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Euro 2022 : L’été de tous les records

Par Julien Duez, à Old Trafford
7 minutes
Euro 2022 : L’été de tous les records

Avec un an de retard, le treizième championnat d’Europe féminin démarre ce mercredi et jamais les prétendantes à la couronne finale n’ont été aussi nombreuses. De quoi conforter encore un peu davantage l’idée que ce tournoi ne sera pas comme les autres. Non, l’Euro anglais sera plus grand, plus beau et plus fort que tous les autres. En tout cas, c’est ce dont les organisateurs sont convaincus. Réponse dans trois semaines.

Hormis quelques touristes venus en pèlerinage, on ne compte guère que des bénévoles et des journalistes autour d’Old Trafford. Le calme avant la tempête, car il ne faut pas se méprendre, l’antre de Manchester United, choisie pour accueillir le match d’ouverture de l’Euro 2022 entre l’Angleterre et l’Autriche, sera pleine à craquer ce mercredi soir. Et avec 70 000 spectateurs attendus, le record d’affluence pour un match du championnat d’Europe féminin (établi lors de la finale de l’édition 2013 en Suède avec 41 000 personnes présentes) sera tout simplement pulvérisé.

De quoi réjouir Nadine Kessler, directrice du football féminin à l’UEFA, Sue Campbell, son homologue au sein de la FA anglaise et Chris Bryant, le directeur du tournoi, réunis dans une loge cossue du Sir Alex Ferguson Stand, à l’occasion d’une rencontre organisée en marge du lancement des hostilités. « Nous sommes très fiers de pouvoir casser des records et de faire de cet Euro un événement iconique. C’est un symbole fort du développement du football féminin à travers toute l’Europe », se félicitait ainsi la baronne Campbell qui voit déjà plus loin que les trois semaines à venir : « On veut qu’à l’avenir, chaque petite fille ait l’opportunité de pouvoir jouer tant à l’école qu’en club, en particulier ici, en Angleterre, où le football est encore trop souvent appelé « the men’s game ». »

Des chiffres et des chiffres

Alors que le niveau sportif s’annonce plus relevé que jamais (six des seize participantes sont classées dans le top 10 mondial), cet Euro, repoussé d’un an par rapport à sa date initiale – Covid oblige – est d’ores et déjà un succès populaire. En plus du match d’ouverture, la finale prévue à Wembley le 31 juillet et tous les matchs des Three Lionesses comptent parmi les rencontres déjà sold out. Concrètement, le cap du demi-million de billets vendus a été franchi et 20% d’entre eux ont été achetés en dehors de Grande-Bretagne. Au total, ce sont pas moins de 96 000 personnes – venues de 99 pays – qui devraient participer à la fête au stade, sans compter les 300 000 curieux attendus dans les fan zones des neuf villes hôtes (lesquelles comptent sur 54 millions de livres de retombées économiques) et les 250 millions de téléspectateurs estimés tout au long de la compétition. En résumé, on parle du plus grand événement sportif féminin jamais organisé en Europe. Alors, toujours ringard, le football pratiqué par les femmes ?

Un choix de stades qui fait débat… ou pas ?

Évidemment, n’importe quel bon tournoi ne peut débuter sans une bonne petite polémique. Ici, c’est l’internationale islandaise Sara Björk Gunnarsdottir qui déplorait au mois d’avril dans le podcast Their Pitch que le choix de certains stades soit complètement à côté de la plaque. Dans son viseur, le Manchester City Academy stadium et ses 4700 places en configuration Euro. « C’est choquant. Tu joues en Angleterre où il y a plein de stades, et nous, on se retrouve avec le terrain d’entraînement de Man City, pestait la milieu de terrain de la Juve et ex de l’Olympique lyonnais. À ce niveau-là, c’est irrespectueux envers le football féminin, parce qu’il est bien plus grand que ce que les gens imaginent. »

Du côté de l’organisation, on se défend en rappelant que les stades ont été choisis au moment de remettre le dossier candidature en 2018, soit trois ans avant la date initiale du début du tournoi. Depuis, le Mondial 2019 est passé par là, la D1 anglaise s’est entièrement professionnalisée et un contrat de diffusion record a été signé avec la BBC et Sky. Bref, les joueuses ont encore gagné en exposition, et force est de constater que les choix qui semblaient justifiés hier ne le sont plus forcément aujourd’hui. Preuve s’il en est, les deux matchs de l’Islande de Gunnarsdottir prévus à Manchester se joueront à guichets fermés. Bonne nouvelle pour Chris Bryant, qui insiste précisément sur l’importance de voir des stades combles « afin de créer une formidable atmosphère pour toutes les équipes participantes ». Et ce, peu importe la taille finalement.

