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Et si l’Hexagone épousait le losange ?
Lors de la dernière journée de Ligue 1, quatre des dix premiers clubs français ont joué en 4-3-1-2, c'est-à-dire avec un milieu en losange. Monaco, Lille, Nantes, Lyon et Nice. Mais si le milieu en diamant s'est bâti une réputation de destructeur de jeu, ses caractéristiques se marient finement avec les équipes en (re)construction.
Si le football est géométrie, le spectateur a toujours préféré la liberté des courbes à la rigidité des schémas. Le losange, lui, est rigide par définition. « Quatre côtés de même longueur » , dit-elle. C’est le diamant, solide, impénétrable. Mais un diamant qui ne vise pas la séduction, une sorte de bijou de pardon, pour repartir sur de bonnes bases. Ainsi, le lendemain de la nomination de Clarence Seedorf à la tête de l’AC Milan, la Gazzetta dello Sport annonce sans surprise que « le système devrait être un 4-3-1-2 sans contamination » . Simple et efficace, logique, presque. Pour une équipe sans repères, en construction ou en reconstruction, le milieu en losange est une assurance, et ce, pour trois raisons.
Protéger la défense, densifier le milieu
En premier lieu, il s’agit de protéger la défense. Dans le cas d’un losange resserré, comme par exemple celui de Ranieri contre Toulouse, la triplette de milieux centraux (Toulalan-Obbadi-Kondogbia) offre une couverture optimisée de sa moitié de terrain sur les phases de non-possession. Le bloc est bas et dense, tel un bouclier. De deux, le 4-3-1-2 permet de densifier le milieu de terrain, et de multiplier les solutions courtes à la construction. Si le 4-2-3-1 ressemble à un avion, il est difficile d’aller d’une aile à l’autre. Dans le 4-3-1-2, les distances entre les milieux sont raccourcies, et des relations naissent. Le lien Gourcuff-Grenier en est le dernier exemple. De trois, le 4-4-2 est connu, qu’il soit losange, carré (4-2-2-2) ou à plat. Offensivement, le 4-3-1-2 est facile à digérer tant que les rôles naturels sont distribués : James Rodríguez en 10, Toulalan en 6, deux relayeurs, etc.
En revanche, défensivement, le travail nécessaire dépend de l’attitude de l’équipe, qu’elle tente de contrôler la possession ou non. Si l’initiative est laissée à l’adversaire, le pressing est abandonné, et alors le bloc se place naturellement. En revanche, contrôler le jeu en 4-3-1-2 est risqué, les ailes étant abandonnées à la perte de balle. En décembre, Éric Carrière expliquait aux Cahiers du Football que « Le losange ne permet pas d’être au contact des adversaires directs au pressing. Tu es toujours à contretemps, tu dois naviguer d’un joueur à l’autre. » . Comme toujours, il s’agit de trouver la meilleure recette en fonction des joueurs à disposition. René Girard justifiait ainsi l’adoption du 4-4-2 en septembre : « Ce schéma met mieux en avant nos qualités. »
Le préférée des numéros 10
L’équilibre, donc. Mais aussi l’aisance offerte aux numéros 10, plus précisément ceux qui aiment jouer en transition. Ce n’est pas un hasard si le 4-3-1-2 est devenu le système de base du football argentin, d’ailleurs repris dernièrement par Sabella (Palacio, Agüero – Messi – Di María, Biglia, Gago). Introduit par Juan Carlos Lorenzo pour le Mondial 1966, il a été une source inépuisable de meneurs de jeu. Comme le raconte le cinéaste Santiago Amigorena : « Quand on est argentin, on ne veut que le 10 » . En clair, cette configuration offre au 10 un fauteuil avec trois milieux de terrain protecteurs, des munitions avec deux pointes et des options alternatives sur les montées des latéraux. Seulement, il ne lui offre pas le mouvement, qu’il doit créer lui-même. Avec James Rodríguez ou un Yoann Gourcuff en forme, l’animation offensive n’en souffre pas tellement. Mais ce n’est pas le cas du LOSC de Girard, qui a aligné Rodelin à cette position le weekend dernier. Tout dépend alors de la qualité des mouvements des deux pointes.
Un schéma pour survivre, seulement ?
« Le système a changé mais on ne nous demande pas de moins jouer au foot. 4-4-2 ne veut pas dire que l’on attaque qu’à deux » . Si Franck Béria a dû justifier le choix de son coach, c’est bien parce que l’abandon du 4-3-3 de Garcia, le « modèle lillois » , a été un petit choc pour le football français. Un système pour construire, solidifier, poser les bases, donc. Mais après ? L’histoire nous dit que le losange sait rouler, mais vole avec difficulté. S’il est difficile de dominer le jeu sans maîtriser les ailes, le manque d’art sur les côtés peut toutefois être compensé par la projection des latéraux, et l’habileté d’un meneur de jeu reculé. À l’Euro 2012, l’Italie de Prandelli alterna le 3-5-2 et le 4-3-1-2, avec Pirlo entouré de Motta et De Rossi (ou Marchisio). Les courbes de Pirlo pour lancer les latéraux italiens permettaient d’occuper toute la largeur, et de dominer le jeu. Au LOSC également, le tempo est donné plus bas, dans les pieds de Mavuba : le 4-3-1-2 ne dépend pas forcément de la performance du numéro 10.
Un autre exemple intéressant est celui de l’Inter de Mancini et de Mourinho. Conquérante en Italie avec le « rombo » , l’Inter ne passait pas le cap des huitièmes de finale de C1 jusqu’à la deuxième saison de Mourinho, qui coïncida avec le développement du 4-2-3-1. Mais pas seulement. À l’été 2009, Wesley Sneijder et Thiago Motta arrivent à Milan et changent le visage de l’équipe bien au-delà du système utilisé. En 2009/10, Mourinho continua d’ailleurs à utiliser le losange avec succès. Avec des joueurs créatifs aux postes-clés – Maicon, Motta et Sneijder –, le losange n’empêche pas le mouvement. Comme le confirme René Girard : « Le plus important ne réside pas dans la mise en place, mais dans les ingrédients qu’on y met » . Des ingrédients que le Paris Germain compte dans son effectif, à commencer par Javier Pastore, qui rêve silencieusement de la mise en place d’un tel système au Camp des Loges, depuis l’installation de l’intraitable milieu à trois. Et si l’explosion de l’Argentin dépendait finalement de la qualité des latéraux parisiens ?
Par Markus Kaufmann
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