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Euro 2024 : ces tours (qualificatifs) de passe-passe
La première étape des phases qualificatives pour l’Euro 2024 vient de se terminer. Les 21 premiers heureux élus sont désormais connus, en attendant les trois survivants des barrages en mars prochain. Sur 55 prétendants au départ, autant dire que le seul vrai perdant est l'aléa du sport.
L’Euro 2020, tenu en 2021 pour cause de Covid, était à part. Réparti dans plusieurs pays, il s’était déroulé dans des conditions singulières, notamment pour le public, avant de se conclure par la victoire surprise de l’Italie à Wembley contre l’Angleterre. L’édition 2024 doit être celle d’un retour à la normale, en Allemagne, en juin prochain. La compétition continentale de l’UEFA, le meilleur niveau de jeu mondial sur le papier, demeure pour le Vieux Continent un temps fort, à mi-parcours du Mondial nord-américain. Il est devenu un enjeu essentiel pour le rayonnement et l’influence de l’UEFA, au même titre que la Ligue des champions, en particulier sur le terrain économique. Les chaînes TF1 et M6, par exemple, auraient déboursé 55 millions d’euros pour diffuser les matchs en clair. Côté prestige, l’Euro est censé illustrer la force des sélections nationales – à défaut de leur prééminence, puisque c’est l’Argentine qui est pour trois ans encore sur le toit du monde – alors même que la géopolitique du football paraît de plus en plus multipolaire avec, pour preuve, la nouvelle dimension prise par l’Arabie saoudite.
Cartons et invitations
Dans cette perspective, il importe de n’oublier personne et surtout aucun « grand pays » de foot. Les Ukrainiens l’ont peut-être compris à leurs dépens, au regard de l’arbitrage très favorable à la Nazionale, qui garantit aux Italiens d’aller défendre leur titre ou au moins de faire acte de présence en poule. Ce qu’Alexander Čeferin appelait de ses propres vœux. Résultat, alors que l’UEFA compte 55 membres, 24 seront qualifiés (43,64 %), comme c’est le cas depuis 2016. Un ratio qui relativise l’enjeu des phases qualificatives et qui offre cette année au Luxembourg ou à l’Estonie, avec tout le respect qui leur est dû, d’y croire un peu plus longtemps que d’habitude. Il s’agit surtout de ne fâcher personne et de ne se priver d’aucun marché national important en matière de téléspectateurs et de sponsors. Comme il y a trois ans, pas grand monde du bloc occidental ne manque à l’appel, alors que les Pays-Bas avaient notamment raté l’Euro 2016, la Suisse et la Belgique se sont loupés en 2012, et – plus improbable – l’Angleterre avait été absente en 2008.
Une question s’avère lancinante : quelle est la valeur d’une compétition avec un pourcentage aussi élevé de qualifiés en phase finale ? Quel est l’intérêt des phases qualitatives, sinon en droits télé ou pour remplir les stades pour renflouer les caisses de certaines fédérations ? La notion méritocratique censée se situer au cœur de l’aléa sportif en prend un coup face au principe de réalité. Il n’y a pas qu’avec la logique de la Superligue que l’on tente dans le petit monde du ballon rond de réduire au strict minimum acceptable les risques pour les « puissants » (pour une fois la France en fait partie).
Coup du chapeau
Il reste maintenant à essayer de saisir l’intérêt qui prévaut dans le système des chapeaux. Un dispositif dont la principale raison d’être consiste à éviter, à l’instar de toutes les principales compétitions actuelles, une guerre fratricide entres les grosses sélections. Le fameux groupe de la mort n’existant qu’au détriment de l’intérêt supérieur de la compétition et des finances de l’UEFA. En chapeau 1, l’Allemagne, pourtant au plus mal sur les pelouses, est récompensée de son effort pécuniaire pour accueillir l’Euro (la fédé allemande tire la langue de ce côté-là aussi). Les autres privilégiés sont les cinq meilleurs premiers des poules éliminatoires, dont les Bleus. Les choses se compliquent avec le chapeau 2 où les autres premiers se retrouvent en compagnie des meilleurs deuxièmes. Une logique en cascade, les autres qualifiés se répartissent à l’identique dans les chapeaux 3 et 4. Ce dernier accueille les survivants des barrages (6 demi-finales et 3 finales). Cette jolie usine à gaz conduit la Croatie (sur le podium au Qatar) et les Pays-Bas (quart-de-finaliste) à venir agrémenter le tirage au sort du chapeau 3. Certes, on ne rêve plus d’un système de compétitions à élimination directe ou d’une compétition à 8 (c’était le cas en 1984 en France, sur 34 nations sur la ligne de départ, soit deux fois moins de qualifiés en proportion). L’entourloupe risque juste de se voir de plus en plus derrière l’opacité des tours (qualificatifs) de passe-passe.
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