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On a aussi le droit de l’aimer, cette équipe de France

Par Jérémie Baron
4 minutes

L’équipe de France joue mal, l’équipe de France ne marque pas, l’équipe de France est moche et l’équipe de France n’a pas grand-chose à faire dans ce dernier carré. Et ça devrait nous empêcher de vibrer ?

On a aussi le droit de l’aimer, cette équipe de France

C’est presque devenu une blague, ici-bas : l’équipe de France est en demi-finales d’un tournoi dans lequel elle n’a toujours pas inscrit le moindre but. Il y a bien trois fois où les filets ont tremblé en sa faveur, mais c’était un peu de la triche. D’abord ce moment où l’Autrichien Maximilian Wöber, sans qu’on ne sache trop pourquoi, a envoyé dans sa propre cage un ballon de Kylian Mbappé. Puis cette action sur laquelle le Polonais Jakub Kiwior a pris la décision de faucher Ousmane Dembélé dans la zone interdite, par solidarité pour le Kyks, qui attendait depuis Mathusalem sa première réalisation dans un championnat d’Europe. Et enfin cette séquence sur laquelle Jan Vertonghen a eu envie de transformer une frappe en touche de Randal Kolo Muani en ouverture du score pour les Bleus. Un bilan de zéro vrai but en cinq matchs, donc, et des prestations qu’on pourrait qualifier de chiantes, qui donnent au parcours des Tricolores une drôle de gueule. Et devraient nous interdire de palpiter devant notre écran.

Tradition et nouvelle génération

En 1998, les Bleus d’Aimé Jacquet n’avaient planté qu’une fois en deux rencontres, entre les huitièmes et les quarts : un pion laborieux de Laurent Blanc après 114 minutes à se péter les dents sur ce grand malade de José Luis Chilavert. Il n’est pas question ici de comparer les équipes et les époques ; mais si l’on veut jouer avec les stats, on peut jouer avec les stats. Pour ce qui est de la deuxième étoile, en 2018, personne – d’un côté comme de l’autre – n’oubliera le France-Belgique de Saint-Pétersbourg, lors duquel Mbappé avait rendu chèvre Jan Vertonghen, mais surtout lors duquel les Bleus avaient sué, avec leurs 36% de possession de balle. Ce jour-là, ils avaient tenté leur chance 19 fois, cadré 5 fois, et marqué une fois, sur corner, grâce à un défenseur central (pas vraiment « dans le jeu », donc). Soit sensiblement les mêmes standards que face au Portugal de Diogo Costa ce vendredi (40%, 20 frappes, 5 dans la cible), le but en moins.

Certes, Mbappé et Antoine Griezmann, qui portent cette équipe de France depuis six – voire dix – ans, ne sont pas au rendez-vous. Du coup, c’est derrière que la France s’est trouvé de nouveaux patrons. Qui n’a pas frissonné en assistant au retour de Theo Hernandez fondant sur Yannick Carrasco ? Aux chevauchées de la mascotte N’Golo Kanté au milieu des jambes néerlandaises ? Aux exploits du nouveau roi Mike Maignan face à Christoph Baumgartner, Kevin De Bruyne ou Bruno Fernandes ? Aux bonds de William Saliba sur Romelu Lukaku ou Cristiano Ronaldo ? Au poteau tapé par João Félix au bout de la soirée hambourgeoise ? À défaut d’avoir des demi-volées en lucarne à fêter, on a tout à fait le droit de les apprécier aussi, ces moments-là. Le plus important, dans la vie, c’est de savoir tourner les pages : Paul Pogba, Presnel Kimpembe et la JBL ont arrêté le foot, Grizou n’a plus 27 ans, Raphaël Varane a rendu son tablier, Benjamin Pavard ne fait plus de frappes de bâtard, Olivier Giroud a bel et bien 37 balais, un Hernández en a chassé un autre, un Mbappé en a chassé un autre

Le plaisir de souffrir

C’est ainsi : chaque campagne a son histoire, chaque génération trace sa propre route. Et chacune d’entre elles a le droit de se faire une place dans nos cœurs, qu’elle soit radieuse comme un bijou de Dimitri Payet à la 89e ou une victoire 4-3 contre l’Argentine, ou laide comme un partage des points contre la Pologne. C’est sans doute à la mi-juillet, quand la FFF et les équipes de TF1 sortiront leur docu d’un mois dans la vie de l’EDF, que l’on se rendra compte qu’on l’aime bien, finalement, ce groupe bleu 2024. Les conquêtes de Didier Deschamps n’ont de fait jamais vraiment été de belles lignes droites, et c’est très bien comme ça.

Lors d’une compétition internationale, on ne souhaite en vérité qu’une seule chose : que notre pays passe les tours et reste en vie coûte que coûte, que l’on frémisse le plus longtemps possible, et que l’on passe le plus beau mois de juillet de notre vie. Alors comment détester un sélectionneur sur le point de qualifier l’équipe nationale pour une quatrième finale en cinq tournois ? Et si on faisait confiance à cette équipe de France, qui sera toujours là où on ne l’attend pas ? Souvenons-nous : le 18 décembre 2022, à Lusail, elle avait fait honte à son sport pendant une bonne heure, puis le réveil avait sonné. La suite, c’est quelque chose que vous raconterez à vos petits-enfants.

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Par Jérémie Baron

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