Euro 08 – Turquie : Terim à rien

Fatih Terim est considéré comme un grand entraîneur. A tort ou à raison. Parmi ses nombreux titres, en figure un dont il est particulièrement fier : Commandeur de l’Ordre de l’Etoile de la Solidarité Italienne, remis au cours d’une réception à l’ambassade italienne d’Ankara. Une récompense un rien pompeuse mais étonnante vu la brièveté de son passage dans la Botte : à peine deux saisons, sans titre qui plus est. Il faut croire que le bonhomme a laissé une empreinte marquante à cette occasion dans les consciences italiennes.

Quoi qu’il en soit, Terim a ses fans et ses détracteurs. Parmi les premiers, les supporters turcs, indiscutablement les plus fanatiques de la compétition. Outre cette qualification, les Ottomans lui sont reconnaissants d’avoir dépucelé l’équipe nationale en la qualifiant pour l’Euro 96, une grande première, lors de son premier passage à la tête de la sélection. A suivi la victoire de Galatasaray en Coupe UEFA en 2000. Au passage, une compétition qu’aucun club français n’est parvenu à remporter. Un exploit, donc.

La demi-finale obtenue par la Turquie lors du mondial asiatique, sous les ordres de Senol Günes, est en quelque sorte également à porter à son crédit, du moins si l’on en croît le lascar : « Lorsque nous nous sommes qualifiés pour l’Euro 96, nous avons profondément changé les mentalités dans ce pays. On peut dire qu’il s’agissait d’une véritable révolution. A l’époque, aucun joueur turc n’évoluait à l’étranger. Jusque-là, nous jouions surtout pour ne pas perdre. Nous avons appris à gagner. Cette transformation a radicalement changé l’image des footballeurs turcs à l’étranger. Nos internationaux sont partis dans de grands clubs et, six ans plus tard, nous avons fini à la troisième place de la Coupe du Monde » .

Car Terim est un sacré leader. Il est connu pour coacher ses hommes à la baguette mais aussi pour se faire aimer d’eux. Le résultat, ce sont les retournements de situation face à la Suisse, contre les Tchèques et enfin la Croatie. Trois fois menée au score, l’équipe turque, sous les ordres du très remuant Terim, a renversé la vapeur à la faveur d’un coaching inspiré : « Comme toutes les autres équipes, nous avons des cadres. Mais, dans le football moderne, ce ne sont pas tant les joueurs clés qui sont importants, mais l’animation et la manière de gérer les moments-clés des matchs » .

Au cours de ces trois matchs, son équipe, baladée ou sérieusement chahutée, a su se transcender avec au passage un coaching payant. Contre la Rèpublique Tchèque, le replacement de Tuncay au milieu de terrain a été son coup de génie : « J’ai vu beaucoup de choses arriver dans les dernières minutes, parfois à notre avantage, parfois à notre désavantage. C’est la beauté de ce jeu que nous appelons football » . De quoi donner des cours à Raymond.

Fatih Terim, malgré son âge (bientôt 56 ans), a su rester joueur. Ce qu’il confirme : « Ce que j’aime par-dessus tout, c’est le football. Peu importe que je sois sur le terrain ou sur le banc. Ce qui me plaît, c’est de prendre part au match, d’une façon ou d’une autre » .

Le recordman des sélections en équipe nationale, 51 capes dont 35 en tant que capitaine, est un caractériel. D’ailleurs, il est fortement suspecté d’être l’instigateur de l’embuscade tendue aux joueurs suisses lors des barrages pour le Mondial 2006 mais s’en est tiré sans dommages.

Son succès en Coupe de l’UEFA lui ouvre les portes de la reconnaissance internationale et de l’Italie par la même occasion. Direction la Viola, présidée par le non moins volcanique Cecchi-Gori. A la Fiorentina, il développe un football plutôt offensif mais également très agressif. Sa marque de fabrique. En conflit avec son président, qui ne veut pas lui acheter les joueurs qu’il réclame, Terim refuse de prolonger son contrat. Et démissionne avant la fin.

Malgré des résultats moyens, il a tapé dans l’œil du Milan AC. Qui le signe dès la fin de saison. Mais chez les Rossoneri, la greffe ne prend pas. L’aventure se termine au bout de 5 mois et un bilan franchement décevant. Suit un autre passage dans son club, Galatasaray, où il ne remporte aucun titre avant de se voir confier une seconde fois les rênes de l’équipe nationale.

Après une défaite d’entrée face au Portugal, les médias turcs en font une tête de…Turc. En 2007 déjà, son salaire avait fait l’objet d’un débat parlementaire. Un des ministres avait dû aller au charbon pour le défendre.

Son grand et probablement unique mérite est d’avoir décomplexé ses joueurs : « Quand nous prenons part à un tournoi, c’est toujours dans l’intention de le gagner. La Turquie possède une excellente équipe, qui compte beaucoup de joueurs de grand talent. Nous allons travailler dur pour tirer le meilleur parti de nos qualités et tout faire pour aller le plus loin possible » . Parmi ces qualités, une agressivité un poil au-dessus de la moyenne. Ce qui vaut à l’équipe turque de se présenter en demies avec beaucoup d’absents pour cause de cumuls de cartons.

Coach probablement surestimé, plus meneur d’hommes que véritable tacticien, à l’image d’un Luis Fernandez, la qualification inespérée pour les demies l’ont néanmoins transformé en héros de la nation, un pays qui se voit sans doute aller au bout. Avant l’Euro, il déclarera à l’agence Reuters, modeste : « Je n’ai plus à courir après le succès. J’ai accompli beaucoup de choses. Mon objectif est désormais le Championnat d’Europe. Je n’ai le temps de penser à rien d’autre » .

Vinçentü Ruellanü