- Euro 2024
- Gr. C
- Slovénie-Serbie (1-1)
N’enterrons pas trop vite la Slovénie
Malgré un deuxième nul consécutif, la Slovénie n’est pas (encore) éliminée de cet Euro 2024. Les joueurs de Matjaž Kek sont d’ailleurs plus que de potentiels losers magnifiques.
La dernière fois que la Slovénie et la Serbie s’étaient rencontrées dans un Euro, c’était il y a 24 ans, à Charleroi, et cette dernière s’appelait alors encore Yougoslavie, bien qu’elle ne comptât que des Serbes et des Monténégrins dans son effectif. Aujourd’hui encore, tous les Yougos se souviennent du scénario de ce match complètement dingue : alors qu’elle mène 3-0 à une demi-heure du terme, la Slovénie jubile à la suite de l’exclusion de Siniša Mihajlović. Le pays, qui vit alors son tout premier tournoi international depuis l’indépendance qu’elle a acquise en 1991, est sur le point de créer un exploit monstrueux. Sauf que c’est tout l’inverse qui se produit : en six minutes, la Yougoslavie revient à 3-3, l’honneur est sauf pour les coéquipiers de « Pixie » Stojković, aujourd’hui sélectionneur de la Serbie. 24 ans plus tard, son pays a connu la même histoire, juste un peu différemment.
Ce jeudi, dans le métro de Munich, l’heure n’est pas à la revanche. Les rames bondées s’enchaînent, supporters serbes et slovènes se tassent côte à côte avec pour premier objectif d’arriver au stade sans faire un malaise. À la station Fröttmaning, il règne une ambiance joyeuse qui se traduit par de multiples photos avec les drapeaux des deux pays. Dans le stade, les messages d’encouragements de Tadej Pogačar et Novak Djokovic, diffusés sur les écrans géants, sont accueillis de toutes parts par des applaudissements. Seul signe d’animosité pendant la rencontre : quelques gobelets jetés derrière les cages par les deux kops pour tenter de déstabiliser le gardien adverse. Du folklore, quoi. « On ne va quand même pas reformer la Yougoslavie, mais on n’est pas foncièrement ennemis pour autant », glisse un Slovène venu en famille, comme très exactement 20 170 de ses compatriotes aujourd’hui. « C’est un record absolu pour un match de l’équipe nationale. La preuve : chez nous, on n’a aucun stade qui a une telle capacité ! », sourit l’attaché de presse de la sélection. « Et tout ça, sans compter ceux qui sont restés devant le stade parce qu’ils n’avaient pas de billets. C’est exactement pour ce genre d’ambiance qu’on s’entraîne tous les jours », ajoute Žan Karničnik, buteur du jour et qui évolue habituellement dans l’anonymat de la D1 de son pays avec le NK Celje. « On se souviendra de ce match dans l’histoire du sport slovène », ose carrément son sélectionneur Matjaž Kek.
Tant qu’il y a de la vie…
Le regard sombre, Dragan Stojković termine son analyse de la rencontre par une phrase qui fait son effet, comme un écho aux chants haineux poussés conjointement par les Croates et les Albanais la veille : « Les Serbes ne meurent pas facilement. Nous, on ne se rend pas. On s’est battus jusqu’au bout, et ce point pris est notre récompense pour y avoir cru jusqu’à la fin. » De fait, la tête décroisée de Luka Jović à la dernière seconde du temps additionnel est venue couronner les efforts de ses coéquipiers pendant 90 minutes, matérialisés par 15 tentatives et 61% de possession de balle qui satisfont l’ancien Marseillais, désireux de « pratiquer un football offensif », peu importe l’adversaire : « On savait que ce serait dur contre la Slovénie. De toute façon, il n’y a pas de matchs amicaux dans un Euro. »
Son homologue slovène, lui, malgré la frustration d’avoir manqué l’occasion d’avoir neuf orteils en huitièmes de finale, n’a pas joué la carte du petit Poucet : « Peu d’entre vous pensent qu’on peut jouer au niveau d’un Euro mais aujourd’hui, la Slovénie a montré qu’elle a sa place ici. Même si le football peut parfois être cruel, je crois que le karma finira par jouer son rôle pour cette équipe », déclarait ainsi Matjaž Kek, visage fermé, après la rencontre, avant d’assurer être déjà tourné vers sa « finale » du 25 juin contre l’Angleterre : « Oui, ils sont favoris, mais le Danemark et la Serbie étaient favoris », donc… Donc n’enterrons pas trop vite la Slovénie qui, malgré son effectif inconnu du grand public, hormis Jan Oblak, toujours aussi décisif entre les bois, ou Benjamin Šeško, peu en veine, a montré en deux rencontres qu’elle a les armes d’une petite bête capable d’embêter les grosses. Cette troisième journée du groupe C s’annonce d’ores et déjà passionnante pour le suspense, surtout si les ex-Skieurs parviennent à filer tout schuss sur la route des huitièmes. Après tout, même ric-rac, l’important c’est que ça passe.
Par Julien Duez, à la Football Arena de Munich