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Et si le Portugal remportait l’Euro en jouant à la grecque ?
Le Portugal va bien. Contre la Serbie (1-2), la Selecção das Quinas a enregistré sa septième victoire de rang en matchs officiels. Elle sera tête de série en France. Voire peut-être plus. Le tout, grâce à un jeu pas très sexy, mais plutôt efficace. Un jeu à la grecque, quoi.
Enfin. Huit ans que le peuple portugais ne soufflait plus, qu’il devait se taper l’insoutenable suspense des barrages avant de pouvoir fêter la qualification pour une compétition internationale. La dernière fois que le Portugal était passé sans aller en barrages, c’était en 2007, juste avant un autre Euro, celui de 2008. En survolant le groupe I, les hommes de Fernando Santos prouvent qu’ils n’avaient même pas besoin du contexte favorable installé par l’élargissement du championnat d’Europe des nations pour terminer premiers de leur groupe. Si les mauvaises langues pointent un groupe assez faible, il convient de rappeler que sous Queiroz et Bento, le Danemark et l’Albanie étaient des formations qui causaient énormément de soucis à la Selecção. Un constat qui revient à saluer le travail de l’ancien sélectionneur de la Grèce et de son staff, qui ont su motiver et dresser un effectif jusqu’alors peu enclin à se bouger les fesses hors compétition officielle. Fini les chichis, les largesses tactiques, les courants d’airs devant, au milieu, derrière. Bonjour la troïka footballistique. Le Portugal de Santos, c’est le pragmatisme poussé à l’extrême. Le boss n’a d’ailleurs aucun mal à l’avouer, la qualité de jeu importe peu, seule la victoire compte. C’est en restant fidèle à cette idéologie qu’il a mené les Hellènes jusqu’aux huitièmes de finale de la dernière Coupe du monde avec une équipe plus que moyenne. Ce qu’il a appris de ses diverses expériences grecques, le technicien portugais veut l’offrir à sa nation. Et si en fait, Fernando Santos était un espion envoyé par les services secrets portugais – si tant est qu’ils existent – au lendemain de la tragédie de 2004 pour comprendre comment s’y prendre pour gagner un trophée prestigieux ? Et si la réponse trouvée par cet espion, c’était qu’il fallait jouer comme les Grecs pour conjurer le sort ? Solution certes ironique, mais logique pour une équipe qui a souvent échoué près du but avec une bonne note artistique.
Un trio âgé de 103 ans
Premier signe d’hellénisation du jeu portugais, le retour des vieux. La Selecção est, comme Sparte en son temps, devenue en peu de temps une redoutable gérontocratie. À eux trois, Ricardo Carvalho, Tiago et Danny ont 103 ans, c’est-à-dire à peu près le même âge que Minala, mais un peu plus vieux que le légendaire trio Nikopolidis, Zagorakis, Fyssas (96 ans). Comme pour la Grèce de 2004, avoir une équipe en partie composée d’hommes en âge de courir des marathons et de faire du vélo avec Michel Drucker au bois de Boulogne présente un certain inconvénient sur le plan physique. Cela dit, à l’instar des vieux loups de 2004, les anciens de 2015 comblent assez nettement leurs lacunes grâce à leur érudition tactique, leur aisance technique et, soyons honnête, leur roublardise diegocostienne. Des qualités aussi importantes individuellement que collectivement pour un entraîneur comme Santos dont le but est d’endiguer les attaques adverses en poussant l’adversaire à la faute avant de le surprendre en contre. Exemple. Face à la Serbie, le premier but vient d’une grosse tête de Bruno Alves, permettant à la fois de dégager son camp et de lancer Danny dans la profondeur. Le contre se joue donc à deux. L’attaquant du Zénith, et donc, le buteur, Nani. Et encore, si Danny n’avait pas raté son face-à-face devant le portier serbe, le Portugal aurait marqué sur un contre impliquant un seul attaquant. Évidemment, ce schéma ne s’est vérifié que contre les équipes qui faisaient le jeu. En éliminatoires, elles se font rares. Mais à l’Euro, devant des équipes qui jouent au football, cette stratégie peut s’avérer payante. À condition de ne pas jouer trop bas. Laisser Lewandowski ou Müller traîner aux abords de la surface quand on a Rui Patrício dans les cages serait un tantinet suicidaire. C’est là la principale nuance entre les formules Rehagel et Santos, et toute la complexité de la seconde.
CR7 en Charisteas, Moutinho en Zagorakis et Pepe en Dellas
Jouer bas est, pour beaucoup d’amateurs du football, une hérésie, un manque d’honneur, une forme de lâcheté et bien d’autres choses pas très jolies. Quand on parle de jeu défensif, on pense directement à Di Matteo et aux heures sombres de notre chère Ligue 1. Pourtant, le jeu pragmatique ne se résume pas à garer sa brouette devant le but. Leonardo Jardim l’a prouvé l’année dernière et le Portugal de Santos ressemble fortement à l’ASM qui a douché Arsenal à l’Emirates au printemps dernier, à savoir une formation prudente, qui ne commence son pressing que quelques mètres sous sa ligne médiane. À partir de là, le but est simple. Faire en sorte que le ballon n’aille pas plus bas que le numéro 6, et éviter aussi bien les centres que les tirs (plus facile à dire qu’à faire). Dans l’idéal, il faut récupérer les ballons dans l’axe, pour permettre à Moutinho d’orienter le jeu et de changer de rythme. C’est lui qui, balle au pied, mène le plus souvent les contres. Transition rapide, oui, mais si possible propre pour empêcher l’adversaire de récupérer la balle immédiatement. Si le milieu est battu, les Lusitaniens peuvent toujours compter sur le redoutable Pepe, également capable de grignoter une vingtaine de mètres avec le ballon et donc de servir de rampe de lancement. Le joueur axial a plusieurs options. Soit il essaye de trouver à tout prix Cristiano Ronaldo en comptant sur les qualités athlétiques du triple Ballon d’or, soit il joue en appui avec l’attaquant axial chargé de la lui remettre pour qu’il écarte sur les ailes. Dans le second cas de figure, l’action peut aussi bien se terminer sur une frappe de l’ailier que sur un centre à destination de Cristiano Charisteas. Vu la qualité de centre de Ricardo Quaresma, joker de luxe et meilleur passeur portugais des éliminatoires et son entente parfaite avec Moutinho, mais surtout Ronaldo, le Portugal devrait emmerder plus d’une équipe dans le jeu aérien. En 2004, les Grecs ont passé les quarts et les demies grâce à des buts de la tête, avant de braquer le graal de la même manière. Le Portugal a les armes pour faire le même coup. Gagner l’Euro de la sorte serait en tout cas un joli clin d’œil à l’histoire. Voire un énorme bras d’honneur. Mais c’est écrit, il n’y a que comme ça que les Portugais pourront remporter leur premier titre.
Par William Pereira