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Euan Macfarlane (Glasgow Rangers) : « Au Royaume-Uni, les supporters n’ont pratiquement pas d’influence »

Propos recueillis par Fabien Gelinat
8 minutes
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Le 7 mars dernier, les Glasgow Rangers ont décroché leur 55e titre de champion d'Écosse, neuf ans après leur relégation administrative en D4. Un cauchemar que les supporters du club ne souhaitent plus jamais revivre, et un traumatisme qui a engendré la création de Club 1872, une nouvelle organisation des supporters dont le but est d'investir et grapiller des parts du club pour pouvoir influer, à terme, sur l'avenir de leur club. Entretien avec Euan Macfarlane, l'un des directeurs de l'organisation depuis plus de trois ans.

Club 1872 a été officiellement fondé en 2016, mais les prémices viennent plutôt de la relégation en 2012, c’est bien ça ?Exactement. Tout a commencé il y a neuf ans. À cette époque, le club coulait financièrement, les propriétaires se succédaient avec Charles Green, puis Mike Ashley, mais nous n’avions aucune influence dessus, pas plus que sur des sujets tels que le naming du stade, des recrues et des ventes, alors qu’il y avait d’autres points plus importants à régler. Le retour au sein du board de Dave King en 2015, ancien dirigeant du club et surtout grand fan des Rangers, a permis de remettre le club progressivement à l’endroit. Ce fut le véritable point de départ de Club 1872.

Vous créez donc cette organisation, mais il y avait déjà des groupe de supporters à l’époque.En effet, il y avait plusieurs groupes de supporters, comme Rangers First ou Rangers Supporters Trust, qui essayaient chacun de leur côté d’engendrer de l’argent pour investir dans le club et s’assurer que les supporters puissent avoir à l’avenir une voix qui compte. Même avant la sanction et la rétrogradation en D4, de nombreux fans des Rangers créaient des cagnottes pour donner l’argent au club et l’aider à traverser sa crise économique. Mais le problème résidait justement dans cette diversité des groupes. Il y avait comme un conflit entre eux, donnant lieu à plus de division que d’union, car chaque groupe demandait de l’argent aux supporters pour tel ou tel projet. Avec Club 1872, nous avons réuni tous les groupes de supporters sous une seule et même bannière pour permettre aux fans de s’identifier plus facilement, plutôt que de choisir tel ou tel groupe de supporters. Car, dans le cas où il y a quatre ou cinq groupes de supporters, de nouveaux groupes se créent sans cesse, et si chacun propose une nouvelle idée, les supporters vont investir à droite, à gauche, de manière un peu confuse. Il est alors difficile de se dire quelle est la meilleure option sur laquelle parier, alors qu’en ayant un seul modèle sur lequel investir, cela simplifie les choses.

Vous n’êtes donc ni des socios, ni des simples supporters, ni des dirigeants ? Exactement. Le fonctionnement de Club 1872 est différent des socios, nous avons une réelle organisation démocratique, ainsi qu’une administration, avec pour objectif d’avoir une voix qui compte dans les décisions majeures du club. Nous avons donc nos propres élections au sein de l’organisation pour élire les nouveaux dirigeants de Club 1872, lors d’une assemblée générale annuelle.

Nous souhaitons détenir à l’avenir au moins 25% des parts du club afin de pouvoir prendre part aux décisions majeures, comme l’arrivée ou non d’un nouveau propriétaire par exemple.

Vous évoquez vouloir détenir un rôle majeur au sein du club. Par quel moyen ?L’objectif premier est de ne plus jamais revivre ce qu’il s’est passé il y a neuf ans. Pour cela, nous souhaitons détenir à l’avenir au moins 25% des parts du club afin de pouvoir prendre part aux décisions majeures, comme l’arrivée ou non d’un nouveau propriétaire par exemple. Actuellement, nous détenons un peu plus de 5% du club, et bien que nous puissions dire au club si telle ou telle décision nous convient ou non, nous ne pesons forcément pas lourd face aux 95% des parts restantes. Nous comptons d’ailleurs racheter les parts de Dave King (environ 15%, NDLR) au cours des trois prochaines années. Notre modèle repose sur les dons, ponctuels et/ou mensuels, de chaque supporter souhaitant contribuer à l’organisation, permettant ainsi d’avoir des ressources économiques suffisamment importantes afin de grappiller des parts du club, mais également de développer d’autres projets, comme réaménager le stade ou bien aider la communauté. Nous avons actuellement 8000 membres, principalement venant des anciens groupes, tandis que d’autres nous ont rejoints lors de nos différentes campagnes promotionnelles, et nous sommes présents un peu partout dans le monde.

Comment se déroule votre relation avec le club ?Même si nous avons actuellement seulement 5% environ du club, nous sommes tout de même en contact régulier avec les dirigeants. Nous avons fait de nombreux partenariats ces dernières années, et nos relations sont très positives, même si c’est vrai que les excellents résultats du club aident pas mal. (Rires.) Nous n’avons pas encore de représentants au conseil d’administration du club, mais nous souhaitons en faire partie à l’avenir. Pas pour diriger le club, car ce n’est pas notre prétention et notre but, mais afin d’avoir la possibilité de donner notre opinion pour être sûr que le club va dans le bon sens.

