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Euro 2021 : du public à tout prix ?

Par Nicolas Kssis-Martov
4 minutes
Euro 2021 : du public à tout prix ?

Parmi tous les dossiers qui empoisonnent la vie du foot européen aujourd’hui, la question des stades de l’Euro 2021, ex-2020, semble bien secondaire. Toutefois, les arbitrages auxquels l’UEFA vient de procéder se révèlent fort instructifs sur le fonctionnement de cette institution, son rapport au contexte, notamment l’actuelle pandémie, ainsi que son respect tout relatif des États, auprès desquels elle s’est pourtant empressée de quémander du soutien lors de la bataille contre la Superligue.

La nouvelle est tombée le 23 avril dernier par communiqué, même si tout le monde s’y attendait. L’UEFA a écarté Bilbao et Dublin de la liste des villes-hôtes de l’Euro, censé se tenir au départ dans onze villes à travers onze pays, du 11 juin au 11 juillet prochain (c’est-à-dire demain). La volonté de maintenir coûte que coûte l’événement soulève déjà en soi de sérieux doutes, quand y compris les intouchables Jeux olympiques, prévus à Tokyo cet été, se retrouvent sur la sellette. Toutefois, la cité basque et la capitale irlandaise font surtout les frais de l’intransigeance de l’Union, qui exige, quelles que soient la situation sanitaire ou les restrictions légales décidées par les gouvernements ou les autorités, qu’un seuil minimum de public soit accueilli dans les gradins. Séville, Saint-Pétersbourg et Londres en profitent donc pour récupérer les matchs concernés.

La fête malgré la Covid-19 ?

Avec son format hors norme, voulu par un Michel Platini soucieux de célébrer dignement le 60e anniversaire de la compétition, l’organisation n’en est pas à son premier croche-pied. Bruxelles, capitale européenne, a été dégagé en raison de difficultés liées à son grand stade (toujours la folie des grandeurs des instances internationales du foot, dont on peut voir, dans son extrême logique, à quoi cela conduit au Qatar). L’épidémie de la Covid n’a pas pour autant ramené l’UEFA à plus de raison ou de réalisme. Aleksander Čeferin n’a cessé de rappeler le besoin de « garantir un environnement sûr et festif », avec des spectateurs « à tous les matchs », entre 20% et 100%, si possible un minimum de 50%. Naturellement les enjeux en matière de billetterie, de tourisme potentiel, pour un événement dont l’économie a été puissamment malmenée, ainsi que le besoin de vendre à la télé un spectacle un peu plus ébouriffant que des tribunes vides d’où résonnent des chants par haut-parleurs, fondent cette obstination. Par ailleurs, en matière de communication, l’UEFA rêve de proposer un Euro de sortie de crise qui illustre en images, si possible joyeuses, que le foot célèbre la fin de la pandémie. On en est loin…

Ce n’est pas une nouveauté d’observer l’UEFA traiter avec autant de mépris les pouvoirs régaliens ou simplement la souveraineté des pouvoirs publics, au regard de ses seuls intérêts économiques. Elle a toujours su imposer des oukases ahurissants aux pays qui recevaient l’Euro (exemptions fiscales totales, sponsors hégémoniques, etc.), pour son seul profit et bénéfice. Une belle contradiction alors qu’elle a mené son combat contre la Superligue, en accusant cette dernière de ne songer qu’à l’appât du gain au détriment de l’intérêt général. Cette hypocrisie choque davantage quand elle vient s’immiscer et contrecarre la lutte contre le virus, menaçant la santé de la population et des footballeurs eux-mêmes (le foot pro raisonne ainsi depuis le début, son taux d’incidence se révèle en L1 trois fois supérieur à la moyenne nationale).

D’autres désistements à venir ?

Naturellement, les évincés ont réagi avec fermeté. En Euskadi, et Dieu sait que là-bas, on reste sourcilleux sur le sujet, la réponse a été cinglante. « Nous n’accepterons en aucune manière la remise en cause de la capacité des autorités basques à gérer et organiser des événements internationaux, avons-nous pu lire dans un communiqué publié sur le site de la mairie de Bilbao. Nous ne laisserons aucun doute sur les critères qui ont toujours été appliqués dans ce projet depuis plus de six ans, car c’est là que le style basque prévaut : sérieux, cohérence, professionnalisme et responsabilité. » L’Irlande avait déjà refusé de s’engager, ce qui semble normal, sur les taux de remplissage, tant que les courbes de la pandémie ne lui autorisaient pas un tel optimisme. L’UEFA a préféré faire la sourde oreille.

Et les dossiers en litige ne sont toujours pas clos. De la sorte, si Munich est conservé, son maire, Dieter Reiter, a plus modestement expliqué qu’« il y a une semaine, je ne pouvais pas dire s’il y aurait des spectateurs, ni combien. Je ne peux guère plus le dire aujourd’hui ». En Allemagne, où le Bundestag a voté un couvre-feu national, une première dans cet État fédéral, le bout du tunnel paraît toujours en effet bien loin. L’UEFA peut se ronger les ongles malgré son arrogance actuelle. Son attitude illustre surtout qu’il n’y a pas seulement Pérez qui soit enfermé dans sa bulle, ou coupé du monde.

Et si Gyan n’avait pas tiré le penalty d’Uruguay-Ghana en 2010 ?

Par Nicolas Kssis-Martov

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