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Et si Sergio Ramos n’avait pas surgi à la 93e ?
À deux minutes près, la dernière finale de la C1 aurait pu basculer côté colchonero et renvoyer le Real Madrid à ses chères études dans la quête d'un dixième trophée. Alors que serait-il advenu pour les ennemis madrilènes si Sergio Ramos avait foiré sa tête de la dernière chance et permis à l'Atlético de Simeone de signer un doublé retentissant ?
Mai 2014
24 mai 2014, 22h32. L’Estadio Da Luz de Lisbonne étouffe. L’Atlético mène 1-0, il reste deux minutes à jouer et un corner à frapper pour Luka Modrić. Le ballon du Croate s’élève dans les airs avec puissance. Figés, les Rojiblancos voient débouler puis s’élever Sergio Ramos. Le coup de tronche du n°4 est d’une telle violence qu’après avoir fracassé le montant, il revient pile sur l’immense nez de Thibaut Courtois et ressort, avant d’être dégagé à 80 mètres de là par Godín. Le pif cassé et en sang, le Belge devient le héros de la soirée et lève les bras tel un Rocky amoché au coup de sifflet final. Toute la Maison Blanche s’effondre face à cette malédiction nommée Décima, pendant que les supporters de l’Atlético chantent à tue-tête « Todo ha cambiado » , cantique annonçant la fin de la hype Real, lorsque Gabi brandit la coupe. En conférence de presse, Diego Simeone, complètement décoiffé et débraillé après son bain de foule, dédie cette victoire à Luis Aragonés et à la génération de l’Atlético passée à une minute d’un succès face au Bayern tout juste 40 ans plus tôt. De son côté, CR7 est pris sur le fait par les caméras dans les bras d’Irina Shayk, descendue de sa tribune, se fendre d’un tonitruant : « Pourquoi je joue dans une équipe de merde pareille… »
Été 2014
Mauvais joueur toujours, Chelsea choisit, pour des questions d’image et d’assurance, de laisser une saison de plus Courtois en Espagne, au vu de son nez bien amoché qui l’oblige à porter un masque de protection. Le n’importe quoi festif se poursuit chez les Colchoneros. L’image, le président Enrique Cerezo joue avec. Après la finale de la Coupe du monde perdue par l’Espagne face à l’Allemagne après une glissade de Casillas devant Miroslav Klose, San Iker devient le mouton noir. Cerezo appuie là où ça fait mal et fait un chèque à la Lazio pour faire signer le buteur d’origine polonaise. Au culot. Avant que Griezmann, David Silva et Azpilicueta ne le rejoignent. De son côté, le Real Madrid panse ses plaies et pleure sur son sort, Cristiano Ronaldo ayant accepté de signer à Paris pour 148 millions.
N’ayant pas digéré le pied de nez de Klose, Florentino Pérez réinvestit, non sans arrière-pensée, en acquérant Sergio Agüero, puis deux Bavarois champions du monde, Philip Lahm et Toni Kroos. Khedira fait le chemin inverse. La presse pro-Real est pleine d’optimisme pour la revanche en Supercoupe d’Espagne et titre : « La BBC n’est plus, ABBA va les faire chanter » . Sauf qu’avec sa flopée de mondialistes revenus tard de leurs péripéties brésiliennes, le onze d’Ancelotti est tout sauf au point. Après le gain de la Supercoupe d’Europe face à Séville grâce à Koke et Gabi, deux coups de tête de Godín en 180 minutes font poursuivre le n’importe quoi festif de l’Atlético. Buteur dans son ancien jardin, le Kun se prend une pomme pourrie des tribunes en pleine poire en voulant le célébrer. Real-Atlético, une rivalité qui pend au nez de tous.
Septembre 2014
Après deux journées poussives en Liga, les deux clubs de la capitale se retrouvent à Bernabéu pour une bagarre de rue. Ramos est infect, comme amer de tout ce qui arrive à son Real depuis sa tête ratée d’un rien. L’Espagnol se fait exclure à l’heure de jeu pour avoir agrippé et arraché des cheveux à Antoine Griezmann après un léger contact. Aldo Raines likes this. Aussi hystérique, El Cholo Simeone est chiffré par l’institut de stat’ Opta à 8 km parcourus à la 80e, pendant qu’Ancelotti, devant tant de cartons sortis, a le sourcil plus circonflexe que jamais. Un sourcil qui cesse de se déformer à la 88e, après le but libérateur de Bale, opportuniste après une frappe de Benzema contrée par le front de Courtois, passé à deux doigts de moucher rouge une nouvelle fois.