Ah oui, ah oui la dot(ation)

L’autre anicroche remarquée, c’est la dotation même du tournoi. Fixée à 16 millions d’euros (une goutte d’eau comparé aux 321 millions du dernier Euro masculin), celle-ci n’a pas manqué de faire polémique, surtout en plein débat sur l’égalité des primes en sélections masculine et féminine. Pour ne pas complètement noircir le tableau, on soulignera que le prize money cuvée 2022 a doublé par rapport à l’Euro disputé aux Pays-Bas il y a cinq ans et que celui-ci est assorti d’un fonds de 4,5 millions d’euros destiné aux clubs qui libèrent leurs joueuses le temps de la compétition. « Et surtout, rappelle Nadine Kessler, ce tournoi a coûté cinq fois plus cher que le précédent. L’UEFA va essuyer des pertes, mais voulait en même temps investir massivement pour le développement du football féminin. Nous devions donc réfléchir à une stratégie économique, comment investir des fonds qui ne sont pas illimités et ne pas tout injecter dans la dotation du tournoi, qui ne représente qu’une partie des dépenses d’un Euro, même si nous comprenons toute la symbolique qu’elle englobe. Mais à cela s’ajoutent la promotion de la compétition, les conditions d’accueil des équipes, etc. » Et l’ancienne internationale allemande de conclure en avouant que le montant alloué aux participantes « est encore insuffisant, en tout cas pas aussi élevé que nous aimerions qu’il soit » . De quoi ne pas se reposer sur ses lauriers d’ici l’Euro 2025. En attendant, il y a un tournoi à jouer. Et pour une fois que tout le monde s’accorde sur les aspects bénéfiques du report dû à la pandémie, on ne va quand même pas bouder son plaisir !


Trois questions à Nadine Kessler (34 ans), directrice du football féminin à l’UEFA

Le Mondial 2019 était déjà considéré comme un important pas en avant pour la discipline. En quoi cet Euro va-t-il encore plus loin ?C’est vrai que la FIFA a fait du bon boulot pour mettre en avant la direction que prendra l’avenir, et le but, c’est d’avoir le plus gros tournoi possible. Mais de notre côté, on a commencé à travailler sur cet Euro avant 2019 et on ne travaille pas de la même manière à l’échelle mondiale et à l’échelle continentale. On voulait un truc qui soit gigantesque parce qu’on sait l’effet symbolique que cela produit derrière. Et c’est très plaisant de voir qu’il y a autant de nations qui affirment désormais qu’elles viennent pour aller chercher la victoire finale.

Vous avez vous-même remporté l’Euro avec l’Allemagne en 2013. Serez-vous derrière vos compatriotes pendant le tournoi ou bien votre position vous en empêche-t-elle ?Je vais évidemment rester dans mon rôle et rester neutre pendant tout le tournoi parce que je veux voir une grande compétition avec la meilleure équipe qui l’emporte à la fin. Mais je suis évidemment allemande, je ne peux pas le nier et au fond, j’ai évidemment envie que mon pays fasse un bon parcours. Je pense que cette année, les joueuses font partie des underdogs, mais il y a de nombreux jeunes talents, et elles ont réalisé de très bons matchs de préparation. Donc on verra, il ne faut jamais sous-estimer les Allemandes !

Que diriez-vous à quelqu’un qui affirmerait en 2022 que le football féminin n’est pas du football ?Je lui dirais qu’il ou elle ne s’informe visiblement pas très bien. Ça, c’est ma réponse polie. Déjà, qui décide de ce qu’est du vrai football ? Quiconque tape dans un ballon, que ce soit à l’échelle professionnelle ou en loisir, joue déjà au football. Ça n’a rien à voir avec le genre, les origines ou n’importe quel autre critère de ce genre.

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Par Julien Duez, à Old Trafford

Photos : UEFA, Icon et JD

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