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Et si la goal-line technology s’appliquait à…
C'est décidé, la goal-line technology s'appliquera en L1 dès la saison prochaine. Oui, même lors des rencontres entre Lyon et Marseille. Alors pourquoi s'arrêter là ? Et si, au quotidien, tout le monde pouvait bientôt arrêter le temps et réclamer l'aide de cette précieuse innovation tout en images de synthèse ?
Fini les interminables débats basés sur un ralenti daubé d’une caméra rarement bien placée. Finis aussi les lamentations bibliques sur le but de Geoff Hurst en finale de la Coupe du monde 1966. Enfin, fini ce goût de carotte qui vous reste encore en bouche au moment de retrouver vos collègues de bureau après un long week-end d’injustice footballistique. « Ouf » de soulagement. La goal-line technology arrive bientôt dans votre vie et, c’est promis, va révolutionner votre quotidien. Car oui, elle peut aussi s’appliquer à…
La politique : « Marine Le Pen parle comme un tract du parti communiste des années 70, (…) sauf que le parti communiste, il ne demandait pas qu’on chasse les étrangers ou qu’on fasse la chasse aux pauvres… » La formule, prononcée par le président de la République lors de son passage dans l’émission Le Supplément de Canal+, longe la ligne sans jamais donner l’impression de la dépasser. Le genre de situation où n’importe quel attaquant peut tromper l’arbitre en courant célébrer son presque but avec ses supporters. Si ça passe, il ne reste alors que la contestation à l’adversaire pour espérer réparer l’injustice. Et dans ce cas précis, il semblerait que les communistes soient bel et bien tombés dans le panneau en se ruant sur l’homme en noir pour hurler leur désarroi et leur indignation. Pourtant, grâce au verdict de la goal-line technology, le peuple rouge aurait su d’emblée que cette frappe brossée de François Hollande n’est jamais rentrée dans leur but. Et encore moins dans celui du FN, mais ça, c’est un autre débat. En politique comme en football, aucun gadget ne pourra rien changer à cet indispensable sens du vice qui donne au jeu une dimension plus humaine. Le sexe :Plus que pour répondre à la fameuse question : « Elle est rentrée ou pas ? » , le sexe mériterait la goal-line technology. Ne serait-ce que pour déterminer toute sortie de cadre ou erreur d’appréciation qui, à en croire les services d’urgences de l’hôpital public, se multiplient depuis le succès de Cinquante nuances de Grey. En transformant la chose en pur espace de performance – « saloperie de libéralisme » , diraient Wilhelm Reich et Ovidie -, il s’impose donc d’établir le niveau exact du résultat, et surtout le moment fatidique ou l’on bascule de l’idée à l’extase. Il ne serait également pas superflu de ne plus se laisser abuser pas les bruits et les cris à chaque fois qu’on s’approche de la surface cruciale. Bref. De ne plus se fier aux héros convaincus d’avoir réussi leur geste final, pour se fonder uniquement sur la froide objectivité d’une analyse mathématique des pourcentages de plaisir, des angles d’attaque et des coefficients d’entrée dans le Saint des saints. Le mariage :La plupart des divorces partent d’une engueulade sur une bêtise de la vie quotidienne, la fameuse goutte d’eau qui fait déborder le vase conjugal. Un détail de rien du tout. Un infime quelque chose comme les bouchons mal refermés, la vaisselle oubliée dans l’évier, le rouleau de PQ vide posé sur la chasse d’eau, ou le smartphone déverrouillé qu’on a laissé traîner… D’où une vraie question : tout comme un but non validé peut laisser le sentiment que le titre vous file entre les doigts, qu’un insignifiant grain de sable aurait donc suffi à changer le cours de l’histoire, un juste retour sur l’exactitude des faits derrière l’engueulade de mauvaise foi peut-il sauver un couple ? Ou du moins prolonger sa durée de vie ? Sans doute. À un bémol près : ça ne sert plus à rien de connaître la vérité lorsque l’adversaire a déjà quitté le terrain. La baston :Grand classique de tous les tribunaux, l’appréciation de la patate, la nuance du coup de boule ou encore l’ellipse du front-kick dans la figure fournissent toujours matière à de plaisantes arguties juridiques sur la nature exacte des coups et blessures, certificat médical à l’appui. Et si, parfois, un doute subsiste sur la force d’impact ou sur la personne à qui remettre les lauriers de la victoire, la 3D permettra aisément de trancher les cas les plus étriqués. Même en cas de bagarre générale. En souhaitant toutefois que les images, et la décision qui s’en accompagne, ne donnent pas sujet à remettre le couvert en seconde mi-temps. La chasse :Quarante-deux morts durant la saison de chasse 2014-2015… Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce « sport » national, électoralement surpuissant au regard de ce qu’il pèse, ne fait pas dans la dentelle. Le tout pour une poignée de condamnations dans les rangs des amateurs de galinettes cendrées. Inutile de préciser qu’une fois instauré, le recours à la précision chirurgicale de cette nouvelle arme technologique démontrera qui a tiré, qui a reçu, qui doit porter le chapeau, et qui a fini le cubi de rouge avant de repartir en forêt. Si les conséquences judiciaires seront sûrement un peu plus pesantes, le chasseur aura toujours la possibilité de s’indigner contre la perte de son permis de chasse. Goal-line technology ou pas, certaines choses sont immuables, et c’est très bien comme ça.Par Nicolas Kssis-Martov