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Et si on laissait enfin Olivier Giroud tranquille ?
Le Gunner est encore et toujours convoqué en équipe de France, en dépit de son temps de jeu réduit à Arsenal et de la forme étincelante d’Alexandre Lacazette à Lyon. Une aberration pour certains. Un choix tout à fait logique, pourtant, du point de vue d’un sélectionneur comme Didier Deschamps. Voici venu le temps de la plaidoirie d’Olive.
Le dernier point de désaccord entre Deschamps et le public
C’est devenu un running gag sur les réseaux sociaux, à l’annonce de chaque nouvelle liste de Didier Deschamps : sans surprise, contre vents et marées, le nom d’Olivier Giroud figure systématiquement parmi celui des attaquants, et ça semble pourtant étonner tout le monde à chaque fois. Le 16 mars dernier peut-être plus encore que les fois précédentes… La convocation de l’ancien Montpelliérain occulterait presque l’arrivée à Clairefontaine du prodige Kylian Mbappé, lequel a réussi en quelques semaines ce qu’Olivier Giroud n’est jamais parvenu à faire en six ans sous le maillot bleu, malgré des prestations et des statistiques plus que convenables : mettre tout le monde d’accord à son sujet.
La sélection de l’attaquant d’Arsenal en équipe de France suscite toujours autant d’incompréhension de la part du public et d’une partie des observateurs. C’est même le seul choix de Didier Deschamps qui prête encore véritablement à débat aujourd’hui : celui qu’on accusait volontiers d’être trop porté sur la défense a fait taire la plupart des critiques en emmenant des Bleus séduisants jusqu’en finale de l’Euro, et a poursuivi sur sa lancée en réalisant un excellent début de parcours lors de la phase de qualification pour la prochaine Coupe du monde (trois victoires et un nul). Ceux qui doutaient qu’il soit le sélectionneur approprié pour laisser s’exprimer le formidable potentiel offensif de la jeunesse tricolore ont été rassurés par les convocations de Kingsley Coman et de Nabil Fekir hier, puis de Thomas Lemar, d’Ousmane Dembélé et de Kylian Mbappé aujourd’hui.
Bref, si Didier Deschamps, malgré son parcours et ses succès, a toujours dû faire face à bon nombre de détracteurs, il est devenu à peu près indiscutable à la tête des Bleus (déjà, à la veille de l’Euro, un sondage révélait qu’il avait le soutien de 80% des Français). Et si tout le monde lui fait confiance pour mener la barque de l’équipe de France à bon port en Russie, pourquoi sa volonté de renouveler la sienne à Olivier Giroud poserait-elle donc problème ?
La place d’un autre
Il faut bien avouer que sur le papier, la légitimité d’Olivier Giroud à figurer sur la liste des meilleurs attaquants du pays n’a jamais été aussi contestable. Après un faux départ en début de saison, la faute à une blessure subie à l’automne, le Gunner ne compte que sept petites titularisations et huit buts en Premier League (onze toutes compétitions confondues). Arsène Wenger lui préfère désormais Alexis Sánchez, voire Danny Welbeck en pointe. Pourtant, même en difficulté en club, Giroud bénéficie toujours de la confiance de son sélectionneur. C’est le cas aujourd’hui, et c’était déjà le cas au mois d’octobre dernier, alors qu’il revenait de blessure et que sa place de titulaire à Londres était déjà contestée. Deschamps déclarait alors : « Qu’il ne soit pas à 100%, je le sais, il le sait aussi. Je sais aussi ce qu’il peut nous apporter. […] Il a eu une remise en route un peu difficile, mais à partir du moment où il est rétabli, c’est logique qu’il soit là. »
Oui, mais voilà : ce qu’on reproche en réalité à Olivier Giroud, c’est de voler la place d’un autre, qui mériterait davantage, apparemment, de revêtir la tunique bleue. L’an dernier, « l’autre » en question était Karim Benzema, indiscutablement l’un des meilleurs attaquants de pointe de sa génération, composant au Real Madrid un trio offensif de rêve avec Cristiano Ronaldo et Gareth Bale, et dont l’entraîneur, un certain Zinédine Zidane, milite corps et âme pour son retour en équipe de France : « Karim est le meilleur joueur français actuel. Son retour en équipe de France pourrait être un plus pour lui comme pour les Bleus.[…]Karim attend ça depuis très longtemps, parce qu’il a envie de jouer avec l’équipe de France. » Même s’il a essuyé quelques critiques de la part des supporters madrilènes après une première partie de saison médiocre (seulement 8 buts en Liga pour le moment), Benzema attend son retour en Bleu depuis que Noël Le Graët l’a déclaré de nouveau « sélectionnable » en octobre dernier. Sauf que Didier Deschamps ne l’a toujours pas rappelé…
La nouvelle « victime » de la convocation de Giroud s’appelle Alexandre Lacazette, lequel réalise une saison étincelante avec l’Olympique lyonnais (22 buts en Ligue 1, 26 toutes compétitions confondues) et vient de se qualifier pour les quarts de finale de la Ligue Europa. Un état de forme qui justifiait sans nul doute un retour en Bleu pour celui qui n’a plus mis les pieds à Clairefontaine depuis octobre 2015… D’ailleurs, même Didier Deschamps en convient : « Il fait ce qu’il faut. J’ai des choix à faire, et j’ai fait des choix différents.[…]Alex est performant, il marque toujours autant de buts… C’est un choix très difficile. Je ne peux que l’inciter à continuer comme ça, même s’il doit être déçu aujourd’hui. » Tout le monde est d’accord là-dessus, même Didier Deschamps : Benzema et Lacazette ont fait tout ce qu’il faut pour prétendre à une place en équipe de France. Ils ont même le droit de percevoir comme une injustice le fait de ne pas avoir reçu de convocation. Cela ne signifie pas pour autant qu’Olivier Giroud n’a pas mérité la sienne.
