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  • Entretien

Étienne Didot : « Mes filles se moquent de mon accent espagnol ! »

Propos recueillis par Nicolas Jucha
10 minutes
Étienne Didot : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Mes filles se moquent de mon accent espagnol ! »

Fraîchement retraité et désormais consultant pour La Chaîne L'Équipe, Étienne Didot a déjà tout planifié pour sa seconde vie : une heure de footing par jour pour garder la forme, une formation au métier d'agent et un grand départ en famille pour l'Amérique du Sud. Parce que le Breton est un grand voyageur.

Comment se passe ton après-carrière ?Pour le moment, cela se passe bien. J’ai connaissance de pas mal d’exemples de joueurs pour qui cela a été dur, donc j’ai fait en sorte de préparer au mieux cette « fin » . Et comme ma carrière a été assez longue, j’ai eu le temps de me préparer. J’ai anticipé sur mes projets post-carrière avant qu’elle ne soit terminée, donc désormais, je déroule ce que j’avais prévu. J’avais notamment prévu d’être très occupé pour ne pas subir le contre-coup. Je passe donc des formations, je fais des rencontres, un peu de tout dont des projets familiaux.

Le projet de formation tourne sur le métier d’agent, c’est quoi qui a fait germé cette idée ?

En fait, on a un projet familial à la base, celui de nous installer en Amérique du Sud. Cela fait déjà 10-12 ans que je vais là-bas régulièrement. J’ai eu la chance d’y rencontrer pas mal de gens dans le milieu du football.

En fait, on a un projet familial à la base, celui de nous installer en Amérique du Sud. Cela fait déjà 10-12 ans que je vais là-bas régulièrement. J’ai eu la chance d’y rencontrer pas mal de gens dans le milieu du football, et j’ai toujours pensé qu’il y avait des choses à faire question football entre ce qu’il y a sur place et le championnat de France. Cela fait plusieurs mois que je travaille sur cette hypothèse, d’où l’idée de passer une licence d’agent de joueur de football (à l’École des agents de joueurs de football, N.D.L.R.), afin d’acquérir des savoirs complémentaires. Cela me permet de remplir les manques, notamment sur l’aspect du droit.

Il est important de préciser que tu as une attache personnelle avec le continent sud-américain…Oui, ma femme est chilienne et, avec mes enfants, on y va souvent pour voir la belle-famille. Je suis associé dans un groupe de restauration là-bas avec un autre Breton. Je parle couramment espagnol depuis de nombreuses années et au-delà de ça, j’ai appris à aimer ce continent, parce que ma femme en est originaire, mais pas seulement. La passion du football qu’il y a, la ferveur, c’est génial. J’ai toujours fait du foot pour la ferveur, en Amérique du Sud je suis servi. Je ne sais pas si vous le savez, mais le Breton est très voyageur, on en rencontre partout.

Dans la famille Didot, en fait, on parle surtout espagnol ?D’ailleurs mes filles se moquent de mon accent quand je parle ! On parle espagnol régulièrement entre nous. Je me suis aussi ouvert à d’autres aspects de la culture sud-américaine, même si j’ai dû me forcer un peu au départ. J’ai lu pas mal de livres, vu des films en espagnol pour progresser. Même s’il n’est pas chilien, mais brésilien, j’ai lu L’Alchimiste de Paolo Coelho en espagnol, j’ai lu des choses pour m’ouvrir à la langue espagnole.

Comment toi et ta famille vivez la situation actuelle du Chili ?

Actuellement, beaucoup de gens posent le même type de questions à ma femme, on lui demande si sa famille est en sécurité ou non. Pour le coup, c’est plus chaud au Chili que cela ne l’était en France, la population a craqué et ne veut plus tolérer les inégalités.

Je me rends compte que ma femme vit la situation comme moi j’ai vécu la période la plus difficile des Gilets jaunes. À cette époque, je recevais plein de messages d’amis à l’étranger qui me demandaient si c’était la guerre civile en France. C’est l’image que les gens pouvaient avoir de l’extérieur. Actuellement, beaucoup de gens posent le même type de questions à ma femme, on lui demande si sa famille est en sécurité ou non. Pour le coup, c’est plus chaud au Chili que cela ne l’était en France, la population a craqué et ne veut plus tolérer les inégalités. Au niveau politique, le Chili était l’un des pays les plus solides d’Amérique du Sud. Mais le coût de la vie rend la vie difficile, l’État doit faire mieux pour que les gens vivent bien.

