Euro 08 : Joue-là comme Bilic…

Fatiguée contre l’Autriche, impressionnante contre l’Allemagne, l’équipe croate affronte ce soir la Pologne. Après les coups d’éclat de ces dernières années (3ème en 1998, 1ère de son groupe de qualification devant l’Angleterre en 2008…), le sélectionneur Slaven Bilic a réalisé une petite révolution : latiniser (un peu) le football croate.

Finis les mouvements virevoltants et l’insoutenable dictature du beau qui va souvent de pair avec un complexe d’infériorité, ce foutu complexe qui pousse souvent à en faire trop. Désormais, la Croatie a le droit d’être chiante à voir jouer.

Contre l’Autriche, l’équipe au damier s’est montrée incapable de prendre le jeu à son compte. Ils ont planté un pion sur péno de Modric avant d’attendre les Autrichiens. Un comble, et un match franchement naze. Bilic et ses potes, eux, s’en foutent. Les trois points sont dans sa poche et il sait que son équipe peut mieux faire. Malin le Slaven, puisque la montée en puissance affichée contre l’Allemagne laisse augurer des lendemains qui pogotent chez ses protégés. Pragmatisme et réalisme font désormais figures de mots d’ordre.

Au vrai, la nationale s’est professionnalisée et l’ardente jeunesse croate est tempérée par la solidité d’un trio infernal composé de Simunic, Kovac, et Simic. Nom de code : les vieilles charrues, comme se plaît à les surnommer leur sélectionneur. Moyenne d’âge : 32 ans. A eux trois, ils totalisent plus de 235 sélections. Leur job : stopper les attaques adverses et relancer proprement. Rien de plus, rien de moins. Et autant le dire tout de suite : face aux Teutons, les charrues étaient montées sur des 20 pouces.

Drôle de dames que nos trois compères. Simunic est un robuste gaillard d’1m95 pour 89 kg, né en Australie mais ayant choisi de défendre les couleurs du pays de ses parents. Il évolue aujourd’hui au Hertha Berlin et ambiance le couloir gauche des pelouses sur lesquelles il gambade. Robert Kovac évolue dans l’axe. Lui non plus n’est pas né au pays mais à Berlin, et connaît l’Allemagne aussi bien que le short de Michael Ballack. Le Matt Damon de la Ruhr se souvient encore de son marquage. Quant à Simic, il est né à Zagreb et évolue aujourd’hui au Milan, enfin façon de parler…

Le trio est complété par Corluka sur l’aile droite. Rigueur, sérieux, professionnalisme derrière. De l’expérience, aussi. Nos hommes ont vu du pays et retourné de l’avant-centre un peu partout en Europe. Ils évoluent dans les championnats les plus costauds et ne sont donc jamais les derniers pour faire parler ce qu’on appelle l’expérience ou le vice (c’est selon…).

Forcément, quand il s’agit de payer son coup d’épaule, d’y aller d’un tacle bien senti, ou d’écarter franchement le danger d’un bon gros coup de pied qui fleure bon l’ancien temps, du monde se presse aux Balkans. Une défense pluri-culturelle dont on a l’impression qu’elle puise le meilleur dans les racines des joueurs qui la composent. Simic apporte la rigueur tactique italienne, Simunic et Kovac l’impact physique allemand, avec la détente du kangourou en plus Simunic.

Juste devant se trouve Modric. 22 ans, toutes ses dents et déjà l’une des révélations du tournoi. Du coup, on se dit que le football, c’est parfois pas si compliqué que ça. Des vieux bûcherons derrière pour calmer les velléités adverses, des relais qui galopent comme au premier jour, heureux qu’ils sont d’avoir le cuir dans les pattes, et des hommes de confiance pour finir le boulot plus ou moins proprement.

Au final, on se dit que les vieilles charrues ne pouvaient rouler qu’avec une bonne écurie et un crack au pilotage. Guitariste du groupe Rawbau et fan des Guns and Roses, Bilic est celui-là. Il a récemment déclaré que la Croatie était l’une des meilleures équipes de ces cinq dernières années. Il était l’homme idéal.

Par Lucas Duvernet Coppola et Paul Bemer