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Et si le foot n’avait plus l’argent du Qatar…

Par Nicolas Kssis-Martov
Et si le foot n’avait plus l’argent du Qatar…

Vous détestez les Qataris. Cela tombe bien, vous ne devez pas être seuls en ce moment. Ils réduisent le foot à une affaire de gros sous, avec parfois de « troubles motivations » ? Alors utopistes debout ! Imaginons un monde et surtout une L1 sans eux, et sans leurs sous...

N’ayons pas la mémoire courte. Le Qatar fut longtemps considéré comme une bénédiction. Son argent couvrait d’une manne inespérée un football européen en déficit structurel, sous la perpétuelle épée de Damoclès d’une faillite générale, toujours annoncée, jamais survenue. Désormais, les révélations sur le coût humain (des centaines d’ouvriers décédés, au bas mot) de la Coupe du monde en 2022, le rôle trouble de l’émirat dans la situation géopolitique du Moyen-Orient ou encore la sacro-sainte hypocrisie des valeurs du « football » concentrent un feu nourri de critiques. De la sorte, de Bernie Sanders aux ultras français, tous peignent un visage peu avenant de ces étrange(r)s « bienfaiteurs » . Or, avec la baisse du prix du baril et le sentiment d’ingratitude qui doit les travailler, les Qataris semblent quelque peu repositionner, en retrait, leur stratégie dans le petit monde du ballon rond. Alors que se passerait-il, à part de perdre des « riches » si faciles à détester dans le contexte actuel, si d’un coup de baguette magique ou politique, l’argent du pétrole s’évanouissait, notamment en France.

Les droits télés, poumons du foot français, ou le risque de la suffocation économique

Comment se le cacher, surtout en L1, les droits télés sont indispensables à la survie, voire l’existence même de nos clubs (régulièrement, Frédéric Thiriez frappe à la porte de la présidence de la République pour contraindre les diffuseurs à gonfler l’enveloppe, le libéralisme a ses limites). Au point que les retransmissions, même en L2, conditionnent les horaires des matchs. Canal Plus, traditionnel et originel pourvoyeur de bonheur en la matière, avait dû d’abord céder un peu de son monopole devant Orange, puis l’arrivée de beIN Sport. La chaîne cryptée avait pourtant de nouveau retrouvé sa prééminence en signant pour 748 millions d’euros par saison, de quoi se consoler de la perte de la Premier League et conserver cet inestimable pourvoyeur d’abonnés. Sauf que, malgré ces quelques années de répit, le rapprochement actuellement en cours entre Canal et beIN – nos amis du Golfe apparemment fatigués du gouffre financier que représente parfois le soft power médiatique, Al Jazira vient ainsi de jeter l’éponge aux States – les prochaines négociations risquent de se montrer beaucoup moins enthousiasmantes, voire à la baisse, dans quelques années. Avec le risque de déclasser encore un peu plus le foot tricolore (peu de chance que la billetterie des stades compense à l’avenir un éventuel manque à gagner), car la course à l’armement qui se poursuit de l’autre coté du Channel (2,130 milliards d’euros sans compter les droits vendus à l’étranger) continue de creuser l’écart…

Le worst case scénario de 2022

Cela peut paraître lointain, mais il existe une petite possibilité que le Mondial 2022, ce beau cadeau de reconnaissance offert au Qatar pour service – sonnant et trébuchant – rendu au foot, se révèle finalement empoisonné. Les campagnes d’alerte sur les milliers de morts parmi les travailleurs émigrés (népalais, indiens, etc.) œuvrant dans les chantiers de cette Coupe du monde à la mode Égypte ancienne, le poids économique (sans aucun espoir de rentabilité) qu’elle pèsera sur un pays ou l’on découvre les légères contraintes du serrage de ceinture, la fort probable contre-performance en matière de notoriété et d’image (température, question de l’alcool, etc.), sans oublier l’évolution de la poudrière locale, pourrait conduire à ce que l’événement soit délocalisé plus ou moins en catastrophe. Enfin, dernière hypothèse prospective, un Nicolas Sarkozy président en manque de popularité pourrait décider de retirer la participation des Bleus, entraînant – pour une fois – un boycott européen. Nul doute que la répercussion et la mesure de rétorsion entraînerait un rapatriement en urgence de tous les investissements réalisés dans le Vieux Continent. Laissant un grand vide derrière qu’une économie domestique, toujours souffreteuse, aurait bien du mal à venir combler.

