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Et si Manuel Valls devenait entraîneur du Barça ?
Luis Enrique sur le banc du FC Barcelone, c'est bientôt terminé. Alors que les noms de Sampaoli, Koeman et Valverde sont avancés, le sauveur pourrait être – pendant un temps – ailleurs. Et il s'appelle Manuel Valls.
Une nouvelle journée dans la lessiveuse bordélique qu’est devenu le bouillon politique français. Benoît Hamon est dans son cocon brestois, François Fillon boxe contre une nouvelle « tentative d’assassinat politique » lancée par des journalopes sans-cœur, ses potes d’hier lui tournent le dos et Hollande sort sa petite tête pour serrer dans ses bras flics et juges de la République. Tout va bien dans le plus beau des bordels, et au dessert, on voit Emmanuel Macron se faire cuisiner une omelette sur le crâne dans les allées du Salon de l’agriculture. Nickel, mais comme dit le Marcheur, « c’est le folklore » . Manuel Valls, lui, roucoule devant le tableau. La veille, il a claqué un déj’ chez Laurence Rossignol, en pleine bataille pour lutter contre la violence faite aux rejetons du pays, et a surtout séché les larmes de ses soutiens d’hier.
Terminé le trip en Espagne, Valls est de retour sur le ring, les gants sur la table, le short enfilé. Plus Georges Carpentier que Cédric Vitu, malgré tout. Face à lui, les roses fanées pleurent encore sa défaite et ne peuvent supporter de voir le latéral gauche breton sur la route du palais tous les jours derrière la tronche de Ruth Elkrief. Guide sacré et coup de sifflet respecté, Manuels Valls joue la carte du rassemblement. Tous ensemble, tous ensemble, ouais. Allez, à plus tard. Pendant le dîner, l’ancien meneur de jeu du gouvernement a les yeux plantés sur son écran LCD et se fracasse le foie devant la marche royale du Barça sur Gijón. Les abrutis de la Maison-Blanche sont en train de se faire péter la gueule par Las Palmas. Tout est parfait. Le maillot tombe, le pyjama débarque. Et sur l’écran, Luis Enrique débarque : clap de fin. Le Barça, c’est fini pour lui dans quelques mois. Lui, « l’entraîneur parfait » selon le philosophe Pep. Manu prend le violon de sa femme, l’éclate sur ses genoux. Comment est-ce possible ? Face à Anne, sa femme, il tranche : « Je serai au rendez-vous. »
Més que un ministro
Jorge Sampaoli, Mauricio Pochettino, Laurent Blanc, Ernesto Valverde, Ronald Koeman, Sacristán. Dans son bureau, Josep Maria Bartomeu a placé six cibles. Six visages imprimés en noir et blanc. Dans sa main, six fléchettes. Ses nouvelles journées ressemblent à ça : clac, clac, clac, clac, clac, clac. Le président du Barça se relève, retire les pointes et recommence. Qui serait le plus couillu pour prendre la suite de Luis Enrique ? Ayodele Ikuesan et Myriam Soumaré le savent mieux que personne, un passage de relais peut être fatal. Bordel, Bartomeu ne sait pas. Il ne sait plus. Alors, sous sa cagoule de Splinter, le maître convoque ses quatre princes du ninjutsu : Lionel Messi, Gerard Piqué, Andrés Iniesta et Lucas Digne. Oui, un mec formé dans le Nord de la France a forcément une sensibilité syndicale, donc on ne peut pas s’en priver, même s’il est plus Spirou que Xavier Mathieu ou Édouard Martin. La patte gauche de Meaux est directe : « Je ne veux pas retrouver le muet à la touillette et je pense qu’il nous faut un mec attaché aux valeurs de la maison. J’ai un nom, je vous en parle dans quelques jours, maître. » Les trois autres carapaces penchent vers Jorge, le plombier de Casilda. Mais Josep Maria veut frapper un gros coup, alors il décide de temporiser.
