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Et si on cessait de complexifier le football ?

Par William Pereira
Et si on cessait de complexifier le football ?

Le football est un jeu qui se joue à 11 contre 11 et à la fin c'est l'Allemagne qui gagne. C'est pourtant si simple. Pourtant, depuis l'apparition des premières palettes tactiques à la télévision, on n'a de cesse de complexifier et d'intellectualiser ce sport pour rien en omettant des données très simples.

Elles sont partout. Avant le match, à la mi-temps, après le coup de sifflet final et parfois même le lendemain dans des émissions qui leur sont totalement dédiées, si bien qu’il est devenu presque impossible de les éviter. Elles, ce sont les palettes tactiques, caractérisées par leurs traits, cercles, flèches et pointillés de différentes couleurs. Elles sont censées expliquer au spectateur comment telle action ou tel but s’est construit, souvent en affirmant que c’était inévitable. Elles paraissaient sympathiques quand elles ont débarqué à la télévision. Et elles l’étaient, car leur apparition rimaient avec compréhension. Tous les petits détails, toutes les subtilités dans le positionnement des joueurs qui nous échappaient nous étaient à présent accessibles. Mais ces mêmes palettes et autres analyses tactiques d’un seul moment – elles dépassent rarement la minute – ont profité de leur crédit pour nous envahir. Elles occupent désormais tous les médias. À tel point qu’elles sont aujourd’hui présentes même quand on n’a pas besoin d’elles.

Ainsi, beaucoup de spécialistes se sont sentis obligés d’expliquer avec des gribouillis colorés et des segments flous pourquoi et comment Javier Pastore avait inscrit son but stratosphérique contre Chelsea, alors que l’Argentin a très probablement laissé libre cours à son imagination et son aisance technique. L’heure est à l’analyse hyper intellectualisée. On tente de tout expliquer par des chiffres ou des trajectoires. On veut à tout prix donner au spectateur le sentiment qu’il suit un sport aussi complexe qu’une partie d’échec et de surcroît flatter son égo. Lui que les donneurs de leçons n’ont cessé de qualifier de beauf obnubilé par 22 hommes courant bêtement derrière le ballon peut à présent se défendre, arguant que la tactique et la mathématique sont les clés du football. La grenouille devient bœuf, hourra. Mais plus que le spectateur, c’est l’analyste, qui, en étudiant sans cesse et sans cesse des bouts de matchs ou des parties entières à la loupe, perd de la hauteur jusqu’à ne plus rien voir. Au final, ces études de cas deviennent confuses voire complètement surréalistes. De cette pratique sont nés des « footballogues » , ces scientifiques du ballon rond. Pourtant le football n’est pas une science et ne s’en approche même pas. Le football est très souvent simple, bien que sa base soit complexe.

Mise en place et spontanéité

Évidemment, accepter la part de simplicité du jeu ne remet pas en cause l’importance de la stratégie ni celle des penseurs du ballon rond ayant contribué à son évolution. Rinus Michels, Arrigo Sacchi ou Pep Guardiola ont tous construit leur petite révolution sur la base du collectif. Logique, étant donné que le football se joue à onze. « L’individu peut te faire gagner un match, mais les exploits se font avec une équipe. Le football est un sport collectif avec des moments individuels, pas le contraire » . Ces phrases de Sacchi expliquent presque à elles seules ce qu’est le football, mélange de rigueur collective et de spontanéité. La première valeur est associée à la défense, et la seconde à l’attaque, voire au but, bien que l’on puisse retrouver de la spontanéité dans un tacle et de la rigueur dans la manière d’aborder un contre, par exemple. La première valeur pourrait être vulgairement traduite par l’organisation tactique. 4-3-3, 4-4-2, 3-5-2, amovible ou non, peu importe. Cette base va ensuite dicter les courses des joueurs par rapport à leurs coéquipiers et leurs adversaires (exemple : principe de la défense en zone) en prenant en compte un maximum de situations possibles et imaginables. À ces courses va se greffer l’utilisation du ballon (faut-il jouer plus court, plus long, latéralement ou verticalement ?). Là encore, le principe est le même. Tenter d’apprendre un maximum de circuits par lequel passera le ballon afin de prendre à défaut l’adversaire et de diminuer le risque de se faire surprendre.

