Euro 08 – Turquie : Turk Attack ?
Sarkozy fait le maximum pour contrer l'entrée de la Turquie dans l'UE. Il n'empêche, en terme de football européen sur les dix dernières années, les héritiers de l'Empire Ottoman font partie de ces nations qui ont pris du grade.
Il y en aura toujours pour dire que la Grèce, l’ennemie, a gagné le précédent Euro, performance bien plus importante qu’une troisième place en coupe du monde. Il y en aura toujours pour dire que la Turquie, ce n’est pas l’Europe, mais l’Asie.
Les Turcs s’en foutent, ils ont de quoi répondre. Premièrement, ils n’ont pas qu’une équipe nationale. Ils ont aussi des clubs qui ont réussi de belles performances en Ligue des Champions. Pas les Grecs. Ensuite, Dana, une Israélienne, a gagné l’Eurovision. Alors qu’on ne vienne pas leur parler d’histoire de territoire et de continent.
Le football turc existait au XXe siècle et il lui arrivait même de faire bonne figure. Mais c’est la victoire de Galatasaray en 2000 en Coupe de l’UEFA, qui a décomplexé tout le pays dans son rapport au ballon rond. Mis en orbite, il ne manquait plus qu’à confirmer sur la scène internationale. L’Euro tombe à pic.
La bande à Hakan Sükür va marquer les esprits en sortant l’organisateur belge de la compétition. Sortis en quarts par Luis Figo, les Turcs s’en remettent rapidement et se qualifient illico pour la Coupe du Monde 2002 où ils font plus que confirmer. En battant une nouvelle fois les équipes locales, le Japon et la Corée, ainsi que le chouchou du public, le Sénégal, les autres amis de la laïcité (les Turcs ont bien donné le droit de vote aux femmes 10 ans avant les Gaulois!) ont montré qu’ils pouvaient gagner dans un climat hostile.
Une fois le mondial asiatique bouclé, l’Inter Milan engage quelques Turcs pour faire le poids. Les transfuges ne joueront pas et finiront à Sienne ou à Newcastle. A Milan, on se souvient d’eux comme les gars qui portaient les maillots n°52 ou 74. Pas très glorieux.
Le plus gros symbole de la gueule de bois turque, c’est encore le parcours de l’entraîneur qui a battu Arsenal en finale avec Galatasaray, Fatih Terim. Un sacré personnage. Et dire qu’en France, on considère Luis Fernandez comme un sanguin.
Après ce succès, on lui propose d’entrainer la Fiorentina. Cadeau empoisonné, le club doit gérer l’après-Batistuta. Le conflit avec le président Vittorio Cecchi Gori est permanent. Terim quittera le club en janvier, une fois qu’il l’aura placé en tête de la Serie A, histoire de bien le faire chier.
Fatih Terim est comme ça. A l’intersaison suivante, il atterrit sur le banc du Milan AC où il est débarqué dès septembre. Il retourne ensuite à Galatasaray. Après deux ans sans trophée, on lui demande de partir. Il est quand même chez lui. En 2005, au pied du mur, il accepte le dernier poste possible : sélectionneur national. Il avait déjà qualifié son pays pour l’Euro 96 alors pourquoi pas ? Il arrive en barrage en 2006. Arrive alors le fameux match contre la Suisse. Des provocations jusqu’au bain de sang dans le vestiaire helvète, le coach est au four et au moulin. Suspendu, il fait profil bas et deux ans après, le revoilà.
Dans le groupe des Bosphore’s Boys, le Portugal semble au-dessus du lot. Mais tout reste ouvert entre eux, une République Tchèque vieillissante et…la Suisse, qui jouera certes chez elle. Pas de revanche à l’horizon pour autant. Déjà parce que les Suisses sont tout sauf violents, puis aussi parce que cette Turquie n’est plus la même.
Le club stambouliote qui carbure maintenant, c’est Fenerbahçe. Un club avec un onze pour le moins international et un entraîneur brésilien. Comme les autres clubs sont à l’agonie, il va falloir se tourner vers les expatriés. Heureusement, ceux-ci sont toujours en haut de l’affiche de la Bundesliga. Il y a aussi Nihat qui a fait son trou en Espagne et Erding qui s’y prépare en France. La qualif est donc possible. Et elle ne serait pas de trop pour rappeler à tous que la Turquie, c’est l’Europe.
Par Romain Canuti
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