- Édito
- Euro 2020
Euro 2020 : Souviens toi l’été prochain
Ce vendredi, toute l’Europe aurait dû être en train de trépigner d’impatience avant de déballer son Euro 2020, avec au programme de la soirée un appétissant Italie-Turquie au Stadio Olimpico de Rome. Mais une pandémie est passée par là, remettant son lot d'émotions à plus tard.
« Tu te souviens où tu étais ce jour-là ? » C’est en général le genre de phrases que peut engendrer un événement sportif d’envergure continentale ou mondiale. Tous les Italiens, tous les Turcs et beaucoup d’autres Européens auraient pu répondre qu’ils se souviennent exactement avec qui, à quel endroit et dans quelles conditions ils avaient suivi cette cérémonie d’ouverture de l’Euro 2020 prévue initialement ce 12 juin. Mais non, il n’en sera rien. En ce 12 juin, chacun aura sa petite histoire, ses petites joies, ses petites tristesses, ses petites colères. « Petite » n’est en rien un jugement de valeur. Juste une façon de déplorer qu’une belle occasion de se rassembler, de se fédérer autour d’un spectacle vient d’être manquée. Le coronavirus, après avoir poussé les individus à s’enfermer, se séparer et s’éviter, continue son entreprise de distanciation sociale forcée. Ainsi, à propos de 2020, tout le monde se souviendra où il a été confiné. En revanche, personne ne saura jamais où il devait être pour la finale de l’Euro, prévue à Wembley le 12 juillet prochain.
Si la vie quotidienne reprend doucement son cours, celle du football est encore privée de ce qui la rend excitante et passionnante : le foot de sélection. Boucler une Bundesliga, très bien. Relancer la Serie A ou la Liga, pourquoi pas. Permettre à Liverpool d’attraper son foutu 19e titre, super. Mais ces compétitions finalement destinées aux seuls initiés ne remplaceront jamais l’émulation collective qui se dégage des Coupes du monde et des Championnats d’Europe et qui s’impose dans les calendriers du grand public tous les deux ans. Pour la première fois depuis 60 ans, un été d’une année paire ne connaîtra pas de tournoi international de football.
Que restera-t-il donc de cet Euro 2020, si ce n’est une marque déposée puis raturée pour être transformée en Euro 2021 ? Ironie de l’histoire, ce tournoi devait écrire son prologue ce vendredi à Rome, capitale d’un pays par lequel s’est infiltré le Covid-19 en février dernier (du moins selon les versions les plus largement répandues), puis trouver son épilogue à Londres, capitale du pays le plus endeuillé d’Europe. Et si ce virus s’est propagé avec cette vitesse et cette violence, c’est parce que nous vivons dans un monde toujours plus mondialisé, où les échanges sont aussi incessants qu’encouragés. Comme par hasard, une de ses victimes collatérales est justement cet Euro qu’un certain Michel Platini a voulu comme celui qui abolirait les frontières dans l’Europe du foot. Une fête partagée de Bakou à Dublin et de Bilbao à Saint-Pétersbourg, mais finalement reportée.
Il faudra donc s’armer de patience. Une nouvelle saison va se charger de rebattre les cartes, jeter ses flous ou affirmer de nouvelles tendances. Il faudra aussi donner la possibilité aux seize (!) barragistes de s’écharper avant de relancer définitivement la machine. C’est seulement à cet instant, en juin 2021 si tout se passe bien, que l’on pourra vibrer ou enrager. Ainsi, on pourra alors se souvenir de ce jour où on est tombé amoureux de cette séduisante équipe anglaise, de cette fille/ce mec croisé(e) lors d’un Croatie-Tchéquie diffusé dans un pub écossais, ou de Daniel James, lorsque le Gallois aura déchiré la lucarne de Thibaut Courtois en huitièmes de finale avant de tomber dans les bras de son pote. Ensemble, comme dans le monde d’avant.
Par Mathieu Rollinger