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Diallo, au bout du fil
Après l’élimination de l’équipe de France au bout d’un Euro 2024 aussi décevant qu’ennuyeux, Philippe Diallo avait la possibilité de remettre en question l’avenir de Didier Deschamps à la tête des Bleus. Il a toutefois décidé de lui renouveler sa confiance, au moins jusqu’à la Coupe du monde 2026. Attention à ne pas foncer dans le mur.
Arrivé en pompier de service pour prendre la suite de Noël Le Graët à la tête de la Fédération française de football, Philippe Diallo a dû composer avec les lignes établies par son prédécesseur. Quatre jours avant d’être poussé vers la sortie, l’ancien boss de la Fédé avait notamment pris soin de prolonger Didier Deschamps jusqu’en 2026. À l’époque, le sélectionneur annonçait lui-même : « Mon président a décidé de me prolonger. » Homme fort plus que jamais sur cette estrade de l’assemblée générale de la FFF, il s’offrait une standing ovation moins d’un mois après s’être hissé une nouvelle fois en finale de Coupe du monde, perdue cette fois.
Depuis, les temps n’ont pas vraiment changé. Diallo a certes remplacé Le Graët, l’équipe de France a échoué en demi-finales de l’Euro après un tournoi raté sur le plan du jeu, mais l’objectif du dernier carré est atteint et Deschamps a balayé les doutes sur son avenir sans déroger à son style. « Posez la question à mon président. Moi je vous respecte, essayez de respecter les personnes qui ont des responsabilités. Je ne vais pas répondre à celle-là aujourd’hui, mais vous savez très bien ce que pense mon président. Vous auriez pu très bien ne pas me la poser », a-t-il lancé au parterre de journalistes, à Munich, à la suite de la défaite contre l’Espagne (1-2). Son président est donc venu à sa rescousse moins de 24 heures après ce match, qui devrait normalement résonner comme un échec, en le confortant effectivement jusqu’en 2026. Sans prendre le temps de la réflexion, Philippe Diallo n’a pas su prendre le virage qu’avait déjà raté Noël Le Graët, celui de se séparer de son coach au bon moment, ou au moins de lancer un débat.
Deux contre tous
Déjà en 2021, l’avenir de Deschamps semblait s’inscrire en pointillé à cause d’une élimination précoce en huitièmes de finale face à la Suisse et de quelques turbulences dans un groupe affecté par l’arrivée surprise de Karim Benzema. L’avant-centre n’était pas de la partie en Allemagne et ne peut pas être accusé des maux qui ont de nouveau fragilisé l’effectif cet été. Pendant la compétition en Allemagne, le sélectionneur a appelé les sceptiques à changer de chaîne, mais il fait désormais face à sa plus forte vague de défiance. Selon un sondage de L’Équipe, 75 % des 150 000 votants souhaitent désormais le voir partir. Si l’ennui devant les matchs de l’équipe de France ne fait pas tout, car le jeu déployé lors des dernières compétitions n’a pas toujours été fantastique, c’est une forme de lassitude qui s’installe après douze ans de règne du sélectionneur. « Je vais échanger avec lui dans les prochains jours. Et voir l’état dans lequel il est pour poursuivre sa mission », a expliqué Philippe Diallo au quotidien sportif, faisant comprendre qu’il le reconduisait sans pour autant l’avoir rencontré en amont. En cas d’usure, Deschamps partirait-il de lui-même avant la Coupe du monde 2026 ? Laisserait-il sa place à Zinédine Zidane, idole nationale et successeur idéal selon certains ? Rien n’est moins sûr.
L’Euro 2024 a été l’occasion pour le président de la FFF de vivre sa première compétition majeure aux côtés des Bleus dans ce costume, mais aussi de lancer sa campagne pour les élections de la Fédé en décembre prochain. Il briguera un mandat et Deschamps peut être son principal allié. Pas forcément proches au début de l’été, les deux hommes se sont rapprochés au fil de la compétition, mangeant notamment côte à côte ou affichant de grands sourires à chaque rencontre (en tout cas, à l’image). Comme Le Graët avant lui, Diallo se range derrière le sélectionneur, finalement plus puissant que le numéro un du football français. L’ombre de Zidane pourrait également planer au-dessus des élections, comme lorsqu’un candidat à la présidence d’un club arrive avec son entraîneur pour convaincre et charmer le plus de monde. La promesse de nommer Marcelo Bielsa en tant que coach n’avait toutefois pas suffi à faire élire Iñaki Arechabaleta à la tête de l’Athletic Club, face à Jon Uriarte qui emmenait Ernesto Valverde dans ses valises.
Un profil aussi politique que Le Graët
Présent à la « Casa bleue » avant chaque match de l’équipe de France, il n’a pas vraiment eu le droit à des bains de foule, mais a pu se présenter en président normal. Profitant sûrement de la comparaison avec son prédécesseur, l’homme qui fêtera ses 61 ans en août prochain a pourtant affiché un profil tout autant politique ces dernières semaines, seulement en s’inscrivant un peu plus dans l’air du temps. Durant la compétition, celui qui a récemment été fait chevalier de la Légion d’honneur n’a pas clairement pris position sur la situation politique en France. Si Diallo a déclaré qu’il « garantissait la liberté d’expression » des joueurs, il a cependant préféré le communiqué officiel de son instance. Celle-ci appelait les Français à aller voter aux élections législatives anticipées, tout en demandant le respect de sa neutralité. Sur le jeu pratiqué par les Bleus de Didier Deschamps aussi, le président a livré un discours aseptisé : « On voit la déception alors que l’équipe a atteint la demi-finale. Que dirait-on si on avait été sorti dès le premier tour en jouant très bien ? » Finalement, l’équipe de France n’a pas été belle et a quand même connu la défaite. Sans ses historiques relais Hugo Lloris, Paul Pogba et Raphaël Varane, désormais suivis par Olivier Giroud, Deschamps n’a visiblement pas perdu ses joueurs (malgré les frustrations des uns et des autres) et gagné la confiance du nouveau boss de la Fédé, mais il semble de plus en plus isolé.
Par Enzo Leanni