Avoir une réelle influence dans les décisions de son club, c’est une idée qui pourrait traverser l’esprit de plusieurs groupes de fans au Royaume-Uni après l’épisode de la Superligue…C’est très intéressant, en effet. D’ailleurs, de nombreux groupes de supporters, dont Club 1872, ont été invités par le Labour Party la semaine dernière afin de discuter de la situation. Il y avait également des supporters d’Arsenal, Chelsea ou encore Newcastle pour ne citer qu’eux. Il s’est avéré que les groupes de supporters des clubs impliqués dans la Superligue n’avaient eu aucune voix dans les décisions. Par exemple, Stan Kroenke à Arsenal décide de tout tout seul, comme il détient à 100% les Gunners. Et ils ne peuvent rien faire à part protester après coup et espérer une action du gouvernement. Je pense d’ailleurs que ce n’est qu’une question de temps avant que la Superligue ne revienne sur le devant de la scène, ou bien que la nouvelle Ligue des champions ne crée de nouvelles tensions. Le principal problème réside dans le fait que les supporters au Royaume-Uni n’ont pratiquement pas d’influence sur les actions de leurs clubs respectifs. Le but n’est évidemment pas de voir les fans prendre le contrôle des clubs, mais d’éviter que ces derniers puissent prendre de telles mauvaises décisions. Le pays devrait revoir le modèle en place et réfléchir à comment impliquer davantage les fans dans les clubs afin de conserver l’identité de chacun d’entre eux et s’inspirer, pourquoi pas, de l’Allemagne et sa règle du 50+1.

Les Rangers fêteront leurs 150 ans d’existence l’an prochain. Avez-vous des projets pour célébrer cette anniversaire ?Revenir dans les gradins, déjà ! Mais oui, le club a prévu de grandes choses pour les 150 ans. Un musée devrait ouvrir aux abords de l’Ibrox l’année prochaine et apporter un vent de modernisation au club, le rendre plus attractif pour les fans du club, mais aussi les fans de football en vacances à Glasgow, qui pourraient ainsi profiter de leur séjour pour visiter le stade et ses alentours, comme c’est le cas pour de nombreux amoureux du football en vacances à Barcelone ou à Madrid par exemple.

En tant que fan des Rangers, j’ai vu de nombreux documentaires de football, tous très bien, mais il n’y a sûrement pas de plus beau come-back que celui que nous avons vécu.

En parlant de musée, il sera sûrement possible d’y voir le trophée de champion de cette année ! Comment avez-vous vécu ce titre ?Je suis tombé amoureux des Rangers vers la fin des années 1990, début des années 2000. Même si gagner des trophées était une habitude, cela restait un grand moment à chaque fois. Mais, à mon sens, il n’y a jamais eu un titre apportant autant d’émotions et de joie que celui de cette année, après tout ce que nous avons vécu ces dix dernières années. Quelle honte que cela arrive avec des tribunes vides d’ailleurs ! (Rires.) Je me demande même s’il n’y a pas un seul fan de club qui n’ait pas versé de larmes le jour où nous avons officiellement remporté le championnat. C’est un mélange de sentiment de ce que nous avons traversé depuis dix ans, entre la gestion du club qui nous frustrait énormément et la manière dont nous étions vus et traités par les autres clubs écossais, même si cela pouvait paraître juste. Ces dix dernières années ont été interminables, et les trois premières années lors de notre retour en D1, où nous nous sommes reconstruits, étaient dures à vivre, car le Celtic finissait toujours loin devant nous. Nous avons parfois pensé que les Rangers ne seraient plus jamais champions. Cela apporte encore plus de poids à ce titre. En tant que fan des Rangers, j’ai vu de nombreux documentaires de football, tous très bien, mais il n’y a sûrement pas de plus beau come-back que celui que nous avons vécu. L’arrivée de Gerrard en tant que manager a amorcé un réel changement, grâce à son aura, son charisme, mais également son superbe travail qui a permis à l’équipe de progresser chaque année pour réduire l’écart avec le Celtic.

Au-delà de réduire l’écart avec votre rival, vous en avez vous-même créé un conséquent. Vous êtes d’ailleurs toujours invaincus cette saison…Oui, l’équipe a été très régulière. Des joueurs comme Allan McGregor (39 ans), le gardien, ou Steven Davis (36 ans), milieu de terrain, ont déjà gagné plusieurs fois le championnat avec les Rangers et connaissent la recette, ils sont la base de notre ossature. Derrière, des joueurs de talent n’avaient plus qu’à ajouter leur valeur à cette ossature. En défense, Filip Helander et l’omniprésent Connor Goldson ont assuré cette saison, le capitaine James Tavernier qui a marqué comme un avant-centre (18 buts) alors qu’il évolue arrière droit, ou encore Alfredo Morelos qui est étincelant devant. La reconstruction de l’équipe s’est faite de manière logique, Gerrard savait parfaitement quels étaient les points à améliorer et les recrutements à faire.

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Propos recueillis par Fabien Gelinat

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