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Et si Domenech savait communiquer ?
Avec son interview publiée par L'Express aujourd'hui, Raymond Domenech réussit plutôt bien son retour médiatique. Ne rien dire et en remettre une couche sur la responsabilité des joueurs, une stratégie qui peut payer.
« Laminak.Conseil est une société de conseil en entreprise spécialisée dans la communication et la gestion de crise » . Ce n’est donc pas un hasard si Raymond Domenech a choisi cette boite pour s’occuper de son image post-Mondial, lui qui est en crise depuis huit mois et le paroxysme du cirque bleu en Afrique du Sud. Alors que, avant la compétition, le sélectionneur confiait sa communication à VIP Consulting, c’est bien Pascal Irastorza, fondateur de Laminak, qui a annoncé son grand retour, vendredi dernier sur Europe 1. Un come-back se traduisant donc par une longue interview publiée ce matin par L’Express. L’hebdomadaire n’a pas non plus été choisi au pif. C’était déjà L’Express qui avait eu l’exclusivité d’une interview fleuve de Raymond, à peine une semaine après la qualification de la France pour la Coupe du Monde et le début de la polémique mondiale sur la main de Thierry Henry. Cette fois-ci, Domenech s’est pointé avec son avocat et son conseiller en com’, a relu l’interview, puis a « changé trois mots et ajouté une demi-ligne au texte initial » , selon le site du magazine. Le résultat est donc bien lisse, un peu vide, mais il y a quand même quelques petites choses à en retenir.
D’abord, éviter les faits
Commençons quand même par les sujets dont l’interviewé n’a pas voulu entendre parler, puisqu’ils sont clairement les plus nombreux. En ce qui concerne les détails de son altercation avec Anelka, Raymond a une bonne excuse : « Une procédure est en cours sur ce point entre le joueur et le journal L’Equipe » . Le duel interne entre Ribéry et Gourcuff, lui, est carrément nié : « Si conflit il y a eu, ça devait être tard le soir dans leur chambre ! […] Les deux joueurs ont même déjeuné une fois ensemble, car ils avaient eu écho des rumeurs de tension » . Pas la peine de s’étendre sur la preuve de bonnes relations que peut bien constituer un déjeuner lors d’un rassemblement de Coupe du Monde, Domenech a déjà enchainé sur le sujet de sa prime : « Pour renoncer, il faudrait que je sache de quoi on me parle. Or je n’en ai aucune idée. Jamais je n’ai reçu de telle demande émanant de la « Fédé » » . Quant à savoir s’il considère que les responsables de l’affaire du bus de Knysna auraient dû être suspendus à vie, il n’a « pas d’avis » , ce n’est « pas son problème » et de toute façon, il n’a « pas vu » de meneurs.
On n’apprend rien, non plus, sur ce qu’il a bien pu faire de sa vie depuis son retour d’Afrique du Sud. Il est demandeur d’emploi, il entraine bénévolement les gamins de Boulogne-Billancourt, il a joué dans une pub pour le poker, il a fait quelques interventions auprès de jeunes footeux autrichiens. Tout ce que l’on sait déjà. En ce qui concerne l’avenir, Domenech prend juste la peine de démentir la rumeur d’une participation à une télé-réalité et évoque quelques projets théâtraux et cinématographiques. Voilà, c’est ça la grande interview du retour du damné : aucun scoop à l’horizon. Livrer de l’information ne fait (pour l’instant ?) pas partie du plan de communication des conseillers de Raymond. Ici, on est dans la posture à 100%.
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Puis, mettre des quenelles
L’ancien sélectionneur le dit dès le début de l’entretien, il parle parce qu’il veut rétablir la vérité sur lui. Donc pas sur ce qu’ont été ses six ans à la tête de l’équipe de France. Raymond aime le foot, la preuve, il entraine les jeunes de Boulbi gratuitement et il est toujours supporter de l’équipe de France. S’il n’y est pas encore revenu pour de bon, c’est parce que « c’est comme en amour, il faut avoir oublié une femme pour pouvoir en aimer une autre » . Si Raymond avait cette attitude face au public, c’était pour « protéger le groupe » . Et surtout, Raymond a fait son autocritique ! Même s’il n’en livre pas les conclusions : « Soyons clairs : je me suis planté, je n’ai pas dû choisir les bons joueurs ni trouver les mots qu’il fallait. Je n’accepte pas la critique des politiques ni celle des anciens joueurs reconvertis dans le journalisme, mais cela ne m’empêche pas de tirer mon propre bilan » .
Parce que Raymond n’aime toujours pas les donneurs de leçons. Il a gardé exactement les mêmes têtes de Turc que lors de son interview post-qualification et il les attaque quasiment dans les mêmes termes. Roselyne Bachelot ? « Moi, je ne me suis jamais occupé de vaccins. Lorsque je ne suis pas compétent, je me tais. […] Les joueurs auraient pleuré ? De rire, peut-être » (fin 2009, on lisait : « Moi, je ne m’occupe pas de gérer un ministère, je ne m’occupe pas de la santé » ). Les anciens de 98 devenus consultants ? « Je pensais que cela consistait à faire partager son expérience, à raconter ce qui peut se passer dans la gestion d’un groupe. […] Si ces gens-là veulent parler de morale et donner des leçons, c’est bon, il n’y a plus de souci à se faire ! » (Après la qualif : « Les anciens joueurs qui se comportent comme des entraîneurs alors qu’ils n’ont jamais dirigé une équipe me laissent indifférent » ).
Enfin, bien se positionner
Mais finalement, là où la stratégie de communication est la plus efficace, c’est dans sa capacité à détourner l’attention. Qui a pris des baffes depuis la Coupe du Monde ? Domenech, qui n’avait plus aucune activité médiatique, ou les joueurs, qui ont continué leur carrière en club et parfois en sélection ? Il s’agit donc d’amorcer doucement un retour sur le devant de la scène sans attirer les regards mauvais braqués sur les joueurs. Ces joueurs qui, contrairement à ce qu’on croit, n’étaient pas coupés du monde pendant la compétition, « la preuve, avec cette fameuse Une de L’Equipe qui a fait scandale » . Et surtout, cette « bande de sales gosses inconscients » . Dès la publication des premiers extraits de l’interview, c’est cette phrase, la plus “buzzable”, qui a été mise en avant. Comme à chaque attaque du genre, qu’elle vienne de la classe politique ou du monde du football, les joueurs vont être appelés à réagir, à commenter, à contrer cette phrase. Comme d’habitude, ils ne parviendront pas à en sortir grandis. Raymond Domenech a peut-être réussi à se placer du bon côté du manche. Qui a dit que cet homme n’était pas un bon communicant ?
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