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Eto’o : le retour du lion dans la bergerie
Plus que du « je t’aime, moi non plus », l’histoire de Samuel Eto’o et des Lions indomptables est une sorte de « je te déteste, moi aussi ». Une histoire folle, pleine d’embrouilles, de séparations, de menaces, mais surtout de retours. Oui, ce dimanche, Fils sera bel et bien présent avec la sélection de son pays pour tenter de décrocher une qualification pour le Mondial 2014 face à la Tunisie. À moins que…
Sachez-le : quand un soir, un peu alcoolisé, vous tentez une blague téléphonique pour vous rappeler le bon vieux temps, vous avez beaucoup plus de chance de tomber sur Samuel Eto’o Fils que sur Cindy, votre amour d’enfance qui, évidemment, ne l’a jamais su. Oui, selon les dernières informations venant d’Angleterre, l’attaquant Camerounais possèderait 400 téléphones portables dont 14 lignes actives. C’est sur l’un de ces numéros que le joueur de Chelsea a reçu sa convocation. Pas celle du sélectionneur des Lions indomptables, Volker Finke, mais celle du secrétaire général de la présidence de la République camerounaise. En effet, Fils aurait été convoqué le 8 octobre dernier sur ordre du président Paul Biya, qui souhaitait que le meilleur joueur du pays sorte de sa « retraite internationale » avant le match de barrage face à la Tunisie, ce dimanche, à Radès. Apparemment plus convaincantes que la Fédération, les hautes sphères de l’État ont accompli leur mission : Samuel en sera. Pour le meilleur et pour le pire.
Le faux adieu du fils
Si le football africain enfante des histoires rocambolesques dont lui seul a le secret, il faut bien admettre que la relation entre Samuel Eto’o et les Lions indomptables a quelque chose d’exceptionnel. Interrogé par L’Équipe ce week-end, Patrick Mboma, ancienne terreur de la sélection camerounaise, s’est fendu d’une sortie simple mais efficace, qui aide à mieux cerner le personnage Eto’o : « S’il avait vraiment décidé de tout arrêter, il en aurait informé le président de la République. » En somme, si le Lion ne meurt pas, mais dort, Samuel Eto’o ne prend pas sa retraite : il boude. Il faut dire que cela fait un bon bout de temps que l’ancien Barcelonais n’a plus seulement l’étiquette de meilleur joueur de football du Cameroun. Dans un pays où les relations ont toujours été compliquées entre le joueur, les autres joueurs et la Fédération, un point de quasi non-retour a été atteint en début d’année quand, dans un document pour la télé camerounaise, Samuel Eto’o avait évoqué des prises de tête dignes d’un bon film d’action. Nous sommes au début du mois de février 2013 et Samuel Eto’o déclare alors que la fédé le menace et veut le tuer. « Je vis aujourd’hui avec un groupe de policiers. Un dort même devant ma porte. Je ne porte pas l’équipement donné par la Fédération, je demande tout directement à Puma » , balançait alors celui qui ne mangeait plus avec ses partenaires, de peur d’être empoisonné. Absent de la dernière Coupe d’Afrique des nations, l’homme aux 112 sélections avait par la suite refusé de disputer un match face à la Tanzanie. Une rencontre perdue par les Lions indomptables (1-0). Cependant, on ne se fait que rarement des ennemis par hasard : le melon de Samuel cache une forêt d’embrouilles que Denis Lavagne n’a pas hésité à conter à L’Équipe. « Il est habitué à faire le coup. Il a tenté d’imposer Kameni et Webo contre la Libye, Finka n’a pas cédé, et Etoo a d’abord boudé avant d’annoncer sa retraite. Il veut être joueur, capitaine, entraîneur, président de la fédé, ministre… Il est très bien puissant. Je ne serais pas surpris qu’il cherche à faire virer Finke » , sabre l’ancien sélectionneur du Cameroun. Mais si, aujourd’hui, le ministre Fils est toujours désiré, c’est que derrière l’homme étrange se cache un footballeur de talent.
Un CV qui force le respect
Alors jusqu’où un sale gosse peut-il se permettre d’aller quand son talent éclabousse tout sur son passage ? Très loin. Mais jusqu’où peut-il aller une fois que son talent semble s’essouffler ? C’est ce que va devoir montrer un Samuel Eto’o vieillissant, mais toujours menaçant. On dit souvent que le palmarès et les chiffres parlent pour un grand attaquant. À 32 ans, Fils est meilleur buteur de la CAN, de l’histoire de Majorque, a planté 152 buts avec le FC Barcelone, 53 en 102 matchs avec l’Inter, 36 en 73 rencontres avec l’Anzhi, 55 en 112 matchs avec les Lions indomptables, a remporté trois fois la Ligue des champions dont deux fois de suite avec deux clubs différents et court actuellement après sa quatrième phase finale de Coupe du monde. Et si ses débuts à Chelsea ne sont pas ceux dont il a rêvé, ce palmarès, ajouté à son sens du but immaculé, suffit à faire de lui une menace pour la défense tunisienne. Cependant, il est également une menace interne, un véritable loup que l’on insère dans la bergerie. Gageons toutefois que s’il ne se mettra pas au service de l’équipe, il saura trouver une motivation personnelle pour aller planter un caramel ou deux ce soir pour mettre les siens dans de bonnes dispositions pour le match retour. Sera-t-il là à Yaoundé le 17 novembre ? Il est bien trop tôt pour le dire, voyons. Cet homme sait se faire désirer.
Par Swann Borsellino