Cela pourrait remettre en question ton projet de vie ?Pas du tout, au contraire. Même si c’est difficile, qu’il y a des problèmes, je ne vais pas changer de projet de vie. Les Bretons sont voyageurs, mais aussi têtus, j’espère simplement que les choses vont rentrer dans l’ordre. La famille de mon épouse sera ravie de nous voir, ce sera une bouffée d’oxygène. On continue de préparer ce départ petit à petit.

Comment ton projet professionnel, pas forcément comme agent, mais plutôt comme intermédiaire, a-t-il pris forme dans ton esprit ?

J’ai vite pensé à l’aspect hors terrain, j’ai toujours aimé les négociations. La préparation des rendez-vous, des discussions, j’ai toujours aimé.

Beaucoup d’entraîneurs en pro me disaient que j’allais devenir entraîneur aussi. Plus on me le disait, plus je trouvais que ce n’était pas pour moi, car la relation entraîneur/joueur peut être pesante au quotidien. Et c’est un job où tu repars sur le même rythme que la carrière de joueur, avec un maximum de pression. J’avais envie d’autre chose, notamment de voyager et d’être plus libre. Mais avec l’envie de rester dans le monde du football. Donc j’ai vite pensé à l’aspect hors terrain, j’ai toujours aimé les négociations. La préparation des rendez-vous, des discussions, j’ai toujours aimé. C’est dérangeant, en France, l’image que l’on a des agents et intermédiairesn: on ne parle que des gens qui font des choses pas claires, mais pas de ceux qui bossent bien. J’aimerais bien aussi redorer ce blason.

Tous ces aspects qui semblent te plaire, on dit en général que c’est ce qui gonfle le plus les joueurs…Tout est fait pour que les joueurs se déresponsabilisent, ce n’est pas forcément négatif, mais il y a tellement de structures pour les aider que les joueurs, parfois, n’ont pas besoin de s’occuper de certaines choses. L’avantage, c’est qu’ils peuvent se concentrer sur le terrain. Mais il y a moyen de leur faire piger, de leur expliquer un peu plus pour qu’ils soient plus responsables. Pourquoi j’aime ça ? Peut-être parce que je suis un fils de commerçant, mes parents tenaient un bistrot à Paimpol. J’aime le football, j’aime le contact humain, j’ai toujours aimé communiquer avec mes dirigeants, j’ai toujours été à l’aise dans cet aspect. Mais certains joueurs ont besoin d’être focus à 300% sur le terrain.

Par rapport à ce que tu as vu de tes agents (Pierre Frelot et Stéphane Courbis, N.D.L.R.), comment définirais-tu ce métier ?

L’intérêt de la présence de l’agent, c’est de prendre en main les négociations pendant que le joueur s’efforce d’être performant sur le terrain. Quand il y a des désaccords, c’est lui qui fait le tampon entre le joueur et le club.

L’agent doit déjà s’adapter à son joueur, au club dans lequel il évolue. Certains joueurs ont besoin d’une présence régulière. Moi, ce n’était pas ça, j’avais mon agent au téléphone quand il était l’heure de négocier un contrat. Ou quand il y avait un changement de club, donc pas souvent dans mon cas. (Rires.) L’intérêt de la présence de l’agent, c’est de prendre en main les négociations pendant que le joueur s’efforce d’être performant sur le terrain. Quand il y a des désaccords, c’est lui qui fait le tampon entre le joueur et le club. C’est simplement pour cela que j’avais besoin de mon agent. Il est là pour essuyer les plâtres. Certains autres joueurs veulent avoir leur agent au téléphone au quotidien pour les appeler après les matchs, les rassurer… Chacun a ses besoins, moi le maximum c’était une discussion par mois au téléphone.

Quels sont les avantages que procure ton passé de footballeur pour ce métier ?

