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Et si Gallardo était le futur du PSG ?
Plus les grands clubs grandissent et se vendent partout dans le monde, plus la question de leur identité fait sentir son importance. Or, cette identité aime se cacher derrière le costume d'un entraîneur qui devient de plus en plus la figure centrale des clubs du plus haut niveau. Le Barça de Guardiola. L'Atlético de Simeone. Le Milan d'Ancelotti. La Juve de Conte. Tous ces ex-joueurs ont porté le maillot, ont senti le poids de ses couleurs et ont ensuite su faire passer ces clubs au destin international pour des familles locales. Aujourd'hui, le PSG grandit saison après saison. Mais quand l'on regarde la liste des entraîneurs à fort potentiel d'identification, l'option numéro un est plutôt inattendue…
Le PSG change vite. Trop, pour les nostalgiques et les amoureux des tribunes. Pas assez, pour d’autres, qui demandent déjà les têtes de Zlatan Ibrahimović et Thiago Motta, « trop âgés pour mener le club vers la C1 » . Toujours est-il qu’en période de changement, toute entité a besoin de références. Parfois, il s’agit de joueurs nés au club, comme le Real Madrid des années 2000, dont l’identité madrilène était portée par les seuls Raúl, Casillas et Guti. Parfois, il s’agit d’un entraîneur né au club, comme le FC Barcelone de Pep Guardiola. Enfin, il peut aussi s’agir d’un simple lien, une connexion temporelle, un moment passé ensemble. C’est le presque fait maison, comme dans le cas de l’Atlético Madrid et de Diego Simeone, madrilène de 1994 à 1997 et de 2003 à 2005. Si ces références sont aussi importantes, et si le chant « Olé olé olé olé Cholo Cholo » s’est fait entendre dans les travées du Vicente-Calderón dès le retour du technicien argentin, c’est bien parce qu’un club de football, aussi mondial puisse-t-il devenir, reste une culture locale.
Une culture qu’il faut connaître, côtoyer, appréhender et savoir interpréter. Forcément, à une époque où le rôle de l’entraîneur est de plus en plus important et tend vers celui de « gestionnaire de toute la vie de l’équipe première, et même plus » , c’est cet homme qui doit au mieux incarner les valeurs du club. Aujourd’hui, le PSG connaît des mutations. Et si les départs douloureux de Sakho et Chantôme ont fait mal aux racines parisiennes, c’est finalement peut-être le départ de Leonardo qui a le plus coupé les ponts. Ancien joueur à une époque dorée, le Brésilien était un lien essentiel, comme Simeone. Aujourd’hui, Leonardo est donc parti, Carlos Bianchi est âgé, Youri Djorkaeff est occupé, Safet Sušić est ailleurs et Mauricio Pochettino semble bien installé en Premier League. Si l’on se met à fouiller dans l’histoire du PSG, il se trouve que la seule véritable option est inattendue : Marcelo Gallardo.
« Le meilleur match de ma carrière ? Un 0-0 insignifiant contre Sochaux au Parc »
Non, Gallardo ne connaît pas aussi bien le PSG que Simeone connaissait l’Atlético Madrid lors de son retour en 2011, et le « lien » peut même paraître illusoire. L’Argentin connaît même bien mieux l’AS Monaco – et les poings de Christophe Galtier – où il a joué et triomphé durant quatre saisons. Mais Gallardo a quand même connu le PSG des années 2000. C’était le PSG d’Alain Cayzac, en l’occurrence. Une année : 2007. Un PSG qui ne s’oublie pas et qui fait partie de l’identité du club de la capitale. Une période trouble, à la limite de la rupture, marquée par les profondes inquiétudes en championnat et l’ivresse sincère en coupe. Gallardo, lui, signe le 1er janvier 2007. Quinze jours plus tard, Guy Lacombe est démis de ses fonctions et remplacé par Paul Le Guen, qui vient de quitter les Rangers. Durant ce même mercato d’hiver, le PSG voit partir Pancrate, Dhorasoo et Paulo Cesar, fait venir Jérémy Clément et Luyindula. Un tout autre PSG, qui assure son maintien à la 37e journée contre Troyes, finit 15e et voit Pauleta s’attribuer le titre de meilleur buteur du championnat avec 15 buts. Sakho n’a que 17 ans, Gallardo en a 31. L’Argentin joue 28 matchs en un an et marque 2 buts sous le numéro 10 et le serre-tête.
« Le club était dans un moment difficile, je suis arrivé durant le mercato d’hiver, ce qui n’est jamais évident. Lacombe s’est fait virer, et Le Guen est arrivé avec des idées plus conservatrices. Le club jouait le maintien. Mon jeu ne lui plaisait pas trop et, en plus, j’ai connu une série de blessures. Ensuite, il avait son équipe, et quoi que je fasse, je savais que je ne jouerais plus. Je suis donc parti en janvier aux États-Unis. » Direction DC United. Ce PSG se sauvera finalement lors de la dernière journée à Sochaux, terminera finaliste de la Coupe de France et ira jusqu’au bout en Coupe de la Ligue. Deux saisons invraisemblables, mais très parisiennes, qui ont marqué le personnage Gallardo. Plus tard, il se souviendra qu’il n’a jamais retrouvé en Ligue 1 « le football français qu(‘il) avai(t) connu à Monaco, c’était un championnat très physique avec peu de jeu » . Lorsque le magazine El Grafico lui demande quel est le meilleur match de sa carrière, sa réponse est surprenante : « Je me souviens d’un PSG-Sochaux lors duquel j’avais tout réussi, mais qui avait fini sur un 0-0 insignifiant » . C’était au Parc, le 27 janvier 2007. Enfin, il y a aussi le souvenir d’un joueur : « Finalement, j’ai peu joué avec Pauleta, mais c’était un finisseur de puta madre (un super finisseur, en VF) » .
