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Et si on prenait enfin la Suisse au sérieux ?

Par Emile Gillet
Et si on prenait enfin la Suisse au sérieux ?

En l’espace de quelques mois, la Nati a éliminé le champion du monde de l’Euro, puis sorti le champion d’Europe de la course au Mondial. Deux exploits majuscules qui prouvent une chose : non, la Suisse n’est pas un peuple de gentils. Ce sont des mercenaires balle au pied, capables de se faire n’importe quelle équipe grâce à une unité et un travail très sérieux. Ils ont été sous-estimés à deux reprises, il ne faudra pas être surpris la troisième fois.

Synapse (nom féminin) : zone située entre deux neurones et assurant la transmission des informations de l’un à l’autre. Il a beau y avoir autant de cerveaux que d’êtres humains différents sur Terre, on a tous des impressions de déjà-vu à cause de ces foutues synapses. Par exemple : la Suisse qui se paie une des toutes meilleures équipes du monde, on aurait parié l’avoir déjà vécu dans l’été. Et pourtant, beaucoup sont restés surpris – pour ne pas dire choqués – quand les Helvètes ont atomisé la Bulgarie (4-0), éjectant les Italiens en barrages pour la prochaine Coupe du monde. L’Euro 2020 n’a donc servi de leçon à personne : la Suisse du foot est tout sauf neutre, lisse ou lente. Elle est dangereuse, et personne n’est à l’abri.

James Bond dans le corps de Oui-Oui

Lundi soir, avant le coup d’envoi de leur dernier match de qualification pour la Coupe du monde, les Italiens savaient ce qu’il en était : leur destin était entre leurs pieds, pour peu que la Suisse n’en colle pas deux de plus aux Bulgares. L’explication était limpide, et peu nombreux étaient ceux qui voyaient les Transalpins se ranger sur le bas-côté avec le Portugal. Eux les premiers ne se sont pas assez méfiés des Suisses, pourtant sur une excellente dynamique. Après avoir posé de très gros problèmes aux Italiens et obtenu un nul précieux grâce à un Jorginho désormais en délicatesse dans l’exercice des penaltys, ils devaient rééditer face à la Bulgarie le match de l’aller (3-1 avec trois buts marqués aux 7e, 10e et 13e minutes). Le plan du sélectionneur Murat Yakın ( « Nous devons être courageux, aller de l’avant, mettre de la pression et être efficaces » ), bien que perturbé par un bloc très compact en première période, a fini par être suivi à la lettre. Bilan : six pions marqués dans le second acte, dont deux refusés pour hors-jeu. Les Helvètes auraient pu se démobiliser à ce moment-là, mais ils ont préféré appuyer sur l’accélérateur dans le temps additionnel pour se prémunir d’un éventuel but italien. 4-0, une victoire avec panache signée d’un S qui veut dire Sous-estimés.

Xherdan Shaqiri et Omar Sy

Est-ce que cette qualification directe pour le Mondial y changera quelque chose ? Si l’on s’en réfère aux mots du sélectionneur italien Roberto Mancini, le doute est permis : « Je suis déçu, parce qu’on s’est compliqué la vie dans un groupe qui aurait pu être bouclé il y a deux matchs au moins. » Encore une fois, pas un mot sur l’adversaire suisse qui s’est pourtant montré meilleur et plus constant dans le groupe, mais surtout plus stratège lors des confrontations directes. Les raisons à cela sont nombreuses. Déjà, leur cri d’encouragement « Hop Suisse », éminemment plus ridicule qu’un « Allez les Bleus », « Vamos España » ou « Andiamo Italia ». Ensuite, l’absence de star dans le onze. Xherdan Shaqiri, qui vient de souffler sa centième bougie en sélection, a beau être un joueur imprévisible, il est loin de porter sa sélection comme Erling Haaland ou Zlatan Ibrahimović.

Oui, mais voilà, c’est précisément avec ce genre d’effectif dont on ne peut ressortir aucune individualité que l’Italie a gentiment avancé ses pions jusqu’à remporter l’Euro. Une vraie équipe, voilà ce qu’est la Suisse. Quand Murat Yakın a repris le flambeau de Vladimir Petković à la rentrée, il a trouvé un collectif capable d’abandonner sans sourciller son immuable dispositif à trois défenseurs pour passer à un 4-2-3-1 plus équilibré. Depuis, les Suisses n’ont encaissé qu’un but en match officiel. Au total, ils n’ont récupéré le ballon dans leurs filets qu’à deux reprises lors de ces qualifs, soit autant que l’Italie, meilleure défense de l’exercice. En tous points, les Helvètes n’ont rien à envier aux Italiens sur cette campagne. En fait, cette Nati ressemble un peu à Omar Sy et Arsène Lupin : vous l’avez vue, mais vous ne l’avez pas regardée.

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