Mon temps d’avance concerne le terrain, j’ai du retard sur certains à propos des aspects juridiques, mais je pense que ce que je connais déjà est plus fort : je connais les pratiques, j’ai un réseau, les gens connaissent ma carrière. Et j’ai une image de joueur crédible, sérieux.

Ma connaissance du milieu tout simplement. La licence c’est bien, mais je ne me suis pas mis en tête de travailler avec des joueurs. Mon idée, c’est plutôt d’être un intermédiaire qui rapproche les clubs et les joueurs. Je vais peut-être détecter des joueurs qui auront déjà un agent. Je ne ferme aucune porte, je pars en Amérique du Sud, je travaillerai avec des clubs ou des joueurs selon les opportunités. Il n’est pas impossible que je sois souvent en France si je me suis rapproché de joueurs ici… Mon temps d’avance concerne le terrain, j’ai du retard sur certains à propos des aspects juridiques, mais je pense que ce que je connais déjà est plus fort : je connais les pratiques, j’ai un réseau, les gens connaissent ma carrière. Et j’ai une image de joueur crédible, sérieux. Mais cela ne durera qu’un temps, si je ne fais qu’apporter des joueurs bidons aux clubs avec lesquels je travaille, ma crédibilité ne dépassera pas les six mois. Mais je profite de ma formation pour acquérir toutes les notions que je ne connais pas sur le droit du travail, le droit de la sécurité sociale… C’est très poussé, j’essaie d’en engranger un maximum.

Depuis que tu as arrêté, tu cours beaucoup. La reconversion, c’est aussi prendre soin de son physique ?C’est primordial. Ma femme m’a dit de prendre l’air, de courir, car je suis hyper actif, et de ne rien faire, cela me stresse. J’ai recroisé l’ancien préparateur physique de Guingamp, Michel Dufour, il y a peu, quand il a su que je courais beaucoup, il a rigolé. Pendant ma carrière, je gueulais à chaque fois qu’il fallait faire un footing. Maintenant, je sais pourquoi je le fais : pour être bien dans mon corps, actif. Quand je ne cours pas, je ne suis pas bien. Avant, les exercices sans ballon, je détestais ça.

Quel type d’agent ou intermédiaire sera Étienne Didot ? Plutôt Mino Raiola ou Jorge Mendes ?(Rires.) Je ne me vois pas du tout dans un rôle comme celui-là, je n’ai pas cette ambition. Moi, je veux rester dans le monde du football, y durer, tout en ayant une vie de famille heureuse.

La vraie vie commence maintenant pour moi : il faut se bouger, rencontrer des gens, faire ses preuves, se former, ne pas avoir peur de repartir d’en bas pour certains points. Je n’ai aucune difficulté à me remettre en question et repartir de zéro.

Je n’ai pas envie d’être médiatique ou important, je souhaite surtout bien travailler, me donner à fond. Je n’ai pas réussi dans le foot grâce à mon talent, mais parce que j’ai toujours réussi à donner le maximum et à m’accrocher. Là, je voudrais continuer pour aider les joueurs et les clubs, trouver de bons joueurs pour des clubs français. Je veux durer sans forcément être exceptionnel. Je veux une carrière d’agent ou intermédiaire à la hauteur de ma carrière de joueur. Moyen plus, c’est déjà pas mal. Quand on est footballeur professionnel, on vit sur une autre planète. On n’a pas des rapports de travail normaux, on vit une situation exceptionnelle pendant un certain temps. La vraie vie commence maintenant pour moi : il faut se bouger, rencontrer des gens, faire ses preuves, se former, ne pas avoir peur de repartir d’en bas pour certains points. Je n’ai aucune difficulté à me remettre en question et repartir de zéro. Je suis très excité à l’idée de tourner cette page, que cela fonctionne ou pas. Les premiers jours post-carrière, l’arrivée à Pôle Emploi, l’inscription à une formation… cela ne m’a pas effrayé, car je m’y étais préparé. Quand on est joueur, on gagne très bien sa vie, mais je savais que cela s’arrêterait.

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Propos recueillis par Nicolas Jucha

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