- CAN 2015
- 2e journée
- Gr. D
- Côte d'Ivoire/Mali
Et si c’était (enfin) l’année de la Côte d’Ivoire ?
OK, la Côte d'Ivoire fait toujours figure de favorite pour cette CAN 2015. Mais depuis la nomination d'Hervé Renard, la Selephanto a opéré une transformation souterraine qui pourrait peut-être l'emmener à la victoire finale. Une bonne fois pour toutes, histoire de conjurer le sort.
Dix ans que ça dure. Dix ans que c’est « l’année de la Côte d’Ivoire » dès lors qu’une Coupe d’Afrique des nations pointe le bout de son nez. Dix ans que les Éléphants échouent, parfois cruellement, parfois lamentablement, dans leur quête du Graal footballistique africain. Rebelote en 2015 ? Pas si sûr. Si le 1-1 final obtenu face à la Guinée en match d’ouverture du groupe D mardi dernier laisse présager un tournoi poussif pour la Côte d’Ivoire, c’est avant tout parce qu’il s’agit d’une performance en trompe-l’œil. D’abord parce qu’il est toujours difficile d’affronter l’organisateur de la compétition, aussi limité soit-il, surtout quand celui-ci doit compenser sur le terrain une organisation-course contre la montre suite au désistement tardif du Maroc. Ensuite, parce que le niveau affiché par les Éléphants était loin d’être dégueulasse, tout en vitesse, bien aidé par un Gervinho en feu. Un peu trop d’ailleurs, à l’image de ce mauvais geste sur Naby Keita dans la surface adverse qui lui valut un rouge à la 57e minute du match, avant de rattraper leur but de retard par Doumbia à la 72e. À dix contre onze, Bony était même tout près de doubler la mise deux minutes plus tard suite à un bon débordement d’Aurier.
Drogba parti, Wilfried bony-fié
Surtout, la Côte d’Ivoire jouit actuellement d’un renouvellement d’effectif considérable, insufflé par les infortunes diverses des cadres de la génération dorée des Selephanto, ainsi que le jeunisme récurrent du vieux beau Hervé Renard. Si le double Didier, Zokora et Drogba, a décidé de mettre un terme à sa carrière internationale à l’issue du Mondial brésilien l’été dernier, Emmanuel Éboué et Arthur Boka, eux, ont été invités à rester chez eux durant la coupe africaine. Un « gâchis, selon Olivier Kapo, qui s’exprimait récemment dans les colonnes d’Afrik.com. Parce que Didier reste Didier, quelle que soit sa forme. Je pense qu’on devait tout faire pour qu’il accepte de venir jouer sa dernière CAN. Il en est de même pour Eboué, Zokora, qui, aujourd’hui, a le plus grand nombre de sélections. Avec tout ce que ces joueurs ont apporté à l’équipe de Côte d’Ivoire, voir les choses finir ainsi, c’est dommage. Ils méritaient mieux. »
Une dernière pige pour services rendus à la nation, donc. Il est vrai qu’un Éléphant, ça vit longtemps. Mais ça trompe énormément, aussi, et ses dernières années, la Côte d’Ivoire a toujours eu la fâcheuse tendance à se reposer sur les qualités individuelles de ses stars en pensant qu’il s’agissait d’une panacée. Si la Côte d’Ivoire ne jurait que par un Drogba vers qui convergeait tous les ballons, un autre attaquant de grand classe grandissait pourtant dans l’ombre du solaire Didier : Wilfried Bony. Et nul doute que l’attaquant de Chelsea a fait une faveur à sa sélection en laissant le champ libre pour la nouvelle pointe de Manchester City. C’est d’ailleurs lui qui fait la passe décisive pour Doumbia contre la Guinée, après un magnifique enchaînement contrôle de la poitrine-passe dans la course.
La patte du Renard
Une passe décisive, donc. Pas un but. Certes, la Côte d’Ivoire garde de fortes personnalités : les frères Touré, Gervinho, Salomon Kalou, pour ne citer qu’eux. Mais ces derniers font office de briscards plus que de divas dans un effectif ivoirien (enfin) étêté de ses egos surdimensionnés. Comme un symbole, Renard avait décidé de rappeler Siaka Tiené, ses 32 ans et ses 89 sélections l’automne dernier, après un an et demi sans avoir enfilé la liquette orange. Un défenseur qui renaît de ses cendres à Montpellier, censé apporter un peu de stabilité à une défense-gruyère ivoirienne qui a pris dix-sept buts en onze matchs, dont quatre face au Cameroun, que les Éléphants affrontent aujourd’hui. Un travail de rafraîchissement débuté il y a de ça trois ans par Sabri Lamouchi et poursuivi avec brio par Hervé Renard. Sur les vingt-trois joueurs qui composent la sélection ivoirienne pour cette CAN, onze d’entre eux ont fait leurs débuts internationaux à partir de 2012, dont huit à partir de l’ère Renard, et seulement dix faisaient partie de la Selephanto à la CAN 2013.
Parmi eux, des valeurs sûres telles que Serge Aurier, Serey Die ou encore Jean-Daniel Akpa-Akpro, mais aussi des révélations comme le Messin Cheick Doukouré ou Eric Bailly, de l’Espanyol Barcelone. Résultat, l’âge moyen de l’effectif tombe à 25 ans, tandis que le nombre de sélections est de 34. Et ça, en comptabilisant les 204 sélections des frères Touré et sans la présence de l’espoir Brice Dja Djédjé (24 ans) qui a préféré rester en janvier à la Commanderie pour sécuriser sa place à l’OM. Car oui, il semblerait que l’on ne se batte plus forcément pour se voir sélectionner chez les Éléphants. Si la Côte d’Ivoire affiche toujours un statut de favori avec l’Algérie lors de cette CAN, cette sélection qui constituait une des places fortes du foot africain des années 2000 est peut-être revenue à la normale. Un mal pour un bien : le 26 janvier 1992, au Stade de l’Amitié de Dakar, un effectif ivoirien sans véritable star avait terrassé le Ghana d’Anthony Yeboah, Abedi Pelé et Nii Lamptey en finale de la CAN, au bout de la nuit après un douzième tir au but frappé par Baffoe et arrêté par Gouaméné. Ce même tir au but fatidique qui avait échappé à Drogba un soir de finale 2012 face à la Zambie entraînée par… Hervé Renard.
Par Matthieu Rostac