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Et si Valérie Trierweiler était…
Comment analyser ce symptome du mal-être hexagonal qu'incarne le livre de Valérie Trieweiler, Merci pour ce moment ? Ce succès d'édition, écrasant tout sur son passage, a même réussi à occuper la place de l'habituel « essai politique » du moment. Entre voyeurisme élyséen et règlement de compte aldutérin, il propose au final une certaine vision de la France de François Hollande. Et c'est pas beau à voir. Mais que cela aurait-il donné dans le foot ?
Un footeux : Wayne Bridge
Renoncer à une sélection nationale pour cause de tromperie. Voilà le coup du sort qui s’est abbattu sur ce brave Wayne Bridge, lorsqu’il découvrit que son pote John Terry avait fricoté avec son ex-femme, française de surcroit, Vanessa Perroncel. Laissons aux spécialistes le plaisir de gloser ad vitam eternam afin de déterminer ce qui s’avère le plus classe, entre séduire un mannequin lingerie ou aller rejoindre tard le soir sur un scooter une actrice de seconde zone pour comédie TNT. Il n’empêche que la symétrie est frappante. Tout cela ramène à la triste réalité de nos sociétés modernes hyper-individualisées, sorte de bascule civilisationnelle si chère au grand sociologue Karl Polanyi. Le privé a largement pris le pas sur le dévouement aux autres. Plus aucune grande cause ne justifie de laisser ses déceptions émotionnelles au placard. Valérie Trieweiler ne sera donc pas Danielle Mitterrand, se sacrifiant pour l’honneur de la gauche, encore moins Bernadette Chirac, se taisant par sens du devoir bourgeois. De même, tout international qu’il était, désigné pour défendre son pays sur les pelouses de la Coupe du monde, Wayne n’en restait pas moins un homme meurtri dans sa douleur. Nos deux victimes ne pouvaient passer l’éponge. Tant pis pour l’histoire…
Un club : le SCO d’Angers
Il faut rendre hommage aux origines modestes et angevines – elle en parle suffisamment pour ne pas les oublier – de l’ancienne et éphémère Première dame. Les « sans-dents » de la famille « pas jojo » de Valérie seraient l’une des causes de la rupture, aussi bien personnelle que politique, entre les deux amants. Comme si, d’un coup, la fracture sociale de 95 (ou la lutte des classes du Front Pop) s’était invitée dans le couple. Un gap social un peu à l’image du football modeste, humble, sans éclat, mais patrimonial du SCO. Un club qui rêve de grandeur, mais se retrouve toujours renvoyé, aussi bien sapé et éduqué soit-il, à son statut provincial et populaire. Il existe quelque chose qui renvoie aux désillusions d’une France laborieuse et « périphérique » , ayant gardé la foi dans une méritocratie républicaine dont la réalité semble se briser un peu plus au rythme des scandales. Et ceux qui se cognent le front sur le plafond de ces élites sont, par la suite, de plus en plus refermées sur elles-mêmes. Demandez donc aux joueurs de Luzenac ce qu’ils en pensent…
Une décision arbitrale : le lever de drapeau
La faute a été commise. Le temps est suspendu. L’arbitre central n’a pas le courage de se décider seul, entouré de la pression inamicale des joueurs. Il n’a toujours pas la possibilité de recourir à la vidéo pour se décharger de ses responsabilités. Alors, il tourne son regard vers la ligne de touche. En attendant de découvrir si son assesseur a levé, ou non, son drapeau. Histoire de confirmer ce que tout le monde savait, et que son coup de sifflet puisse enfin sanctionner, voire être sacralisé en décision finale. Toute la France s’est donc ruée dans les librairies pour vérifier et contrôler dans le bouquin de Valérie ce qu’elle savait déjà, ce qu’elle avait pu observer pendant des mois. Car cette France avait visiblement besoin que quelqu’un, paraît-il mieux placé pour suivre l’action, lui signale à quel point François Hollande était hors-jeu.
Un mythe du football : le traître de Knyssa
Certes, tout le monde connaît le nom du coupable. Toutefois, voilà bien quelqu’un qui aurait trahi le secret d’une forme d’intimité qui servait en quelque sorte de garde-fou à l’institution. Qu’il s’agisse de la tour d’ivoire du vestiaire, quoi qu’il puisse s’y passer, ou de l’entre-soi de la vie de couple, même celle du plus haut dignitaire de l’État, un verrou a sauté. Parce qu’il est peut-être illusoire d’imaginer arriver à de tels « sommets » et d’y conserver ses secrets alors que toute l’attention est concentrée et tournée vers vous, que les moindres phrases prononcées peuvent vite faire le buzz ou entrer dans l’histoire (selon son point de vue). Patrice Évra a dû envoyer un snapchat de soutien à François Hollande…
Une émission : Téléfoot
Nous n’avons pas les images, mais vous saurez tout. Nous sommes toujours là, mais notre époque est bel et bien révolue. Vous pensiez ou rêviez que la politique s’écrivait toujours dans L’Express ou Paris Match, sur papier glacé, le choc des images et le prix Pulitzer du journalisme. L’impression que les affaires du pays sont sérieuses, se conjuguent entre grandes références littéraires ou philosophiques (cf. le premier mari de Valérie Trierweiler) et le vertige des petites phrases qui laisse entrevoir le charivari de ce monde. Tout comme le foot gratuit sur la télé de service public, dans sa rareté et sa dimension de rendez-vous hebdomadaire, octroyait un peu de solennité à cette banale question de ballon rond. Mais désormais, pour comprendre ce qui fait avancer nos dirigeants, il faut davantage scruter la presse people et suivre les clashs sur les réseaux sociaux. La journaliste en a fait l’amère expérience le temps d’un petit message de soutien sur Twitter. C’est désormais ici que le théâtre du monde, de leur monde, se déroule. Pierre Ménès y pèse autant que lors de ses interventions au CFC. L’émission de TF1 reste un vestige, certes attachant mais désuet, de notre passé. François Hollande aurait peut-être dû choisir une présentatrice d’I-télé. Pour s’éviter le choc culturel.
Par Nicolas Kssis-Martov