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La France joue son destin sur un Koundé
En ce lendemain d’élections, qui ont vu le barrage républicain fonctionner – certes péniblement –, un vague sentiment de soulagement envahit une partie du pays. Et un footballeur, grand acteur du parcours de l’équipe de France à l’Euro, se révèle particulièrement au diapason de la nation. Il s’appelle Jules Koundé.
« Le soulagement est à la hauteur de l’inquiétude de ces dernières semaines, il est immense. Félicitations à tous les Français qui se sont mobilisés pour que ce beau pays qu’est la France ne se retrouve pas gouverné par l’extrême droite. » Jules Koundé a rapidement réagi, dimanche soir, quand les premiers résultats du deuxième tour des législatives ont été annoncés et ont révélé que le RN restait loin de la majorité absolue (malgré une très grosse progression). Le défenseur du Barça appartient au petit groupe des Bleus qui s’étaient clairement et explicitement positionnés contre l’extrême droite, tandis que les autres – à commencer par le capitaine Kylian Mbappé – louvoyaient entre petite blague allusive et service minimum de l’appel au vote. La fameuse déclaration commune de tout l’effectif n’a jamais abouti malgré les promesses, ce qui a rendu encore plus remarquables et remarqués les propos des quelques téméraires qui ont refusé la prudence. Comme Aurélien Tchouaméni, qui a salué dimanche soir « la victoire du peuple ».
Le soulagement est à la hauteur de l’inquiétude de ces dernières semaines, il est immense. Félicitations à tous les Français qui se sont mobilisés pour que ce beau pays qu’est la France ne se retrouve pas gouverné par l’extrême droite. 🙏🏾🇫🇷
— Jules Kounde (@jkeey4) July 7, 2024
Mais la figure de Jules Koundé s’est d’autant plus imposée que durant cet Euro, le joueur a également pris de l’épaisseur. Ses prestations sur le terrain ont gonflé sa cote, pour le plus grand bonheur de son coach, qui y a puisé une petite revanche face à la presse : « Jules Koundé, que vous m’avez taillé pendant deux ans, est homme du match », lâchait-il après la qualif contre la Belgique. Son superbe tir au but contre le Portugal, alors qu’il n’en avait jamais botté en pro, illustre cette confiance et la montée en grade du sportif. D’une certaine manière, ses performances s’avèrent aussi révélatrices, ou symboliques, d’une équipe de France qui sait gagner dans la douleur et en défendant, avec une unité qui se construit face à l’adversité. Au même moment, l’attaque tricolore, malgré ses petits génies, perd en consistance et s’efface. Koundé incarne finalement cet étrange parallèle entre le pays et sa sélection nationale. La gauche l’a emporté un peu comme l’équipe de France de Deschamps passe les tours.
La victoire du Peuple 🙏🏾🇫🇷
— Tchouameni Aurélien (@atchouameni) July 7, 2024
Le Girondin propose aussi un autre visage de cette génération qu’on dit plus prompte à s’engager sur les sujets de société. On imaginait Kylian Mbappé relever le gant face aux enjeux du contexte politique, en maître absolu de la communication conscient de sa stature. À l’image de ses accélérations poussives et de ses occasions ratées, il semble s’oublier dans l’autocaricature de son personnage public, et peut-être dans un légitimisme à contretemps. En s’exprimant simplement, directement, malgré les nombreuses injonctions au silence de certains chroniqueurs, son coéquipier – et futur adversaire en Liga – a assumé ce rôle et ses convictions. Les réseaux sociaux ont ensuite fourni la caisse de résonance. Loin de se résumer à la fashion victim qui monte les marches de Clairefontaine, il a grandi d’un coup dans le cœur de nombreux Français.
En direct sur M6 Jules Kounde appelle une nouvelle fois aux Français a faire barrage au RN 🗳️🇨🇵! pic.twitter.com/Qdzj2zojvJ
— Actu.Footballfr (@football_actufr) July 5, 2024
Le football étant bien plus qu’un sport, sa prise de parole a trouvé un écho amplifié dans un pays angoissé et stressé. Depuis 1998, tout le monde regarde vers les Bleus pour qu’ils nous disent quelque chose de la France. En 2024, Jules Koundé a juste demandé à être écouté en citoyen français. Le match parfait. Évidemment, Jules Koundé n’a pas changé le cours des choses, ni provoqué le résultat inattendu des élections législatives. Il a en revanche démontré que le footballeur avait autant le droit de s’exprimer sans mépris, ni haine sur son « beau pays » (pour lequel il n’a cessé de clamer son amour), pour son peuple, et au nom de ses proches, qu’un humoriste slovéno-suisse sur une radio FM. Face à la lâcheté de la FFF ou aux atermoiements calculés des autres, Koundé ne fait finalement que défendre ses couleurs. Le plus beau serait de pouvoir le faire en finale du championnat d’Europe, un certain 14 juillet.
Par Nicolas Kssis-Martov