- Euro 2024
Des neuf encore sous emballage
La phase de groupes est désormais terminée, et après trois matchs pour chaque nation, le constat est clair pour les attaquants de pointe, à l’image de Romelu Lukaku ou Harry Kane : ce n’est pas leur compétition, pour le moment.
Les temps sont durs pour les attaquants de pointe dans le foot. Une espèce en voie progressive de disparition ces dernières années, avec le développement d’un football toujours plus rapide, de transition, et les nouveaux prototypes de joueurs incarnés par Kylian Mbappé ou Vinícius Júnior. Mais il reste encore Harry Kane, Olivier Giroud, Romelu Lukaku, qui s’attellent à faire honneur à leur poste : des noms plutôt parlants, qu’on avait hâte de voir évoluer lors de cet Euro 2024. Membres – plus ou moins – importants de grandes nations favorites pour la victoire finale, ces attaquants étaient attendus au tournant, mais après la phase de groupes, le constat est là : ils sont dans le dur.
En plus des noms déjà évoqués plus haut, la liste des 9 en difficulté est longue : Benjamin Šeško (Slovénie) a énormément de mal à assumer son statut de future star et attend son premier but ; Artem Dovbyk (Ukraine), meilleur buteur de Liga la saison dernière avec Girona (24 buts), a été éliminé sans avoir eu le temps de marquer ; Gonçalo Ramos (Portugal) n’a eu le droit qu’à une petite demi-heure de jeu ; Gianluca Scamacca (Italie) peine à confirmer sa très belle saison avec l’Atalanta… les exemples sont nombreux.
Pour le moment, très peu de buteurs se distinguent, au-delà du meilleur réalisateur Georges Mikautadze (Géorgie), pointant à 3 réalisations. Un de plus que Niclas Füllkrug (Allemagne), Cody Gakpo (Pays-Bas), Ivan Schranz (Slovaquie) ou Jamal Musiala (Allemagne). Parmi ces noms, on retrouve seulement deux attaquants de pointe « traditionnels » : les deux premiers cités. Qui vivent d’ailleurs une drôle de compétition, puisque le Bomber de Dortmund n’est même pas titulaire avec la Mannschaft, et le Grenat a tout de même bénéficié de deux penaltys.
Lukaku et Kane, exemples opposés
Pour illustrer les difficultés rencontrées par les n°9 « stars » de cette compétition, les cas de Lukaku et Kane sont intéressants. Le Diable rouge souffre de l’inefficacité légendaire qui l’a poursuivi, par périodes, au cours de sa carrière. Et lors de cet Euro, l’attaquant de la Roma vit un véritable cauchemar. Premier joueur à se voir refuser trois buts par la VAR dans une phase de poules d’un Euro (un record, évidemment, sans compter celui annulé contre la Finlande lors de l’édition 2021), il est aussi en tête de tristes catégories statistiques : le plus de grosses occasions manquées (6), le plus de tirs cadrés (7)… tout ça sans inscrire le moindre petit pion. Des performances qui rappellent sa prestation en finale de Ligue des champions 2023 contre Manchester City, et des loupés qui handicapent son équipe, sans pour autant que ses coéquipiers ne le lâchent, à l’instar d’Arthur Theate : « Il est dans un bon état d’esprit, il crée beaucoup d’occasions. S’il continue comme ça, je suis sûr qu’il marquera beaucoup de buts. »
4 buts de Romelu Lukaku ont été refusé par la VAR à l'EURO. Record pour un joueur dans la compétition. #BELROM #EURO2024
— Stats Foot (@Statsdufoot) June 22, 2024
Cet été, sa Majesté Harry Kane (meilleur buteur de Bundesliga) était censée porter l’équipe d’Angleterre aux côtés de Phil Foden (meilleur joueur de Premier League) et Jude Bellingham (meilleur joueur de Liga) : mais pour lui aussi, les temps sont durs, malgré un but – très opportuniste – face au Danemark lors de la deuxième journée des poules. Depuis le coup d’envoi du tournoi, Kane tire en moyenne à peine plus de 2 fois par match, un total bien inférieur à ce qu’il propose en Buli (4,5 fois par rencontre, pour un total de 36 caramels en 32 parties). Pire encore, sa relation avec ses partenaires offensifs est très poussive, preuve en est avec l’exemple Foden, qui n’a donné qu’un seul ballon à son buteur, en 248 minutes passées ensemble sur le pré. L’attaquant du Bayern est peu touché par ses coéquipiers dans la surface adverse, et n’a pas son rayonnement habituel dans la construction du jeu anglais.
3 – Phil Foden has passed the ball more times to Jordan Pickford (3) than to Harry Kane (1) at EURO 2024. Ineffective. pic.twitter.com/EmOeGIXTmD
— OptaJoe (@OptaJoe) June 26, 2024
Si les n°9 de métier sont aussi peu mis en valeur, c’est aussi à cause de l’inéluctable évolution de ce sport. Les équipes ont-elles encore un intérêt à jouer avec ce point de fixation, ou ce grand dadais vissé dans l’axe et obnubilé par les filets ? La France se prive d’Olivier Giroud pour miser sur la vitesse ou la mobilité de Marcus Thuram – lui aussi très peu en réussite ; le circuit préférentiel de l’Espagne passe beaucoup plus sur les ailes que par Álvaro Morata ; Luciano Spalletti a mis Scamacca – tête de gondole de l’attaque italienne – sur le banc contre la Croatie après deux prestations médiocres. Le football il a changé, comme dirait l’autre. Mais les attaquants stars auront l’occasion de se réveiller lors de la phase finale, car – attention, poncif – un nouveau tournoi commence. Les lions doivent rugir, les coqs doivent coqueliner, les 9 doivent frapper.
Par Maxime Verhille