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Être numéro 9 en Bleu, tout un casse-tête
Olivier Giroud tancé, André-Pierre Gignac pas toujours en verve en équipe de France, Karim Benzema puni, Alexandre Lacazette et Kevin Gameiro à la maison. Depuis 20 ans, les Bleus ont toujours eu du mal avec le poste de numéro 9.
L’exception : Henry (123 sélections, 51 buts)
Meilleur buteur de l’histoire des Bleus (10 pions de plus que Platini), Thierry Henry reste le seul avant-centre des Bleus à s’être durablement installé en équipe de France, avec succès, depuis 20 ans. Bien entendu, il y a eu des moments moins sympas pour « Titi » (coucou la mimine contre l’Éire), mais l’homme aux deux prénoms était de toutes les sorties victorieuses des Bleus (3 buts au Mondial 98, 3 à l’Euro 2000) et auteur du seul but lors du magique France-Brésil 2006. Oui, son positionnement a parfois été débattu, son statut de taulier aussi – comme à Knysna –, mais le garçon a écrit une page du football français. Une parenthèse enchantée.
Le gâchis : Anelka (69 sélections, 14 buts)
Intrinsèquement, Nicolas Anelka avait un Thierry Henry dans chaque orteil. Au soir de son doublé à Wembley, en 1999, on se dit que les Bleus ont trouvé leur numéro 9 pour 10 ans. Véloce, technique, mentalement costaud, « Nico » avait tout pour braquer le poste.
Mais voilà, entre des choix de carrière compliqués (Bolton, retour au PSG, Liverpool), un avatar cinoche qui prend les traits de Stomy Bugsy, et sa volonté d’envoyer Raymond Domenech se faire voir chez les Grecs à la mi-temps du match contre le Mexique lors du Mondial 2010, le natif de Trappes est passé à côté de sa carrière en équipe de France. Quand il raccrochera, on se rendra compte à quel point il était doué… et à quel point son talent a été gâché. On remet ça ?
Le « mauvais endroit, au mauvais moment » : Trezeguet (71 sélections, 34 buts), Cissé (41 sélections, 9 buts)
Globalement, David Trezeguet restera l’homme de la finale de l’Euro 2000. Le but en or, c’est lui. Mais le Franco-Argentin, moins talentueux qu’Henry ou Anelka, aura eu la malchance d’être de la même génération que ces deux-là. Moralité, il fut sacrifié plus d’une fois. Sur le papier, tout le monde rêvait d’un duo Trezeguet-Henry. Ça n’a jamais marché. Alors Trezegol est resté dans l’ombre durant toute sa carrière en Bleu. Second couteau ou poissard, comme en finale de la Coupe du monde 2006 où sa tentative envoie… l’Italie au septième ciel.
Pour Djibril Cissé, c’est surtout une histoire physique. Gravement blessé aux jambes – deux fois – dont cette image terrible contre la Chine à Bollaert, l’Auxerrois n’a jamais réussi a exprimé tout son potentiel en équipe de France. À l’image de ce Mondial 2002 où les trois buteurs (Henry, Trezeguet et Cissé) terminent le tournoi avec un zéro pointé dans la case « buts » . Comme Trezeguet, Cissé devait écarter une sacrée concurrence pour être le numéro 1.
Les champions du monde : Dugarry (55 sélections, 8 buts), Guivarc’h (14 sélections, 1 but)
Ces deux-là sont champions du monde. Ces deux-là ont pourtant passé leur tournoi à se faire allumer. Guivarc’h, titulaire lors du premier match contre l’Afrique du Sud et en finale, reste le malheureux par essence. Blessé au bout de 27 minutes pour le match d’ouverture, le Breton ne sera pas mieux loti en finale, où il vendange plusieurs occasions franches. Un résumé de sa carrière en Bleu, lui qui enfilait les pions en D1. Dugarry, lui, aura duré plus longtemps en Bleu (Euro 1996 et 2000) sans connaître pour autant une réussite frappante. À son crédit, le premier but de la Coupe du monde 1998 (il avait remplacé… Guivarc’h), une passe décisive en finale pour Emmanuel Petit et un but important contre la Roumanie à l’Euro 1996. Mais, globalement, Dugarry – qui avait des qualités techniques bien au-dessus de la moyenne – n’a jamais réussi à faire main basse sur un poste de titulaire en EDF.
Les seconds couteaux : Lacazette (10 sélections, 1 but), Gameiro (8 sélections, 1 but), Gignac (28 sélections, 7 buts), Giroud (51 sélections, 18 buts)
Ils ont tous été meilleurs buteurs de Ligue 1 à un moment donné, ou pas loin. Des mecs qui marquaient semaine après semaine, avec le vent en poupe. Certains ont gagné plus de Coupes d’Europe que le football français, mais ils n’ont jamais été considérés autrement que comme des seconds couteaux en équipe nationale. Des jokers. Des titulaires bis. Par défaut. Chacun a des qualités, des défauts aussi, mais aucun n’a le feu sacré. Alors pour Lacazette, 25 ans, rien n’est définitif, mais pour les trois autres, plus ou moins trentenaires, le train semble déjà passé. Même si Olivier Giroud a débuté l’Euro dans la peau d’un titulaire, personne n’est dupe. L’absence de Karim Benzema lui a ouvert les portes du XI de départ.
L’énigme : Benzema (81 sélections, 27 buts)
Techniquement, c’est le taulier des 9 depuis le départ à la retraite de Thierry Henry. Or, Benzema n’a jamais réussi à devenir un joueur incontournable en équipe de France. Son cas a été débattu à maintes reprises, surtout lors de sa traversée du désert (11 matchs sans marquer en EdF entre 2012 et 2013), où une partie du football français se demandait si le garçon était l’attaquant idéal des Bleus.
Au final, le joueur du Real Madrid a manqué la Coupe du monde 2010 et l’Euro 2016 alors qu’il était en pleine bourre. Difficile de trouver un match, surtout en compétition officielle, où l’ancien Lyonnais aura tenu les Bleus à bout de crampons. Brillant, collectif, efficace en club, Benzema n’aura jamais retrouvé les mêmes sensations en Bleu. Un peu comme Anelka, on peut parler de gâchis. Mais il peut encore tout changer, lui. Il n’a que 28 ans.
Par Mathieu Faure