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Saliba, légitime défenseur
William Saliba a attendu le dernier match avant l’Euro 2024 pour s’imposer comme titulaire légitime en défense centrale de l’équipe de France. Remarqué pour sa sérénité sous le maillot d’Arsenal, il a longtemps été fébrile en sélection, mais semble désormais prêt à récupérer les clés du camion bleu pour la compétition.
Après 14 matchs et 57 minutes, William Saliba est enfin entré dans sa carrière internationale. À sa manière, avec détermination et sérénité. Dimanche, face au Canada (0-0), peu avant l’heure de jeu, le défenseur central de l’équipe de France s’est d’abord imposé devant le Canadien Tajon Buchanan pour éviter un corner, rattrapant d’ailleurs son retard à la course, avant de le propulser au sol en dehors des limites du terrain et de laisser traîner le genou au moment de l’enjamber. Mains en l’air et grand sourire, le joueur d’Arsenal s’est chauffé avec quelques adversaires tout en reprenant sa place dans la surface. Il a même peut-être eu le temps de lancer un regard vers Didier Deschamps afin de lui prouver qu’il avait désormais les épaules pour prétendre à une place de titulaire. Libéré d’un poids, il a ensuite coupé plusieurs passes dangereuses, alterné à la relance ou écœuré Jonathan David et Tani Oluwaseyi dans les duels.
L’art de convaincre
Les 30 meilleures minutes de Saliba en sélection sont donc les dernières avant l’Euro 2024. International depuis mars 2022, le longiligne défenseur a longtemps rongé son frein en observant depuis le banc la charnière composée de Dayot Upamecano et Ibrahima Konaté. Avant de s’envoler pour la Coupe du monde au Qatar, le central était passé complètement à côté face au Danemark en Ligue des nations, remplacé à la pause et rarement considéré par la suite avec seulement 27 petites minutes au Mondial. Impérial en club, il n’a jamais été aussi indiscutable avec l’équipe de France, même quand Upamecano multipliait les erreurs au Bayern et pouvait légitimement redescendre dans la hiérarchie. « Il fait une bonne saison, mais je le vois alterner des choses qui me plaisent moins aussi. En équipe de France, il a un temps de jeu réduit, mais quand il a joué, ça ne s’est pas forcément bien passé », lâchait Didier Deschamps en mars. Celui qui se voit pourtant « dans le top 3 » des défenseurs de Premier League peut avoir été piqué par la déclaration de son sélectionneur et a su se remettre en question pour le convaincre. Il avait déjà fait preuve de caractère en s’imposant à Arsenal malgré quelques tacles de Mikel Arteta et des prêts à Saint-Étienne, Nice et Marseille.
Contre le Canada, William Saliba a affiché la même sérénité que depuis ses jeunes années stéphanoises, rappelant ainsi, à certains moments, Raphaël Varane, ancien taulier de la défense centrale française et protégé de Didier Deschamps. Si le maillot orné du coq a souvent été lourd pour lui, il semble désormais prêt, à 23 ans, à démontrer qu’il est possible de jouer avec les bras ballants tout en envoyant balader les meilleurs attaquants du monde d’un coup d’épaule. Pas suffisant pour faire sauter le sélectionneur de son banc, mais de quoi le faire davantage cogiter. « Il sort d’une très grosse saison. Il a montré beaucoup de solidité. On ne sait jamais ce qu’il peut se passer. C’est important pour moi de ne pas être confronté dans la compétition à une situation inédite, à faire face à quelque chose qu’on n’aura pas fait avant », suggérait le coach dimanche soir en conférence de presse.
Le plus en forme
Si le défenseur d’Arsenal a rebattu les cartes grâce à une saison quasi parfaite, il peut également profiter de la baisse de régime de ses concurrents. Dayot Upamecano, qui a eu une progression similaire avec des débuts laborieux avant de se révéler indispensable à la Coupe du monde 2022, sort d’une saison de nouveau irrégulière, pour ne pas dire ratée, au Bayern Munich, alors qu’Ibrahima Konaté a été freiné par les pépins physiques avec Liverpool. Le premier match de préparation face au Luxembourg (3-0) n’a pas vraiment convaincu au niveau de la confiance des deux titulaires habituels et a même réveillé quelques douleurs à l’adducteur chez le Munichois.
Sous ses airs de sélectionneur intraitable, Didier Deschamps est plutôt du genre à changer de plan à la dernière minute. Notamment en défense centrale car, à l’Euro 2016, Laurent Koscielny et Adil Rami ont dû pallier les forfaits de Mamadou Sakho et de Raphaël Varane, avant que Samuel Umtiti, sans la moindre sélection, ne s’impose comme titulaire à partir du quart de finale, alors qu’en 2022, Upamecano n’avait jamais convaincu en Bleu avant de prendre la place de Varane, encore blessé pour la Coupe du monde. Le onze français n’est donc pas immobile, et William Saliba pourrait s’y glisser dès le prochain match face à l’Autriche. En 2019, face aux rumeurs d’arrivée du Français à Arsenal, Marko Arnautović avait pris ses jambes à son cou pour quitter la Premier League et partir directement en Chine, mais, cette fois, il ne pourra pas s’échapper.
Par Enzo Leanni