Pep Guardiola, folie, possession et pressing tout-terrain
Une poupée retrouvée au fond du placard ? Pas vraiment. Le Muñeco serait candidat si la direction du PSG se mettait à chercher un entraîneur historiquement lié au club – à court, moyen ou long terme, là n’est pas la question –, mais ce n’est absolument pas pour son passé de joueur au PSG, mais bien pour sa trajectoire d’entraîneur depuis 2012. En 2011, Gallardo prend sa retraite de numéro 10 au Nacional de Montevideo. À 35 ans, il a déjà son diplôme d’entraîneur en poche, conscient de son destin de meneur d’hommes « depuis (s)es 28 ans environ » . Dans la foulée, Gallardo prend une retraite d’une semaine à Buenos Aires et devient l’entraîneur du Nacional. Première saison, et premier titre de champion en 2012. Le devoir accompli, il décide de se reposer enfin, se rendant compte de la mission qui l’attend. Comme Pep Guardiola, auquel il dit « s’identifier très fortement dans la vision et la manière de vivre la profession d’entraîneur » , Gallardo ne peut que tout donner. Après un an de repos, il se livre au Grafico : « Si tu investis vraiment le niveau de passion que requiert cette profession, être entraîneur consomme une grande partie de ta personne. La dynamique du métier te transporte même jusqu’à un niveau de folie » . Gallardo n’est pas devenu entraîneur parce que ça lui plaisait ou parce que c’était une suite logique à sa carrière, mais parce qu’il ne pouvait pas faire autrement : « Ça fait longtemps que j’analyse le football avec un regard d’entraîneur. Ça m’a même joué des mauvais tours sur la fin de ma carrière de joueur. Il y a beaucoup de gens qui n’aiment pas les gens capables d’analyser et de s’exprimer correctement… Dans un football médiocre et dans des situations institutionnelles bâtardes, il vaut mieux ne pas trop la ramener… » .
C’est finalement en juin 2014, il y a près d’un an, qu’il revient aux affaires. Lorsque Gallardo remet les pieds dans « son » River Plate, les Millonarios ne sont plus ce qu’ils étaient dans les années 1990. Ils ont connu la B et la dette, mais le président Rodolfo D’Onofrio semble bien décidé à structurer le club vers de futurs succès. L’arrivée de Gallardo propulsera River vers un niveau de stabilité qui semblait inespéré. Lors du Tournoi de transition 2014 (d’août à décembre), Gallardo bat le record d’invincibilité du club avec 31 matchs sans défaite, remporte la Sudamericana (Ligue Europa locale, ndlr) en éliminant Boca en demi-finale (premier entraîneur de River à battre Boca dans une confrontation à élimination directe d’un tournoi international) et accroche une seconde place avec un effectif qui ne pouvait pas donner plus (dépassé par le Racing à 2 journées de la fin, entre deux Superclásicos). Aujourd’hui, River est premier ex-aequo avec Boca après 10 journées du Tournoi 2015. Mais l’essentiel est ailleurs : dans un pays où les résultats dominent les idées de jeu depuis des années, le River de Gallardo est en train de devenir une marque de fabrique pour la priorité qu’il donne à la possession et au pressing tout-terrain. Et pourtant, Gallardo n’a ni Xavi ni Iniesta.
« Le meilleur River que j’ai vu en tant qu’expression collective »
Le mieux placé pour décrire le phénomène est le président D’Onofrio, dans le Grafico : « C’est la meilleure équipe de River que j’ai vue en tant qu’expression collective. J’ai vu beaucoup d’équipes extraordinaires de River, mais avec de grandes individualités : là, c’est le collectif qui a fait grandir les joueurs. Le plus impressionnant, c’est la culture sportive qu’il a inculquée à River en si peu de temps : le fait de jouer d’une certaine manière, que l’arrière droit des moins de 18 ans sache exactement ce qu’il faut faire quand il joue avec la réserve, parce que toutes les catégories jouent de la même façon. Gallardo est en train de rendre à River son identité. Aujourd’hui, les supporters de River marchent fièrement avec leur maillot dans la rue. » En ce mois de mai d’automne argentin, Gallardo s’apprête d’ailleurs à jouer trois Superclásicos en l’espace de 10 jours (championnat et Libertadores), dans une hystérie qui se rapproche de ce qu’avait connu l’Espagne des Clásicos en 2011.
Car en Argentine plus qu’ailleurs, les entraîneurs travaillent au milieu d’une pression multiforme que l’on retrouve difficilement ailleurs, pour des raisons culturelles et financières : la pression du résultat (surtout pour River et Boca) et des médias, très culturelle, mais surtout la pression de l’état éphémère ambiant qui habite des équipes qui changent tous les six mois. Ainsi, derrière l’exemple de Diego Simeone, ce championnat argentin appauvri est en train de créer une file d’entraîneurs très compétents, véritables héros de la gestion d’hommes, devant faire face à des ressources, un matériel et des conditions de travail qui font croire que l’Europe est un paradis. Simeone l’a dit : il a tout appris de la gestion de groupe en Argentine, de River au Racing. Gallardo, lui, fait partie de cette file. La question est de savoir si un jour, le PSG aura l’audace ou le besoin, comme l’Atlético, de revisiter son histoire pour mieux construire son futur.
Par Markus Kaufmann, à Buenos Aires
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