Euro 08 – Pays-Bas: Red Oyster Kuyt

Lors de la victoire des Oranges sur l’Italie, on a vanté le football sinon spectaculaire, du moins au-dessus de la moyenne des Pays-Bas. La tradition du beau jeu, de la vitesse et de la technique hollandaise. Certes.

Sauf que l’équipe de Marco Van Basten est aussi composée de ce que l’on appelle commodément des tâcherons. Passe encore pour la défense avec les poètes que sont Ooijer ou Boulahrouz. Mais la ligne d’attaque aussi possède son lot de porteurs d’eau. Il n’y a qu’a voir la titularisation du joueur le moins élégant du moment : Dirk Kuyt.

Avec les Reds, il aligne les matchs. Benitez lui accorde une confiance quasi aveugle. Faut dire que le gaillard ne s’économise pas. Ce que les Scousers, qui peuplent les terraces de Anfield Road, lui savent gré en chantant ses louanges mais à leur manière :

« Dirk Kuyt, aussi bon puisse-t-il être,

A heurté toutes les branches d’un arbre affreux,

Comme Fowler, Crouch et Craig Bellamy,

Dirk Kuyt est un boss, mais putain qu’il est moche » .

En terminant les matchs aussi dégoulinant que Gascoigne à la sortie d’un pub, il peut disputer la palme du joueur le moins élégant du tournoi à Ribéry. Sur ce plan au moins, Cristiano Ronaldo peut dormir tranquille.

Dirk le baveux invente le mouvement perpétuel. Kuyt, ou Kujit selon les envies, est un battant. Né au fin fond des Pays-Bas, dans un village de pêcheurs à Katwijk aan Zee (à vos souhaits) en 1980, il aurait pu passer son temps avec un ciré jaune sur le paletot. Mais Kuyt est un homme pressé. D’ailleurs, sa première équipe avait un nom d’éjaculateurs précoces : les Quick Boys. Son père ne lui laissera quant à lui qu’une vague alternative comme il le confirme lui-même. Ça sera « soit le foot, soit la pêche » . Finalement, il préfère mettre des ballons au fond des filets plutôt que des harengs. Même s’il déclare ne pas avoir voulu devenir footballeur pro à cette époque, on comprend qu’il ait préféré les mises au vert à la pleine mer. Il a même été décorateur pendant deux années en marge du foot.

Typiquement, c’est le joueur qui commence la saison sur le banc et qui la termine en titulaire indiscutable sur l’aile. Cela en partie grâce à une activité incroyable sur le pré. Au grand dam des amateurs de beau football. Pendant toutes ces années, il a aligné les matchs. De 1999 à 2006, il n’en a manqué que 5, enchaînant 233 rencontres entre Utrecht et Feyenoord mais aussi les pions. En 2005, il termine la saison avec 29 buts. Un an plus tard, il migre sur les bords de la Mersey. Pour The Mirror, il est alors « l’attaquant hollandais au look de héros en passe de devenir culte » , la plupart du temps grâce à ses buts décisifs pour Liverpool.

En sélection nationale, il bénéficie de l’arrivée de Van Basten aux commandes. Il effectue ses débuts en septembre 2004 pour s’installer de manière durable chez les Oranges. Sauf cette année où Marco lui préfère “Babyface Killer” Huntelaar. Jusqu’à cette rencontre face à la Squadra.

Kuyt semble ignorer l‘existence du mot élégance. Il pousse le vice jusque dans le choix du prénom de sa femme : Gertrude. Aussi généreux dans la vie que sur le terrain, et probablement reconnaissant envers le destin de lui avoir épargné une vie de pêcheur, il pousse la rédemption jusqu’à créer une fondation pour les enfants défavorisés. Ce qui ne l’empêche pas de prénommer sa fille Noelle. Salaud, va.

Vincent Van Ruellan