US come back…

Parmi tous les petits apports des Qataris, le sponsoring maillot n’est pas le moindre, ne serait-ce que symboliquement. La présence de Qatar Airways sur les joueurs mondialement connus du Barça, belle prise de guerre après avoir ainsi dépucelé les « saints » du foot qui portaient gracieusement et fièrement auparavant l’Unicef, va sûrement s’arrêter faute de vouloir en mettre davantage au pot (32 millions), les Catalans en réclamant officiellement 100 millions désormais. Aux dernières nouvelles, c’est Pepsi qui raflerait la mise après une discussion en coulisses du dernier Superbowl. Le foot de nouveau au cœur de la guerre des sodas US, nous voilà de nouveau revenir en Occident. Après, on sait ce qu’on perd, mais…

La CFA reboostée ?

Avec son championnat dopé aux pétro-dollars, les Qataris avaient réussi à attirer, parfois aux dépens de la MLS, quelques stars qui s’y sont pressées en quête de « challenge personnel » , sans oublier le cas ô combien emblématique de Belounis. Or, à réorganiser sa stratégie sportive, l’émirat ramènera probablement vers un peu plus d’humilité le championnat local, quitte peut-être à se réorienter vers le handball. Autant de débouchés qui disparaîtraient pour tous ces apprentis footballeurs bloqués à l’entrée des effectifs pros de leur centre de formation, et qui désiraient fuir le purgatoire de la CFA. Retour au réel. Il faudra trouver ailleurs de quoi placer tout ce beau monde (sans trop augmenter les chiffres du chômage), frustré de ne pouvoir être payé à son « vrai » niveau de jeu, à prier pour ce moment de gloire du petit poucet en Coupe de France ou la chance de croiser Serge Aurier. Entre-temps, bonne chance pour les Ruffier qui croiseront ces morts de faim aigris et revanchards…

Le PSG et le niveau de jeu de la L1

Pour en revenir à des considérations plus terre à terre, le grand danger se résume d’abord et évidemment au cas du PSG. Comment désormais imaginer de rétro-pédaler et de le retrouver à son ancienne dimension, entraînant la Ligue 1 avec lui quatre ans en arrière ? Tout le monde peut s’apitoyer sur la fin du suspens ou le statut hors-sol du club parisien, personne n’a vraiment envie du contraire. Avec le départ des Qataris, c’en serait fini des rêves doucement caressés par la presse spécialisée ou la LFP qu’un pensionnaire hexagonal nous ramène une Ligue des champions. Terminée également d’admirer les foulées d’Ibra, Di María, voire Verratti virevolter sur nos pelouses (et remplir davantage les gradins que d’habitude). Retour à l’ordinaire : en gros, attendre la révélation d’un Brésilien ou d’un Scandinave, voire l’explosion – une saison – d’un Fekir ou un Ben Arfa. Pour le reste – toujours les droits télés en pierre angulaire – bonne chance pour dégoter les mots et le chantage capables de faire gober qu’une telle Ligue 1 mériterait qu’on y crache un milliard d’euros par an.

Les Chinois à Paris ?

En effet, la nature a horreur du vide et le capitalisme sportif encore plus… Soyons clair, qui paiera donc pour la Ligue 1 si les Qataris se barrent avec leurs valises et leurs lignes budgétaires ? Qui aura l’envie irrépressible d’investir dans notre championnat ? Or aujourd’hui, de ce point de vue, la liste des pays « solvables » se réduit considérablement, et les candidats tout autant. On en conviendra, plus trop la peine d’espérer un fonds de pension américain, les mauvais souvenirs s’avèrent tenaces outre-Atlantique. Les Saoudiens ne semblent guère fiables. Les Azéris n’ont pas franchement rassuré. Les Belges se désistent trop facilement. Qui reste-t-il ? Voilà justement que se profile un nouvel ogre, qui porte une attention particulière au football : la Chine. Petit problème, y gagne-t-on au change, notamment en matière de transparence ? Il faudra se renseigner du côté de Sochaux. Après, sur un malentendu concernant le nom, nos camarades pékinois peuvent toujours venir injecter quelques centaines de millions, histoire qu’une nouvelle « étoile rouge » se mettent à briller en Europe….

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