Toutes ces données sont perceptibles, analysables. On les retrouve en match. En parler est légitime, car elles influencent fortement le cours d’une rencontre, mais force est de constater qu’elles ne se suffisent pas. Si le football n’était que tactique il deviendrait, à terme, facile de prévoir ce que compte faire l’adversaire. C’est là qu’intervient la spontanéité, l’imprévu, l’illogique. Frank Rijkaard – pas plus qu’un individu lambda – n’avait prévu qu’un Lionel Messi âgé de 19 ans effacerait la défense de Getafe sur 50 mètres pour inscrire le plus beau but de sa carrière. Plus globalement, le geste technique de base, la passe (surtout verticale), ne répond pas toujours à une logique tactique. Les maîtres de cet art que sont Xavi, Modrić ou Pirlo savent tirer partie d’une certaine organisation pour exprimer au mieux leur sens de l’orientation sur le terrain ainsi que leurs moments d’extra-lucidité leur permettant de tout (sa)voir. Une grande partie des passes létales sont purement illisibles. De fait, rares sont les actions qui se terminent comme prévu initialement par le schéma mis en place par le coach. Le Barça de Guardiola était logique dans sa manière de presser, de garder le ballon et d’attendre le moment opportun pour s’infiltrer dans la surface. Sa façon de finaliser était, elle, très aléatoire (même si évidemment il y a eu des dizaines et des dizaines de buts marqués uniquement grâce au « toque » ) et tributaire des qualités intrinsèques de ses joueurs (capacité à prendre la défense à défaut via un contrôle, un dribble, une passe, une frappe). Le football est beau en ce qu’il est capable d’obliger la logique à s’incliner devant une inspiration transcendant la réflexion pure. Et quand cela arrive, la meilleure chose à faire reste d’apprécier le spectacle. Cherche-t-on à analyser chaque coup de pinceau constituant le Jugement dernier de Michel-Ange ? Non.

Pression, fatigue et désorganisation

Le génie d’un joueur n’est qu’une source d’imprévisibilité parmi tant d’autres. La fatigue, les conditions de jeu, la pression ambiante peuvent biaiser toute prédiction. La dernière Coupe du monde en est la preuve. Dunga a encore dit récemment que « personne ne savait expliquer ce qui est arrivé au Brésil contre l’Allemagne » . Et c’est vrai. Tactiquement, aucune analyse n’a réellement réussi à le faire, parce que les hommes de Scolari ont tout simplement plié sous la pression de tout un peuple. L’analyse est ici on ne peut plus simple.

Un peu plus tôt dans la compétition, le match entre l’Angleterre et l’Italie s’était avéré extrêmement ouvert, car les deux blocs ne tenaient pas en raison de la chaleur et l’humidité de Manaus. Courir était devenu un calvaire pour certains joueurs qui, pas loin de suffoquer, se désolidarisaient du collectif notamment lors des phases défensives. Au final, on a vu des joueurs éparpillés un peu partout aux quatre coins du terrain. Plus le temps s’écoulait, plus les schémas de jeu disparaissaient pour laisser place à une bataille principalement physique et technique. Ce match a été remporté par l’Italie avec ses tripes et ses pieds. La fatigue est un paramètre aussi important que simple. Les footballeurs doivent y faire face quotidiennement. Elle peut expliquer la faillite d’une équipe sur un, deux ou dix matchs et les flèches, cercles, chiffres ou couleurs n’aident pas à la déceler. Pire, elles peuvent nous faire passer à côté d’un détail aussi banal et, de ce fait, nous mener vers une analyse que l’on pourrait croire intellectuelle, mais qui serait en réalité complètement biaisée. Conclusion, certaines actions méritent d’être analysées, d’autres sont le fruit d’exploits individuels (ou d’autres facteurs externes) et les dernières sont juste chiantes. C’est simple. Et tant pis si le football sollicite moins les neurones qu’une partie de go.

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Par William Pereira

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