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William Saliba, l’autre gamin de Bondy
Au coup d’envoi du match France-Belgique, tous les regards des habitants de Bondy seront rivés sur leur télévision. Mais pas sur un unique joueur. Si la ville est désormais intimement liée à Kylian Mbappé, ou encore à Randal Kolo Muani qui y est né sans y avoir vécu, elle ne l’est pas moins à William Saliba, un enfant bondynois encore très attaché à ses racines.
« Si vous m’aviez contacté pour parler de Kylian Mbappé, je ne vous aurais même pas répondu », prévient Antonio Riccardi. Des années durant, cet éducateur de l’AS Bondy a accompagné et formé des milliers de jeunes footballeurs. Beaucoup d’entre eux ont trouvé leur voie vers le football professionnel. Kylian Mbappé en tête, tout comme Jonathan Ikoné, Fabrice N’Sakala ou Kevin Mouanga. Mais quand il parle de William Saliba, autre perle bondynoise passée sous son autorité, son ton se teint d’émotion. « William, c’était un gamin différent devenu un type génial, résume-t-il. Quand on parle de Bondy, on parle de Mbappé et c’est normal. Mais Bondy, c’est aussi lui. » À défaut d’avoir pu mettre la lumière sur Bondy, William Saliba la prend très bien. Titulaire indiscutable de l’équipe de France et dauphin de Premier League après une saison formidable, son talent est aujourd’hui reconnu bien au-delà de l’autoroute A3 qui ceinture sa ville d’origine. Une ville avec laquelle il n’a jamais voulu couper le cordon.
Un rêve tenace
Dans sa classe de CM1 de l’école Assomption, la même que celle fréquentée par Kylian Mbappé (qui lui est né à Paris), lorsque l’enseignante demande aux élèves ce qu’ils veulent devenir plus tard, la réponse de William Saliba est toute trouvée : « Je serai footballeur ! » Face à l’assurance de ce garçon de 8 ans, l’institutrice essaie de lui expliquer que ce n’est pas un métier. Mais ses tentatives restent vaines. « Il a toujours su ce qu’il voulait faire, assure Antonio Riccardi. Beaucoup plus tôt que les autres, il avait cette maturité dans sa volonté de réussir. C’était épatant. » Le petit William sait ce qu’il veut faire et s’il s’ennuie au fond de la classe, c’est parce qu’il ne rêve que d’être sur un terrain de football. En attendant de pouvoir y être autant qu’il le souhaite, il doit se résoudre à passer de longues heures en salle de classe, où il passe le temps à faire rire les autres. Ce qui lui vaut le statut d’élève perturbateur en cours l’aide dans le football. « C’était un rigolo, donc un super élément à avoir dans un groupe, explique son ancien éducateur. En plus de ça, il a toujours été très facile à gérer dans un vestiaire comme sur le terrain. »
Dans la cour de récréation de son école, William Saliba trouve un autre lieu d’expression pour faire parler son talent. Sur le bitume bondynois, il s’illustre déjà comme un joueur complet, bien plus à l’aise en pointe de l’attaque qu’en défense. Sur la pelouse aussi. « Il a commencé sur des postes offensifs, mais vers la fin de son aventure à Bondy, on le faisait jouer milieu défensif, relate Antonio Riccardi. Le faire reculer, c’était lui donner plus de chances pour la suite, car avec le gabarit qu’il avait, ça lui correspondait mieux. » Plus grand et plus costaud que les autres, ce « 2001 » est surclassé partout, aussi bien lors du fameux classico CM1-CM2 que dans les catégories de l’AS Bondy. « Il avait la bonne mentalité, mais possédait aussi un véritable avantage morphologique. Malgré ça, il était très adroit pour un grand, et ça a fait la différence », rajoute celui qui a longtemps entraîné aux côtés de Wilfrid Mbappé.
Bondy, toujours dans son cœur
À ses 13 ans, William Saliba quitte Bondy pour rejoindre le FC Montfermeil. Dix ans plus tard, on le connaît pour s’être imposé en Ligue 1 à l’AS Saint-Étienne, puis à l’Olympique de Marseille, avant de devenir une référence mondiale à son poste chez les Gunners d’Arsenal. Cette trajectoire dorée ne l’éloigne pas pour autant de sa ville natale. Plusieurs fois par an, le n°17 de l’équipe de France rentre au bercail, au cœur de la Seine-Saint-Denis. Pour y voir ses amis d’enfance avec qui il s’affiche fièrement sur les réseaux sociaux, ou pour rendre visite au club qui l’a formé. « Tous les ans en fin de saison, il vient s’entraîner à Bondy, sur le terrain d’honneur, ajoute Antonio Riccardi. Pendant ses vacances, il vient pour faire sa préparation individuelle pendant deux semaines. » Sans se cacher, le joueur se montre à toute heure de l’après-midi, y compris le mercredi où tous les enfants de la ville se ruent au stade. « On met en place un petit dispositif pour ne pas qu’il soit embêté, mais dès qu’il a terminé, il fait des photos avec tous les enfants. William, c’est la classe internationale ! », admire l’éducateur.
Comme Kylian Mbappé avant lui, William Saliba veut faire résonner la nouvelle devise bondynoise dans le cœur des enfants de sa ville. « Bondy, ville des possibles » où le sport reste pour beaucoup la seule échappatoire à un quotidien difficile sans perspective d’avenir. Au bord de l’autoroute A3, l’immense fresque à l’effigie du capitaine de l’équipe de France fait en tout cas rêver tous les gamins de cette banlieue. Bientôt, William Saliba y aura peut-être droit aussi, dans les quartiers nord de la ville où il a grandi.
Par Amaury Gonçalves, à Bondy
Tous propos recueillis par AG.