- Gold Cup
Et si la Gold Cup fusionnait avec la Copa América ?
Les quarts de finale de la Gold Cup 2021 démarrent dimanche matin dans l'indifférence quasi générale. Il faut dire que voir Mexicains et Américains monopoliser les honneurs, parfois sur des scores de tennis avant de se retrouver dans le dernier acte, est passé de mode pour les amateurs d'underdogs. Et si les deux ogres se greffaient bientôt pour de bon à une Copa América qui, elle aussi, était bien triste ?
Qatar-Salvador. En voilà une drôle d’affiche pour lancer les quarts de finale d’une Gold Cup biennale dont le pedigree et le niveau réel n’ont jamais vraiment évolué depuis 1963, quand elle s’appelait encore Coupe des nations de la CONCACAF. Car c’est bien là que se situe le principal point de crispation. Que le petit émirat ait enclenché le mode exhibition pour préparer son Mondial aux quatre coins du globe, soit. Mais pour le Mexique et les États-Unis, comment espérer décoller en se frottant une seule fois tous les quatre ans au gratin de ce globe ? L’essor de jeunes pousses de moins en moins générationnelles et leur exportation, l’attrait grandissant de la MLS et les efforts du championnat mexicain ne suffisent pas. Pour bondir de leur rocking-chair douillet et viser autre chose que des huitièmes de finale, les deux rivaux ont peut-être trouvé un allié de choix, encore un tantinet fier, mais lui aussi pétrifié par les yeux bleus de la facilité : la CONMEBOL.
Copa plus trop cabana
Il ne faut pas s’y tromper, la Copa América du chevaleresque duo Leandro Paredes-Nicolás Otamendi n’est plus celle d’Adriano, de Gabriel « Batigol » Batistuta ou même de Carlos Bueno. Elle a sérieusement besoin d’un lifting doublé d’un bon massage californien. Depuis une quinzaine d’années, le trophée continental sud-américain a mué pour devenir un lot de consolation sans âme réservé à des nations de football, qui, entre sueurs et larmes, font pourtant du cuir le plus irrationnel objet de leur pieuse passion.
Le sacre auriverde de 2002 est un lointain souvenir : le Brésil n’est plus qu’un pâle épouvantail régional et ne sait toujours pas qui va succéder à Neymar, l’Argentine a mis fin à sa disette en sortant les haches et les rasoirs, Chili et Uruguay misent sur les mêmes générations depuis trop longtemps… Une identité de jeu diluée, pragmatiquement européanisée jusqu’à l’extrême. Faut-il vraiment attendre un climat politico-sanitaire plus propice pour réformer, élargir le spectre et stimuler une concurrence nouvelle ? Les dix nations membres de la CONMEBOL n’ont plus trop le choix pour augmenter leurs performances, se forcer à faire peau neuve et croiser des mondialistes au moins aussi souvent que la Bolivie : le sang neuf le plus évident à aller chercher sommeille en zone CONCACAF.
La golden hour de la lassitude
L’idée d’un rapprochement, voire d’une fusion entre la Gold Cup et la Copa América n’est pas nouvelle. Le Mexique a même participé à une dizaine d’éditions en tant qu’invité, terminant sur le podium à trois reprises (1997, 1999 et 2007) et perdant la finale 1993 face à l’Argentine. Preuve s’il en fallait qu’El Tri a largement le niveau, et ce, depuis des années, pour concurrencer les mastodontes – en apparence – du Sud. L’idée non dissimulée est qu’on ne peut pas vraiment progresser en affrontant exclusivement des nations comme le Salvador ou le Guatemala, le seul match à enjeu de la Gold Cup étant la finale contre les États-Unis. Or, depuis 2017, la CONMEBOL est plus ou moins brouillée avec la FMF (la Fédération mexicaine de football, NDLR), raison pour laquelle elle n’invite plus le Mexique à la Copa. Le pays y gagnerait pourtant énormément, en étant obligé d’élever son niveau beaucoup plus souvent.
Un constat que l’on retrouve également au niveau des clubs, tant la seule Copa Libertadores fait de l’ombre à la Ligue des champions de la CONCACAF, raflée en continu par les formations mexicaines depuis 2006 (Club América, CF Pachuca, CF Atlante, CF Monterrey, Cruz Azul, CD Guadalajara et Tigres UANL). La Team USA peut elle aussi abonder en ce sens : les équipes américaines ne trustent pas les titres hors MLS, mais la sélection s’éclate à chaque « Copa Oro ». Quand ce n’est pas Trinité-et-Tobago qui est marqué au fer rouge, c’est la Martinique qui s’en prend six. Un DOM non reconnu par la FIFA, qu’une fusion finirait d’achever sportivement puisqu’il fait (hélas) office de sparring partner folklorique malgré ses quelques têtes connues (Emmanuel Rivière, Kévin Fortuné, Patrick Burner). Enfin, le Canada commence à sortir du bois, au point d’être le troisième larron dans la balance pour forcer la main de Luque (quatrième ville du Paraguay, siège de la CONMEBOL) : tous les chemins mènent au Mondial 2026, organisé par les trois pays principaux d’Amérique centrale et du Nord.
Par Alexandre Lazar
Merci à Axel Bernet, spécialiste du football mexicain.