Dans son laboratoire, Martine Aubry a les joues qui frétillent. Son doudou Benoît esquive jusqu’ici les tacles de l’aile droite du PS, et le vilain petit Manuel est parti voir ailleurs pendant quelque temps. Mi-avril, à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, Martine est dérangée dans ses expériences par son assistant, le vieux Lionel, celui-même qui s’était juré de « se retirer de la vie politique » . Jospin est clair : « Martine, un certain Lucas a besoin de vous, c’est urgent. Le sort de l’empire catalan est entre vos mains. » Le diable de Meudon tend le combiné. « Madame Aubry ? – Oui ? – Ici, Lucas Digne. – Lucas ? Le petit Lucas, celui qui me faisait sauter de mon siège au Grand Stade à côté de Mich’ ? – Oui, madame, c’est moi. J’ai besoin de vous. Le Barça cherche un nouvel entraîneur et j’ai la conviction que Manuel Valls a les épaules pour ce poste. Je sais que vous n’êtes plus très copains, que vous doutez de sa capacité à unir un groupe, mais je sais que c’est l’homme qu’il nous faut. Josep Maria, le président, est d’accord avec moi. Mais on va avoir besoin d’un intermédiaire. – Eh bien… Je vais voir ce que je peux faire. »
L’histoire se règle en deux coups de fil, et l’entre-deux-tours est animé par cette annonce folle : le 4 mai 2017, Bartomeu convoque le monde du foot pour une conférence de presse exceptionnelle. Manuel Valls est nommé, grâce à Lucas Digne et le pouvoir de conviction de tata Martine (aucun lien avec Tata Martino, quoique), nouvel entraîneur du Barça. Il l’avait dit après sa défaite aux primaires, il l’a fait : « J’ai toujours eu le sens de l’action collective. Une page devait se tourner, je devais me réinventer. Me voilà pour cette nouvelle mission. Le combat commence dès maintenant. » Un drapeau est déployé sur le fronton du Camp Nou : Manuel Valls, més que un ministro.
« Je ne lâcherai pas »
Le 27 mai 2017, sur une victoire contre Alavés en finale de la Coupe du Roi, Luis Enrique balance sa capote au Vicente-Calderón de Madrid où il aura donc dirigé sa dernière rencontre officielle avec le Barça. Présent sur un siège aux côtés de Bartomeu, Manuel Valls savoure et balance son objectif lors d’un premier entretien donné à la presse : tout rafler, mais avec une ligne directrice stricte. Autoritaire, avec la question identitaire dans la tête, et exigeant, surtout. Le Barça entre dans une phase de rigueur économique critiquée par beaucoup, notamment par la maire de la ville, Ada Colau. La même Colau qui retrouve son côté badass et organise un sit-in devant le Camp Nou début septembre après un mercato flou et des premières semaines marquées par le remplissage du carré VIP par la bouille de Bruno Le Roux et ses copains. Sous sa direction, le Barça ne sait pas où se situer, est peu lisible. Jusqu’à une soirée de novembre où Valls décroche son premier coup de maître face à l’Atlético de Simeone. Une victoire 4-1, au Camp Nou.
Sa défaite contre le PSG de Sarkozy en C1 lors du mois de décembre ne change pas grand-chose, Valls tient la barre et, comme souvent, ne veut pas la lâcher. Jusqu’au mois de février où sa tête est mise à prix. La faute à une enquête publiée par Mediapart expliquant, avec preuves écrites, qu’Anne Gravoin, femme de Manuel Valls, a monté un système de détournement de fonds sur la billetterie du Barça en vue de la création d’un nouveau mouvement politique pour son mari-coach. Valls assure qu’il ne « lâchera pas » . Bartomeu le fait sauter de son banc d’entraîneur et le retrouvera quelques mois plus tard sur un autre. L’histoire n’aura duré que quelques mois. Mais Martine Aubry, grâce à cette fouine de Lucas Digne, a réussi son plan : Manuel Valls se retire, lui aussi, de la vie publique, politique et sportive. Putain de lessiveuse. Josep Maria Bartomeu, lui, ressort ses fléchettes.
Par Maxime Brigand