Taquin, Ancelotti félicite Bale : « Je pense que dans le football, il faut sentir le coup, avoir du flair. » Dès lors, les deux machines se mettent en marche et débutent en fanfare en C1. Comme si la Ligue des champions agissait telle de la kryptonite. En Bulgarie, à Ludogorets, le Real est salué par Hristo Stoichkov après le match, venu superviser son prochain adversaire en championnat avec le CSKA Sofia. L’adjoint d’Ancelotti, Fernando Hierro, son adversaire dans les nineties, n’aime pas cette fausse courtoisie : « Hristo, je pense que quand on mettra les cons sur orbite, t’as pas fini de tourner… » Vexé, le Ballon d’or 1994 lui promet l’enfer pour le Clásico du 25 octobre. Bulgare à toi, Fernando.
Octobre 2014
Avant d’accueillir le Barça le 25, le Real empile en championnat contre les équipes de seconde zone, mais prend un avertissement contre Liverpool en ramenant le nul à l’ultime minute grâce à une toile de Mignolet. Coquin malgré son match bof, Agüero se rappelle à ses heures mancuniennes et tweete à David Silva : « Toujours aussi bonne, année après année, cette blague belge. » Mais la meilleure blague est à venir. Le premier Clásico à Bernabéu offre la possibilité au Real de passer devant le Barça et de recoller à l’Atlético en tête. Comme d’hab’ ou presque, le duel peut virer au mélodrame à chaque instant, surtout avec l’épisode Stoichkov. Avant la pause, sur un ballon poussé trop loin par Lahm devant les bancs de touche, Busquets vient couper et surprend son monde en envoyant une mine sur Hierro. Un regroupement s’opère, avec Ramos et Pepe en première ligne, loin d’un Messi stoïque. Une fois tout le monde replacé, mais pas complètement concerné, la Pulga signe un slalom qui met à l’amende quatre défenseurs, avec petit pont sur un Ramos ayant tenté d’attraper sa tignasse en vain, pour le but de l’année et de la victoire. De quoi bien fêter Halloween côté matelassier, avec une petite soirée costumée collective. Mais le petit selfie de groupe enflamme un peu plus les rives du fleuve Manzanares. Patriotisme oblige, Diego Godín est grimé en cannibale. Diego Simeone la joue Sopranos. Mais le plus drôle est dans le coin droit de la photo, avec un Cristian Rodríguez se prenant pour le sosie de Messi, muni d’une faux, d’où pend un morceau de tissu blanc où on peut lire Bwin. Aussi prémédité qu’un tacle d’Andoni Goicoechea.
Novembre-décembre
Karim Benzema plante sa deuxième Lamborghini cinq ans après l’épisode réunionnais de 2009, après avoir perdu un face-à-face à l’entraînement avec Casillas, pourtant toujours en dépression depuis sa toile à Rio. Blessé, le Français est quitte pour laisser la pointe de l’attaque jusqu’à la trêve à Agüero et Di María, sous-utilisé jusqu’alors. Les adversaires lèvent la main tellement ça va vite. Quatre buts dans la musette de Liverpool, cinq pour le Rayo, Eibar, Bale et encore quatre contre Málaga. Un rythme hyper soutenu que tient presque l’Atlético en novembre. Mais en Ligue des champions, l’excès de confiance est palpable. Après un nul miraculeux obtenu à Malmö, où Klose égalise et se péte le poignet en foirant son salto sur la pelouse gelée, los Indios se font punir à domicile par l’Olympiakos.
Leur coach Michel, de la grande Quinta del Buitre, n’est pas peu fier de ce coup mettant l’Atlético dans de beaux draps avant un match décisif au Juventus Stadium : « Diego Simeone avait dit que son groupe avait des couilles. On le saura très vite. » Une phrase qui sonne comme une prédiction. Torpillés 3-0 par Pogba, Vidal et Tévez, Courtois et les siens se retrouvent en C3. L’occasion pour le portier des Diables rouges de marcher un peu plus vers la cage de Chelsea, qui avait fait aussi un doublé de coupes européennes. La fin d’année est tout de même plus rose, avec le succès en Coupe du monde des clubs face à San Lorenzo (3-1). Beau joueur, Enrique Cerezo se veut rassembleur. Ou pas : « Un grand bravo à nos amis argentins pour leur super parcours. Preuve que c’est une grande nation de football, les équipes d’Europe n’arrivent pas toujours à les battre. » Palermo, Riquelme et le Boca Juniors de Bianchi, tombeurs du Real en 2000, apprécieront. Le Real est quand même sacré champion d’automne, l’Atlético est lui champion du monde… et de la provoc’.
Arnaud Clement