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Et si Emmanuel Macron était …

Par Nicolas Kssis-Martov
5 minutes
Et si Emmanuel Macron était …

On ne l'attendait pas, et de ce fait, il est devenu une star des réseaux sociaux, aussi improbable que Nabila. Emmanuel Macron, le petit démon libéral installé sur l'épaule du président, vient de monter en grade et sa nomination au ministère de l'Économie à la place d'Arnaud Montebourg symbolise presqu'un changement d'ère. Mais cet énarque a-t-il les épaules assez larges pour sa mission quasi désespérée : sauver le quinquennat et rassurer les marchés ? Portrait par le foot du dernier espoir de François Hollande.

Un joueur et un entraîneur : Laurent Blanc

Sage, propre sur lui, il a toujours joué dans la cours des grands tout en donnant un peu l’impression de ne pas y être totalement à sa place. Ou qu’il savait se contenter d’officier dans les coulisses. Brillant tout en tâchant de le cacher, il a un peu le sentiment que personne ne le comprend dans son petit monde et qu’il doit toujours en faire davantage pour démontrer qu’il peut convaincre de ses compétences et de sa sincérité. Le verbe cinglant et le costard qui cache son véritable niveau de vie, il réussit et personne ne semble s’en réjouir. La France et la gauche n’aiment pas les gagnants.

Un club : le FC Barcelone

Naturellement, il aurait été facile de pointer le Bayern de Munich ou Chelsea, issus de deux pays dont la « gauche moderne » sert de modèle – sinon d’inspiration – à notre actuel ministre de l’Économie. Toutefois, au-delà des évidences, et peut-être pour rendre hommage à la filiation footballistique auto-proclamée de son tuteur Manuel Valls, le Barça semble davantage correspondre au portrait-robot qu’Emmanuel Macron tente d’incarner dans l’opinion. Le club catalan, mastodonte de l’UEFA, financièrement parlant, a toujours su cultiver une image « progressiste » , voire sympathique, à coups de sponsors – enfin c’est du passé ! – et avec son passé de pilier de la résistance au franquisme. Bref, aussi crédible aujourd’hui que se dire « socialiste » quand on ne jure que par le Wall Street Journal et qu’on sort de chez Rotschild. De plus, le petit parfum régionaliste, voire nationaliste qui entoure l’aura populaire du FCB ne doit pas déplaire à celui que d’aucuns présentent désormais comme un patriote économique. Tout comme le foot moderne a besoin d’habillage culturel pour vendre ses maillots, le libéralisme doit se dire de gauche pour dompter le pays du colbertisme réformiste et du gaullisme social.

Un match : Allemagne – Hongrie 1954

Face au « football socialiste » de la Hongrie du Onze d’or, l’Allemagne, ou plutôt la RFA d’alors, renverse les pronostics, dopée – dans tous les sens du terme – par un miracle économique en devenir et un capitalisme qui ne sait pas encore qu’il a finalement déjà gagné la partie. Et ce n’est pas une équipe stalinienne qui se fait voler sa Coupe du monde ce jour-là en Suisse, mais une certaine idée du foot au profit d’un réalisme productiviste qui ne s’éclipsera que le temps du règne libertairien de la Seleção de Pelé et Garrincha. Emmanuel Macron est bien, lui aussi, la revanche symbolique d’une gouvernance docile aux marchés sur le vieux fond romantique « front pop » du PS. La SFIO c’est fini !

Un entraîneur : José Mourinho

On concédera qu’on frôle presque le compliment. « The special one » pourrait d’ailleurs être aussi le surnom du nouveau ministre, tant son parcours d’enfant gâté de la méritocratie PS en fait d’office le chouchou du président. Ils sont tout aussi largement controversés dans leurs propres camps qu’auprès de leurs adversaires. Tout ne les rapproche pas. Emmanuel Macron ne semble pas partager le goût de la provocation et de l’affrontement, notamment avec son président. Cependant, à son instar, lui aussi n’est finalement peut-être jamais à sa place (Chelsea plutôt que Liverpool, la gauche plutôt que la droite), et comme le Portugais, il croit plus aux chiffres qu’aux hommes, et au final il est persuadé de toujours avoir raison contre tous.

Une réforme : le fair-play financier

Nous sommes dans le bon timing. Alors que le système sensé incarné la régulation dans le foot et garantir un peu d’équité se met en place, sans bien sûr arriver à brider un mercato stratosphérique, tous les observateurs semblent enfin réaliser qu’il ne sert finalement qu’à garantir les positions acquises des plus puissants. Et si l’on en croit les premières mesures qui fuitent déjà, aussi bien du côté du logement (jolis cadeaux fiscaux aux familles les plus aisées) que des 35 heures, la fameuse politique de l’offre risque fort bien, elle aussi, de se résumer à rendre la vie plus belle à ceux qui se sont déjà beaucoup enrichis durant la crise. Le tout avec un peu de vernis social puisque, paraît-il, il s’agit, comme pour le fair-play avec le foot, de sauver le pays et notre solidarité nationale.

Un système de jeu : le contre

Il ne s’agit que de cela. Laisser le ballon à l’adversaire pour que finalement la victoire vous revienne. Sinon comment expliquer l’attribution d’un ministère aussi stratégique à une figure si peu consensuelle dont la ligne se résume à une « politique de l’offre » qui vise à toujours donner plus aux entreprises pour que finalement elles fassent redémarrer la machine économique et que les Français revotent Hollande en 2017 aux prochaines présidentielles. Seulement, le risque de ce genre de stratégie fut largement observé lors du quart de finale entre la France et l’Allemagne au Brésil. Il faut avoir le talent nécessaire pour reprendre la balle et les attaquants pour marquer. C’est toujours plus simple normalement d’essayer de gagner plutôt que de laisser l’autre perdre !

Un supporter : l’invité en loge

Quand on a des amis haut placés, il y a toujours quelques avantages à en retirer ou à gratter. Notamment pouvoir assister tranquillement au match bien à l’abri du peuple des tribunes, en sirotant du champagne et en regardant les ralentis sur écran. Aussi passionnant que de contempler les statistiques du chômage en dissertant sur l’assainissement des finances publiques ou du pacte de responsabilité en narguant les défilés syndicaux par la fenêtre de Bercy. Par ailleurs, on a envie de croire – et on est sûr – qu’au Medef, le buffet est excellent.

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