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Et si on avait vécu la dernière Coupe du monde ?

Par Nicolas Kssis-Martov
Et si on avait vécu la dernière Coupe du monde ?

L'enthousiasme passé, que restera-t-il de ce Mondial ? Davantage que de jouer aux esprits chagrins, ne serait-il pas surtout temps de s'interroger sur l'avenir de la Coupe du monde de la FIFA ? Tout s'est bien passé ! Justement qu'attendre maintenant ? The End ?

La Coupe du monde au Brésil vient donc de s’achever sur la victoire de l’Allemagne. Une édition plaisante, sans grandes surprises finalement, où les gardiens de but régnèrent sur le jeu et où la puissance européenne du moment rafla en toute logique un trophée qui l’attendait sagement au Maracanã. Un blockbuster bien maîtrisé, considéré tout naturellement comme une belle réussite tant du point de vue du terrain que de l’organisation. La fête de la FIFA n’a donc quasiment pas été gâchée. Les quelques manifestations anti « big Brother FIFA » ont presque donné l’impression d’être incluse dans le coté pittoresque de cette #CDM2014 hébergée par le pays du foot et de la gauche tropicaliste. Mais ce « bilan globalement positif » pourrait-il finalement se révéler le chant du cygne du football mondialisé tel qu’il fut promu depuis 84 ans par la grande maison de Jules Rimet et dont la quintessence s’est sûrement exprimée dans cette apothéose au Maracanã. La Russie 2018 et le Qatar 2022 ne seront-ils que les premières marches avant la chute finale de l’empire du ballon rond ?

Trop cher, trop gros

Parmi tous les signes que les observateurs ne cherchent pas à analyser aujourd’hui, trop heureux de célébrer un régal de buts – avec cette demi-finale de foot à 7 qui crucifia la Seleção – et de caïpirinha, certains devraient pourtant alerter les amateurs de tendances lourdes et autres fans de Schumpeter. D’abord le versant politique, certes d’une lenteur tectonique à se concrétiser. Ainsi, la critique de la compétition est devenue non seulement légitime, mais étrangement consensuelle. Personne n’est venu porter sur le fond la contradiction aux – maigres – troupes qui squattaient la plage de Copacabana déguisées en Batman ou en gueulant des slogans hostiles à Sepp Blatter sur de belle mélodies de chants de supporters. Au contraire, il leur fut presque donné acte de leurs arguments. Le site de Challenge, difficilement taxable de gauchisme attardé, rappelait que « selon le site BSI-Economics, l’organisation de la Coupe du monde de la FIFA 2010 devait rapporter 4,9 milliards de rands (environ 350 millions d’euros), mais c’est une perte de 20 milliards de rands (environ 1,5 milliard d’euros) qui a été enregistrée. » L’idée qu’organiser des événements comme celui-là ne coule plus de source, surtout en grosse période de crise, commence durablement à s’enraciner. Le Brésil échappa, pour le moment, au raz-de-marée protestataire, car tout le monde voulait en profiter et y compris les plus bégueules regardèrent les rencontres entre deux sirènes de mégaphone.

Ni la Russie ni le Qatar ne pourront se prévaloir d’un tel mythe mobilisateur comme le Brésil a pu en bénéficier. Malgré la chape de plomb néo-soviétique qui étend un peu plus chaque jour son obscurité sur « l’empire dans un seul pays » du tsar Poutine, la folie des grandeurs qui devrait s’emparer de la Russie risque de remuer les quelques restes de société civile qui bougent encore, voire des oligarques rackettés ou autres potentats locaux obligés de verser leur dû à ce projet pharaonique. Le ministre russe des Sports Vitali Moutko table officiellement sur un coût de 14,7 milliards d’euros. Or la jurisprudence Sochi laisse peu de doute sur l’inévitable explosion de cette trop modeste projection.

Le cas du Qatar et son budget total de 200 milliards de dollars ne devra certes pas être dérangé par la contestation interne, toutefois jamais la pression internationale (conditions de travail, morts sur les chantiers, etc.) n’a été aussi forte pour une Coupe qui ne doit se disputer qu’en 2022, avec pour la première fois des doutes, pour l’instant à l’état de murmures dans les couloirs de Zurich, d’annulation ou de déplacement. Quelles en seraient les conséquences pour cet émirat qui a décidé d’utiliser ce Mondial pour passer du rang de « riches amis de l’étranger » à celui de puissance incontournable. Les choix de la FIFA se justifiaient à l’époque diplomatiquement et économiquement. Seulement, le monde change et le football n’est pas qu’une pièce de plus sur une mappemonde Risk. C’est peu dire que ces deux pays rassemblent aujourd’hui tous les critères pour ressusciter ce vieux fantôme de la guerre froide : le boycott. Celui-là même qui faillit tuer en 1980 et 1984 l’olympisme (pendant qu’il est vrai, la FIFA passait entre les gouttes en 1978).

Mondialisation inversée

Après, en restant simplement au niveau bassement matériel, une Coupe du monde se doit aujourd’hui d’être également une – belle – destination touristique. On avait glosé sur la sécurité au Brésil. Qu’en sera-t-il à Moscou ou dans les villes « provinciales » avec un hooliganisme plutôt bien portant et la poussée des groupuscules d’extrême-droite xénophobe ? Le Qatar va devoir de son côté gérer la question sensible de l’alcool, de la température, des « chocs » massifs de cultures, sans parler de sa conception très singulières de l’accueil des migrants (au prix humain versé, le Népal peut réclamer une qualification d’office). Pas sûr que la Coupe du monde parvienne à y jouer le rôle tant escompté d’agréable vitrine. D’autres facteurs peuvent intervenir et qui sont propres au monde du ballon rond. Tout d’abord l’évolution des droits télés prive non seulement de plus en plus le public potentiel (malgré des législations nationales restrictives), y compris en Europe, de l’accès à ce qui constitue le sel de cette compétition : un monde qui joue. Déconnectée de sa dimension « bien public » ou « patrimoine de l’humanité » , que vaudra la coupe si le « peuple » d’Essaouira ou de Bueno Aires n’est sûr que de regarder les matchs de sa sélection. Cette mondialisation inversée effrite et donc ébranle le fragile édifice de la popularité de cette épreuve unique, la seule qui puisse concurrencer les JO en terme d’audience et de résonance.

L’autre problématique tient dans la représentativité des équipes. Depuis 2002 et les exceptions turque ou coréenne, les poules accouchent toujours d’un quarteron de pays européens, de l’Ouest, et une ou deux exceptions sud-américaine. S’il ne déboule pas rapidement une équipe africaine costaude (et bonne chance pour leurs supporters à Moscou et même à Doha), si l’Asie continue d’être un trou noir qui envoie le Japon la représenter et si les USA persiste à se satisfaire d’être en huitièmes, qui peut affirmer que ce tournoi ne perdra pas son âme, se transformant en une super Champion League ? Nous en avons pris pour 8 ans. Reste a savoir dans quel état le monde laissera le foot, et inversement…

Denis Zakaria a plus d’un tour dans son sac

Par Nicolas Kssis-Martov

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