Il y a méprise sur le travail du sélectionneur
Doit-on vraiment rappeler qu’Olivier Giroud n’a jamais déçu en équipe de France ? Il semblerait… Sous le maillot tricolore, il affiche un bilan de 21 buts inscrits en 59 sélections, qui n’a rien à envier à celui de Karim Benzema, auteur de 27 buts en 81 capes (le Gunner a donc une moyenne de buts par match supérieure au Madrilène, 0,36 contre 0,33). Des statistiques qui ne l’ont pourtant pas empêché d’être contesté et même sifflé lors des matchs de préparation à l’Euro 2016, parce que le public aurait préféré voir Hatem Ben Arfa à sa place parmi les 23… Et rien n’a vraiment changé aujourd’hui pour Olivier Giroud, malgré de très belles prestations lors du tournoi en France : trois buts inscrits et une complémentarité évidente avec Antoine Griezmann. Les deux compères ont planté la bagatelle de 9 buts à eux deux pendant l’Euro, et s’épanouissent plus que jamais grâce à cette association.
Le métier d’un sélectionneur n’a jamais été et ne sera jamais de sélectionner les 23 footballeurs les plus talentueux du pays. La mission de Didier Deschamps est de bâtir un groupe cohérent et équilibré, et de composer l’équipe qui a le plus de chances selon lui de remporter la Coupe du monde en Russie. Voilà sa seule préoccupation. En 1996, Aimé Jacquet a bien décidé de se passer des services d’Éric Cantona à la veille d’un championnat d’Europe, parce que ce dernier ne souhaitait pas endosser le rôle d’attaquant de pointe que le sélectionneur désirait lui confier. Deux ans plus tard, la France était championne du monde.
Olivier Giroud n’est sûrement pas dans la forme de sa vie, mais la France compte-t-elle beaucoup d’autres attaquants présentant le même profil de « pivot » ? Un rôle particulièrement cher aux yeux de Didier Deschamps, dont on se rappelle qu’il a été champion de France aux commandes de l’Olympique de Marseille avec Brandão à la pointe de l’attaque – lui aussi très critiqué à l’époque et pourtant décisif dans la course au titre. Alexandre Lacazette peut-il jouer ce rôle aujourd’hui ? Non, et son talent – indiscutable – n’a rien à voir là-dedans. À la rigueur, Karim Benzema pourrait quant à lui correspondre au profil recherché, lui qui s’est épanoui dans un rôle de pourvoyeurs de ballons pour ses compères d’attaque au Real… Mais l’équipe de France sans Karim Benzema a réalisé un superbe parcours à l’Euro et a parfaitement lancé sa campagne pour la prochaine Coupe du monde. Quel intérêt, alors, de bouleverser l’équilibre de l’effectif en choisissant de rappeler le Madrilène, ce qui ne manquerait pas d’engendrer de multiples polémiques ?
Et si on arrêtait tout simplement de questionner le statut d’Olivier Giroud en équipe de France à chaque rassemblement ? Et si on se rappelait que l’autre joueur « mascotte » de Didier Deschamps, contesté lui aussi avant le début de l’Euro, s’appelait Moussa Sissoko, et qu’il a été l’un des Français les plus en vue lors du tournoi ? Et si on se contentait de dire, finalement, qu’Olivier Giroud n’a jamais déçu sous le maillot de l’équipe de France, et qu’il mérite autant que les autres d’y conserver sa place ? Oui, Olivier Giroud mérite l’équipe de France. Sans doute même parfois davantage que son public…
Par Julien Mahieu