eduardo Camavinga pourrait remplacer Adrien Rabiot, suspendu, et Antoine Griezmann retrouver son côté droit, même si le technicien peut surprendre son monde, comme la dernière fois. Il aura besoin de la même solidité, d’un Kylian Mbappé plus clinique et d’un Grizou retrouvé. Le premier a pris la défense du second d’une drôle de manière, à la veille du grand soir, demandant « la reconnaissance de ceux qui ont fait les grandes heures de ce pays ». Surtout quand il est encore trop tôt pour les conjuguer au passé.

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Par Clément Gavard, à Hambourg

Tous propos recueillis par CG

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